Au sein d'une commune, tout ce qui se passe à l'école tient de la responsabilité des maires. Le constat inquiète les élus, alors que le gouvernement soutient une réouverture des établissements scolaires, malgré la pandémie de Covid-19.
"Aujourd'hui on nous dit : "Faites, et débrouillez-vous sur la manière de faire", s'agace André Laignel. Maire d'Issoudun (Indre), vice-président de l'Association des Maires de France (AMF). La réouverture progressive des écoles, annoncée par le gouvernement à la mi-avril, inquiète les élus locaux. Manque de place, de personnel ou encore de savon, crainte de ne pas pouvoir faire respecter les gestes barrière... Le risque d'une circulation accrue du Covid-19 est dans la tête de tous les parents, enseignants et de tous les maires.
"L'école républicaine, pour chaque maire, c'est quelque chose de prioritaire. Ce qui devrait nous conduire presque "automatiquement" à ouvrir. Mais nous avons la responsabilité de ne pas exposer les enfants à un risque sanitaire, et à travers eux, leurs familles. Nous sommes dans une contradiction qu'il faut essayer de résoudre" résume le vice-président de l'AMF
Des maires au pénal ?
Mais pour les maires, le risque juridique s'additionne au risque sanitaire. "La commune a la charge des écoles publiques", dit très clairement l'article L212-4 du Code de l'éducation. "Dans l'absolu, à partir du moment où un élève aurait attrapé ou diffusé le covid, et que l'on puisse démontrer que cela s'est passé pendant qu'il était à l'école, on peut impliquer les maires dans cette responsabilité." estime André Laignel.
Pour Me Philippe Bluteau, conseiller juridique de l’Association des petites villes de France et cité par La Croix, "l’école est placée sous la double responsabilité de l’éducation nationale, pour ce qui concerne l’activité de classe, et celle du maire pour les temps de cantine ou périscolaires." Sans pouvoir déterminer le moment exact d'une contamination, la Justice pourrait engager une co-responsabilité. Un mécanisme qui pourrait conduire des maires devant un tribunal pénal.
Les maires et des cadres de l’éducation redoutent des poursuites des familles en cas de contamination au Covid-19 même si, en réalité, les poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui sont rares.https://t.co/To9HUY9h2R
— La Croix (@LaCroix) April 28, 2020
"Il faut compléter, modifier, améliorer cette loi"
"Si le gouvernement veut que les maires se battent pour rouvrir leurs écoles, encore faut-il leur donner la garantie qu'ils ne seront pas responsables à la place de l'Etat" avertit André Laignel. Pour cela, François Baroin, président de l'association, et lui-même, ont soutenu l'idée d'inclure la protection judiciaire des maires dans la loi de prolongation de l'Etat d'urgence sanitaire, qui doit être votée par le Sénat le 4 mai.
Pour cela, le maire d'Issoudun veut s'appuyer sur la "loi Fauchon", qui limite la responsabilité des maires concernant les "délits non-intentionnels". "Il faut compléter, modifier, améliorer cette loi" estime le vice-président de l'AMF.
Le 29 avril, le sénateur de l'Eure, Hervé Maurey a de son côté déposé une proposition de loi. Il souhaite "que la responsabilité d’un maire appelé à mettre en œuvre une décision de l’État (…) ne puisse pas être engagée s’il ne dispose pas des moyens adaptés, à moins qu’il ait commis de façon manifestement délibérée une faute caractérisée"Jusqu'où un maire peut-il être jugé responsable d'une catastrophe ? http://t.co/buxzoa56Ls
— Libération (@libe) September 19, 2014