Intimidations, permanences vandalisées : la campagne des municipales 2020 sous le signe de la rupture

A quelques jours du premier tour des élections municipales 2020, une nouvelle permanence LREM a été dégradée à Bourges. Si les candidats LREM ont été particulièrement visés, la tension est montée d'un cran sur tout l'échiquier politique depuis plusieurs mois.

"Pas Blanc comme neige", "Couvé par ton maître", "On oublie pas" [sic]. Tracés à la peinture violette, les tags recouvrent presque intégralement la vitrine de la permanence de Pascal Blanc. Il s'agit, selon le maire de Bourges et candidat à sa propre succession, de la troisième fois que sa permanence est graffée. Sur son compte facebook, l'édile publie également la photo d'une affiche taggée où il est désigné comme "l'homme à abattre".
 
"J'ai mal à ma France ! J'ai mal à ma République !" a vivement réagi Pascal Blanc sur les réseaux sociaux. "Alors oui c’est vrai, nous sommes en campagne électorale, mais cela n’excuse pas l’inexcusable", poursuit le candidat du Mouvement radical, soutenu par l'UDI et le parti présidentiel LREM. Il mentionne également des "menaces de mort" à son encontre. Joint par France 3, Pascal Blanc fait état, au-delà de l'insulte personnelle, d'un "dégoût" devant ce qu'il considère comme une "atteinte à la démocratie". "Je suis pour le débat d'idées, mais là on vit une campagne comme on n'en a jamais vu à Bourges", commente-t-il. Sans compter les réseaux sociaux, devenus un "défouloir".
 

Une permanence visée à l'arme à feu

De fait, il n'est pas le seul élu, ni même le seul candidat, à avoir été pris à parti pendant la campagne. A Tours, le candidat LREM Benoist Pierre a dénoncé en février dans un communiqué "l’organisation et la participation de certains colistiers et militants" de deux de ses rivaux, Emmanuel Denis (EELV, PS, LFI) et Claude Bourdin (NPA, Touraine Insoumise), "à des actions ayant eu uniquement pour objet d’étouffer le débat démocratique local".

Le candidat les accuse d'avoir physiquement empêché le démarchage de ses militants sur le marché Velpeau, et d'avoir perturbé son meeting organisé dans la sale des fêtes de l'Hôtel de ville. Dans la commune voisine de Joué-lès-Tours, une altercation virulente a même éclaté entre Afif Djaber, membre de l’équipe de la candidate LREM Laurence Hervé et l'adjoint à l'urbanisme Bernard Sol. Dans d'autres villes encore, les candidats LREM ont particulièrement été pris pour cible, mais sont loin d'être les seuls concernés.

 

A Blois, une plainte a été déposée le 10 mars après une altercation virulente entre des militants de gauche et des colleurs d'affiche du candidat LR Malik Benakcha. Au mois d'octobre 2019, la permanence de ce dernier avait même été criblée de 42 impacts de balles. "On est davantage ciblés parce qu'on est en situation de challenger", analyse le candidat. "Ce qui fait de nous une cible, c'est le fait de peser, d'être dans une logique ou ce que l'on fait impacte." Cela dit, il relativise l'ampleur de ces violences : "On n'a pas eu de bagarre, de tag sur les affiches. Sur le terrain ça a été beaucoup moins violent que certaines années."
 
 

Les maires et candidats "à portée d'engueulade"

Pour le politologue et universitaire orléanais Pierre Allorant, ces derniers mois représentent "incontestablement une période de très forte tension", dans un climat de "violence et de détéstation quasiment personnelle envers le président de la République". "Les maires, personnalités politiques les plus respectées des Français" sont néanmoins "très exposés, car ils sont, pour citer Gérard Larcher, 'à portée d'engueulade', et en même temps très démunis pour pouvoir agir politiquement." Les moyens réels d'action et les décisions stratégiques reposent de plus en plus fortement sur les intercommunalités, bien moins visibles localement que les maires.

"Il y a une accélération de cette violence", confirme de son côté Pascal Blanc. "Et je crois que là-dessus nous avons une responsabilité collective en tant que société.
 

Il n'y a plus de vrai leader, plus vraiment de projet, plus de structures. Les gens se sentent donc libres de s'exprimer d'une façon spontanée, désorganisée, parfois violente. Je crois qu'il s'agit d'un mal-être, qu'on a vu ressortir avec le mouvement des gilets jaunes, et qui ne peut plus s'exprimer à travers les institutions. Il est temps qu'on se ressaisisse, qu'on écoute nos concitoyens.
Pascal Blanc, maire de Bourges et candidat

Il y a donc, dans les tensions locales, une part de frustration, de "rejet d'un pouvoir en place, considéré par certains comme illégitime" poursuit Pierre Allorant, cristallisée par des déclarations "maladroites" d'Emmanuel Macron. Cette "détestation" se retrouve encore amplifiée lors des violences policières observées lors du mouvement des gilets jaunes, des manifestations contre la réforme des retraites ou plus récemment lors de la journée de lutte pour les droits des femmes, le 8 mars.
 

 

"Cette situation n'est pas tenable"

"Cela dévalorise la violence légitime de l'État", diagnostique le politologue. "Ces violences policières incontrôlées et incontestables, même s'il y a des explications face à ce qu'endurent les policiers, pèsent lourdement dans le climat actuel." Autant d'élements qui, en se cumulant, débouchent sur une atmosphère "d'incompréhension et de détestation". "Cette situation n'est pas tenable, et n'est pas saine dans une démocratie."

Alors, comment faire redescendre d'un cran la tension accumulée ? A l'échelle locale, "il faut d'abord que les hommes politiques fassent attention à ne pas encourager" ce climat, notamment en évitant de dénigrer verbalement ou d'accuser leurs adversaires comme cela a été le cas, y compris dans la région. Nationalement, l'enjeu passe aussi par la restauration du lien entre les Français et les forces de l'ordre. "La sécurité passe par la confiance, ce qu'on voit aujourd'hui est un gâchis terrible de ce qu'on observait fin 2015, lorsque les policiers et les gendarmes étaient applaudis après les attentats."
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