"Je n'en voudrai jamais !" : ces Français que la voiture électrique ne branche toujours pas

Trop chère, pas assez autonome, ou peu convaincante pour les amateurs de grosses cylindrée ou de karting : la voiture électrique est encore loin de séduire tout le monde. Et ces sceptiques redoutent 2035, et la fin de la commercialisation des voitures thermiques.

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Un matin frais. Au cœur des vacances scolaires. Celles passées chez mamie. Un de ces matins précieux où les petits-enfants sont les rois. À chaque jour son activité. Ce matin-là, Kéline 10 ans, et sa grand-mère Aglaée quittent leur petit immeuble situé dans le centre bourg de Saint-Satur dans le Cher.

Direction la commune voisine de Ménétréol-sous-Sancerre, et son aire de jeux pour enfants. Entre Loire et vignes, la petite citadine blanche sillonne la campagne. Dans l'habitacle résonne l'un des tubes de Florent Pagny. Aglaée sifflote joyeusement "Ma liberté de penser". 

"Cette petite voiture me sert à aller faire mes courses, à aller me promener au bord du fleuve, voilà mon petit quotidien. Elle me suffit largement."

 
Arrivées à destination. Mamie s'installe sur un banc. Kéline rejoint la balançoire. La Twingo, elle, est garée le long de la petite rue bordée de platanes. "Je ne pourrais pas venir jusqu'ici à pied, à mon âge, ce serait trop fatigant", se désole Aglaée.

Jamais je ne voudrai d'un véhicule électrique, je n'ai pas les moyens. Sinon c'est ma petite-fille qui devra payer l'emprunt plus tard !

Aglaée Delvael

Cette citadine est déjà un luxe pour la jeune retraité. Aglaée a travaillé plus de 40 ans dans la grande distribution et aujourd'hui elle touche à peine plus de 800 euros de pension. Alors pour s'offrir cette voiture essence d'occasion, elle a contracté un crédit sur cinq ans. 

Métier : vendeur d'occasion 

Ce marché de l'occasion à bas coût est porteur. Des Twingo comme celle d'Aglaée, il s'en vend des dizaines chaque mois chez CLA Auto à Briare dans le Loiret. Un parking bondé de petites autos, au milieu des champs, le long d'une nationale. Elles ont pour beaucoup, des centaines de milliers de kilomètres au compteur. Une dizaine d'années, pour les plus récentes. Presque toutes affichées à moins de 5000€.

"Là, j'ai une Peugeot 206. Elle a 200 000km, à 3500€ pour un diesel, ça reste accessible", argumente Antonin Vincent, commercial chez CLA. 

Parce qu'autre point commun chez ce revendeur, le parc est 100% thermique. Ici, aucun modèle électrique n'est à vendre.

L'électrique c'est bien pour les petits trajets. Mais, ici, à la campagne, les gens ont souvent une heure de route, là ça devient plus contraignant.

Antonin Vincent, commercial chez CLA Auto

Passion vitesse, bruit et odeur

Au nord d'Orléans, sur les routes entre Saran, Ormes et Gidy, son moteur hurle plus fort que les autres. Sa gueule, à la fois agressive et féline dénote. Son noir brillant attire l'œil. Sa puissance secoue ses occupants. "Ça va monsieur, tout va bien ?" ose le conducteur en pleine accélération. Les passagers s'enfoncent dans leur siège. Comme dans un avion avant le décollage. 

"Tu fais qu'un avec la bagnole ! T'as envie d'aller chercher plus de bruit. Ça te transporte. Et ça tu ne l'auras plus, c'est fini", anticipe déjà Alexandre Anglade, propriétaire de cette Nissan GTR. 

Un bolide tout sauf électrique. Trahi par son ronronnement. Une mélodie dirait Alexandre. La symphonie des 570 chevaux sous le capot. La douce musique du V6 Bi Turbo. Avec la fausse note d'un malus déjà affiché à 60000 euros. À la Commission Européenne, les 27 accordent même leurs violons. L’Union mettra fin à la vente des voitures thermiques en 2035.

Même si parfois ça marche bien l'électrique, certaines voitures sont super performantes. Mais c'est un peu ON-OFF, il n'y a pas de charme, pas d'odeur.

Alexandre Anglade


Cette même odeur d'essence accompagne chaque matin Guillaume Berteaux, le gérant de Sologne Karting à Salbris dans le Loir-et-Cher. "On met du Sans Plomb 98, parce qu'on a remarqué que par rapport au 95, les durites vieillissent mieux, et puis c'est plus performant" concède l'ancien pilote de Kart à haut niveau.

Ce mercredi-là, comme chaque semaine, une dizaine de collégiens d'un établissement voisin viennent s'entraîner. La mélodie des moteurs résonne à nouveau. Caques vissés sur la tête, pédales d'accélérateur enfoncées. Objectif : dix tours et mini chrono. "C'est des karts à moteurs quatre temps, d'une puissance de huit chevaux pouvant atteindre 75km/h" détaille Baptiste Chevesson, moniteur de pilotage.

Le karting, loisir polluant par excellence. Guillaume Berteaux se le fait reprocher depuis des années. Pourtant la Fédération française de sport automobile a commandé un baromètre environnemental en 2023. Il stipule que les sports mécaniques représentent 0,3% des émissions liées aux transports en France. Alors au karting de Salbris, Guillaume Berteaux se défend et argumente. "Vous voyez les jeunes ils ont roulé une heure, et ils ont consommé deux litres de carburant. Il y a eu d'énormes progrès à ce niveau-là". 

Pourtant l'objectif européen est la neutralité à horizon 2050. Mais concilier pratique du karting et réduction drastique de l’empreinte carbone des Français semble plutôt irréalisable. Et si la solution se trouvait dans le karting électrique. Une technologie récente qui en est à ses balbutiements. "Sauf que pour trois heures de session il me faudrait trois parcs de karting, si j'en fais rouler 30, il me faut 90 karts électriques. Mais ils sont très chers, ce serait très compliqué", se justifie l'ancien champion. 

Ni essence, ni diesel, ni électrique 

Sur le parking de ce garage, l'accueil est impressionnant. Trois gros baraqués attendent. Ils sont grands, virils, larges d'épaules, musclés. À l'américaine. Chacun a son petit nom : Ford à gauche, Chevrolet au centre et Dodge à droite. Des monstres qui frôlent 2 mètres de large et dépassent 1m80 de haut. Street Garage est le temple de la bagnole américaine. Non pas en banlieue de Houston ou de Denver, mais dans la périphérie de Montargis. 

À l’intérieur au comptoir, Philippe vient prendre des nouvelles de sa Mustang après une révision. La vidange est faite. Le filtre à huile est remplacé. Les pneus se porteront mieux, la jolie américaine avait sérieusement besoin d'un parallélisme. En face de lui, Yoann Hebert, le gérant, lui aussi passionné. Il a donné un coup de boost à l'entreprise.

Street Garage a presque doublé son chiffre d’affaires en trois ans, et peut se targuer d'afficher la troisième meilleure croissance du Centre-Val de Loire en 2023. "On est une entreprise familiale, c'est une fierté pour nous, et pour toute l'équipe !

L'équipe officie dans la partie garage. Laura et Emma, respectivement 21 et 16 ans, sont les deux mécaniciennes. Un savoir-faire reconnu. L'art du détail. "C'est plus simple de travailler sur des voitures américaines", sourit Laura Roger, responsable d'atelier.

La Dodge Challenger est sur le pont. Les deux professionnelles auscultent le pare-chocs, avant de la redescendre et d'en ouvrir le capot. "Vous voyez, il n'y a aucune modification au niveau du moteur quand on injecte le programme dans le calculateur. Ce n'est qu'électronique", vulgarise la jeune cheffe d'atelier. Le programme en question est celui qui permet de transformer la voiture. Désormais, comme toutes celles vendues chez Street garage, elle roule à l'éthanol. 

On est davantage décomplexé à rouler avec ça. Quand on nous dit que notre voiture consomme beaucoup, on répond que c'est de l'éthanol et que le taux de CO2 rejeté est divisé par deux.

Yoann Hebert, gérant de Street Garage

Si les voitures électriques représentaient 13,1 % des achats de voitures neuves en 2022 en France, la courbe devrait être exponentielle jusqu'en 2035. Date fatidique de la fin présumée de la vente de voitures à moteurs thermiques. C'est aujourd'hui, en 2024, la ligne de conduite de l'Union Européenne. Les dix prochaines années seront cruciales. Le temps pour les plus sceptiques de se convaincre des bienfaits de l'électrique. 

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