Les hérissons vont-ils disparaître en 2025 ?

Sur internet, une pétition circule annonçant la quasi-extinction des hérissons en 2025. Un constat alarmiste qui cumule plus de 270 000 signatures fin mars 2024. Si l’espèce est bien en danger, la plupart des associations sont plus nuancées. En Centre-Val de Loire, le hérisson dispose encore d'habitats confortables.

"2025, extinction des hérissons !" L'en-tête de la page web du collectif "Famille Hérisson", fondé par Jean-Xavier Duhart, frappe fort. L'association se base en fait sur des chiffres britanniques et explique reprendre le contenu d'un article du Guardian. En 2006, le quotidien fut en effet le premier à tirer la sonnette d'alarme en s'interrogeant sur la disparition du petit mammifère :

Calme, discret et digne, le hérisson incarne le style anglais. Voilà qu'il disparaît mystérieusement de nos parcs, haies et chemins. Pourquoi ?

Dix ans plus tard, des premiers chiffres tombent : les populations de hérissons du Royaume-Uni ont perdu 30% de leurs effectifs en 20 ans, passant de 1,5 million d'individus en 1995 à moins d'un million en 2015. Mais côté français, à ce moment-là, personne ne s'intéresse à son sort. Sauf l'association "Famille Hérisson" qui en profite pour lancer sa pétition.

Son fondateur Jean-Xavier Duhart explique avoir été sensibilisé à la sauvegarde de l'animal en pratiquant la permaculture près d'un terrain dévasté par un chantier. "J'ai vu raser toutes les haies et d'un coup, tout un écosystème a disparu. J'ai vu des hérissons perdus, blessés". Il rappelle que l'espèce est essentielle, car c'est un animal "parapluie" et "sentinelle". "Parapluie" parce qu'en le protégeant, on protège toute une série d'autres espèces. "Sentinelle" car le niveau de sa population reflète l'état de conservation de l'ensemble de son écosystème.

"Cela donne une idée de la situation. Mais il n'y a pas pour autant d'effondrement de la population en France"

Le fondateur de "Famille Hérisson" déplore qu'"aucune étude sérieuse n'ait été menée en France". Ce qui ne l'empêche pas d'estimer qu'en France aussi, la situation serait catastrophique. Du côté de la plupart des associations françaises de sauvegarde de la nature et de l'environnement, on est moins catégorique. Pour Paul Siffert, de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) du Centre Val de Loire, "le hérisson n'est pas une espèce menacée en France", même s'il reconnaît que "la diminution de la population est visible : quand j'étais jeune on voyait des hérissons écrasés partout".

La LPO fait confiance au classement de l'UICN qui rassemble la liste rouge des espèces menacées. L'Erinaceus europaeus n'y est classé qu'en préoccupation mineure. Ce qui signifie que "le risque de disparition est faible". Sauf qu'il n'y a aucun chiffre pour étayer ce classement. Quant aux données de nos voisins européens, selon Paul Siffert, cela "donne une idée de la situation, mais il n'y a pas pour autant d'effondrement de la population en France". 

Il admet qu'on connaît mal l'évolution réelle de notre hérisson français par manque d'études. Et pour cause : on ne s'y intéresse que depuis 2020. Année qui marque le lancement d'un Plan national Hérissons censé y remédier. Il prend la forme d'une étude participative où les données sont recueillies par les citoyens. Le principe est d'installer une sorte de tunnel dans son jardin pendant cinq jours, avec un appât. Celui-ci va recueillir le passage, ou non, du petit mammifère piquant. La LPO se charge ensuite de traiter les données.

Problème : cette étude n'a pas pu aboutir à des conclusions, car il faut assez de volontaires pour se prêter à l'exercice. À ce jour, il n'y a eu que 2013 participants... "Ce n'est pas une méthodologie scientifique, ce n'est pas représentatif", critique d'emblée Jean-Xavier Duhart, qui se réfère une nouvelle fois au Royaume-Uni : "là-bas, ils ont 130 000 bénévoles pour ça, 800 centres de soin pour les hérissons, contre seulement 30 personnes habilitées en France".

Une région Centre-Val de Loire propice aux hérissons

À la LPO, on préfère rester optimiste : " le hérisson a de beaux jours devant lui". Paul Siffert rappelle d'ailleurs que côté bocages, habitat de prédilection du mammifère à piquants, la région n'est pas mal lotie : "avec la Brenne, le Boischaut, le nord du Cher, le Perche... on a des zones propices aux hérissons". Le tout est de les préserver. "On a 10 000km de haies qui continuent à être arrachées chaque année", s'alarme-t-il. Une colère partagée par Jean-Xavier Duhart, pour qui les derniers engagements pris par le gouvernement pour calmer la colère des agriculteurs sont dramatiques :"dans le cadre du Pacte Vert Européen, il y avait eu des avancées au niveau de l'usage des pesticides et de la reconstruction de haies, puis les manifestations d'agriculteurs ont tout détruit".

Si les hérissons ont d'ailleurs déjà disparu des zones agricoles, Paul Siffert note qu'ils sont plus fréquents en zones urbaines et périurbaines : "c’est une espèce relativement opportuniste, donc elle y trouve de quoi manger. En plus, ses prédateurs naturels, tels que le hibou, la chouette ou le blaireau, n'y sont pas présents". Rien de positif là-dedans pour Jean-Xavier Duhart :"c'est une aberration de se réjouir que le hérisson survive en milieu urbain, ce n'est pas son milieu. Et il aura du mal à s'y reproduire correctement, sans consanguinité".

Des gestes simples à adopter, à la portée de tous

Pour sauver l'espèce, comme pour d'autres espèces menacées, la LPO mise sur la sensibilisation. Le Plan Hérisson est donc avant tout pédagogique : " il est destiné à apprendre à vivre avec l'animal", précise Paul Siffert. La LPO propose ainsi des dispositifs simples pour participer à la sauvegarde de l'animal :"au niveau local, on mène des actions en proposant aux habitants des "passages à hérissons" pour faciliter leur circulation. Quand on a une dizaine d'individus sur un même endroit, ils risquent de prendre des risques en traversant des routes fréquentées, pour aller se reproduire ailleurs".

Nos clôtures grillagées causent aussi des dégâts : "cela les blesse, ou ils se retrouvent coincés", explique l'association Apus Apuces du Loiret, qui recueille aussi la petite faune sauvage de l'Indre-et-Loire et du Cher.

L'association loirétaine insiste sur l'importance de "garder des espaces naturels dans nos jardins, où on ne passe pas la tondeuse". Apus Apuces reçoit d'ailleurs régulièrement des appels d'habitants ayant blessé des hérissons en jardinant : "la fourche dans le tas de feuille, il faut éviter par exemple". Autre ennemi de nos petites boules piquantes : les pesticides, déjà responsable de sa quasi-disparition en zone agricole. Donc à proscrire aussi de nos jardins. De toute façon, l'animal est connu pour être l'auxiliaire des jardiniers. "Il mange une centaine d'invertébrés en une nuit et 1 kg de limaces en une saison", rappelle la LPO. "Pour préserver la faune qui nous entoure, chacun peut agir, en laissant plus de place à la nature", résume Paul Siffer.

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