VIDEO. Sous-effectif, recrutement en berne : ras-le-bol chez les surveillants pénitentiaires

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Une mobilisation de surveillants pénitentiaires a eu lieu aujourd'hui devant la maison d'arrêt de Blois. Ils étaient peu nombreux car le droit de grève n'existe pas dans cette profession. Les personnels présents ont tout de même fait entendre leur colère en raison d'un déficit du nombre de surveillants à Blois et dans d'autres établissements de la région. Alain Heudes et Marion Ptak. ©France télévisions

Trop de détenus, pas assez de personnel. Les maisons d'arrêt sont au bord de l'implosion. À Blois, les représentants syndicaux des surveillants pénitentiaires ont décidé de se réunir devant l'établissement pour se faire entendre.

167 détenus pour 115 places, et 25 surveillants au lieu de 40 nécessaires, les calculs ne sont définitivement pas bons, à la maison d'arrêt de Blois. Résultat, "un agent occupe deux, voire trois postes" explique Alexis Aouiche, surveillant. Ici, on accueille les "courtes peines", de 2 ans maximum, ou les personnes en détention provisoire, qui attendent leur jugement. Comme dans les autres établissements similaires en France, la surpopulation est devenue une habitude.

Vraie-fausse grève

Mardi 3 janvier, plusieurs représentants syndicaux étaient, à l'aube, devant la prison pour alerter sur leurs conditions de travail. Une prise de poste retardée d'une quinzaine de minutes, en signe de protestation, puisque leur statut ne leur permet pas d'exercer un droit de grève. Seul moyen de faire réagir, au plus haut, puisque dès qu'un poste est pris en retard, l'ensemble de la hiérarchie doit être informée.  

Le manque de bras se fait ressentir au quotidien, devenant d'autant plus dramatique certains jours. Peu avant la fin de l'année 2022, "on a eu un pendu", témoigne crûment Alexis Aouiche. À ce moment-là, "aucun agent n'était prévu au planning sur le secteur". C'est alors l'aumônier qui découvre le détenu. En 2010, déjà, un suicide avait poussé les effectifs à demander plus de moyens. Plus de dix ans plus tard, les mêmes causes donnent les mêmes effets. 

Peines alternatives

L’administration pénitentiaire réagit, indiquant qu'elle : "Ne peut refuser d’écrouer, [et] se mobilise au quotidien pour tenter d’endiguer ce fléau qui dégrade les conditions de détention et les conditions de travail des personnels." Chaque semaine, depuis l'été "les informations relatives aux taux de surencombrement, aux places disponibles dans les établissements pénitentiaires" sont transmises à l'autorité judiciaire, avec un objectif : "favoriser les alternatives à l’incarcération."

Des détenus sont aussi transférés vers d'autres maisons d'arrêt : 22 pour Blois, entre novembre et décembre 2022. Mais voilà, ailleurs, la situation est la même. Lors de sa visite à Tours, le député Charles Fournier décrivait une réalité "insupportable"

Manque de personnel omniprésent

En maison d'arrêt, cette surpopulation exacerbe le manque de personnel. Mais elles ne sont pas les seules à faire ce constat. Dans les maisons centrales, qui reçoivent les longues peines, les absents pèsent aussi sur le quotidien.

Les condamnés sont là pour 10, 20 ans, voire la perpétuité, alors pour eux, la cellule de 9m2 est forcément individuelle. Forcément, le quotidien y est moins pénible pour les agents, mais reste compliqué. "Lorsqu'il manque quatre ou cinq personnes le matin à l'appel, on est obligé par exemple de retirer un surveillant du mirador, qui surveille la promenade, pour le mettre sur un étage, à ouvrir et fermer les portes", détaille un surveillant. Sans cela, impossible de faire circuler les détenus, ne serait-ce que pour qu'ils prennent leur douche. 

Recrutement en berne

Recruter ? Oui, mais les candidats manquent. Une grande partie de ceux qui s'inscrivent au concours ne s'y présente même pas. Pour Manuel Caillet, délégué régional Syndicat Pénitentiaire des Surveillants, le métier n'a plus rien d'attractif : salaire, réputation, rien ne va. "On fait souvent la Une des journaux pour des faits de violence à l'extérieur, un collègue à Châteaudun, mais aussi à Bourges, ça ne donne pas spécialement envie de faire notre métier" déplore-t-il. Pourtant, sans surveillant : "ça va être compliqué, les prisons deviendraient une zone de non-droit !" Manuel Caillet rit, mais jaune. 

Leur image souffre aussi de l'enfermement. Aux yeux du grand public, les surveillants ne sont jamais visibles, contrairement aux policiers, gendarmes, que l'on peut croiser dans la rue. Seul moment de pub, le défilé du 14 juillet, accessible à la profession depuis cinq ans. 

Pourtant, une campagne de communication, pour mettre en avant le métier a été diffusée par le gouvernement, à partir de fin 2021. Une bonne chose, pour un surveillant rencontré, mais les publicités sont souvent loin des réalités de terrain : "Dans la dernière, il y a un surveillant qui s'interpose pendant une bagarre. En la réalité, c'est tout simplement une faute professionnelle. On ne peut pas se mettre en danger de cette manière." Des décalages qui prêtent parfois au rire. En début de carrière, un surveillant peut espérer un salaire minimum d'environ 1700 euros bruts. 

La France épinglée par l'Europe

Nationalement, un nouveau "record" de détenus a été battu en décembre 2022, avec 120% d'occupation des prisons, et un total de 72 836 personnes derrière les barreaux.

En janvier 2020, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions d'accueil de ses prisons. Plus récemment, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe s'est réuni, en décembre, note des efforts, mais témoigne de sa : "vive préoccupation face aux derniers chiffres qui attestent, depuis l’arrêt de la Cour, d’une aggravation de la situation". 

Ce jeudi 5 janvier, le directeur interrégional des services pénitentiaires se rendra à Blois. Le but, assure la direction, recueillir les doléances et tenter de trouver des solutions. 

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