Loir-et-Cher : à Monthou-sur-Bièvre, un exemple de transmission d'exploitation réussie dans une ferme laitière bio

Presque la moitié des fermes disparaissent au moment de leur transmission d'exploitation. Un tournant difficile, que la ferme bio de la Guilbardière située à Monthou-sur-Bièvre, dans le Loir-et-Cher, a su aborder avec succès. 

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Alors que la moitié des exploitants vont partir à la retraite dans dix ans, la transmission des fermes, que ce soit à des "néo-agriculteurs", des "hors cadres familiaux", ou des "fils de" est un enjeu majeur de l'agriculture française.

"Énormément de choses se jouent au moment de céder sa ferme", explique Thibaud Rochette, chargé de mission installation et transmission chez Terre de liens, une association proche de la Confédération paysanne.

"Pour les cédants, il y a une histoire à laisser derrière soi. Ils cherchent parfois des repreneurs avec un profil particulier. Or, ces derniers veulent parfois changer d'activité, de mode de production ou introduire de la pluriculture", détaille-t-il.


Quatre fermes sur dix disparaissent 

Et là, ça coince. A ce stade, quatre fermes sur dix disparaissent : une cesse son activité et trois autres sont revendues dans le cadre de l'agrandissement d'un voisin. Une solution qui reste confortable pour le cédant, mais qui pourrait poser problème plus tard : en grossissant, les fermes risquent de devenir trop chères et "intransmissibles", selon Thibaud Rochette.
 
A La Guilbardière, une ferme située à Monthou-sur-Bièvre, dans le Loir-et-Cher, en tout cas, c'est en passe de fonctionner. Après avoir reçu les offres de prêt de plusieurs banques, cinq jeunes agriculteurs s'apprêtent à reprendre la ferme laitière bio d'Anne Martin et Gilles Guellier.
 
Ils ne sont pas tous des néo-ruraux, certains sont fils de paysans et ils ont mûri pendant deux ans un projet qui regroupera notamment production de pâtes, confection de fromage blanc et production de plantes aromatiques. 

"Le gros boulot, ça a été de fixer les conditions de travail que l'on voulait, en termes de rémunération, de temps de travail et de pénibilité", raconte Melaine Travert.

"D'emblée, on était prêt à bosser sur la dimension humaine. Il y a des préparations qui sont axées sur le technique, le réglementaire, l'économique, mais l'aspect humain est négligé", regrette celui qui était déjà salarié de l'exploitation. 


"Des décalages dans la vision de la vie"

"Il y a des décalages dans la vision de la vie et des différences d'envies entre la génération d'Anne et Gilles et la nôtre", abonde Bertrand Monier, qui cultive du blé et fabrique des pâtes depuis six ans sur le site.

"Avant, on entrait dans une ferme et on y faisait sa carrière. Nous, on est une génération plus mobile", insiste-t-il, précisant que la reprise est un projet de travail et pas de vie : une fois les cédants partis, personne n'habitera plus sur place.
 
Pour se comprendre malgré les tensions, tout le monde a suivi une formation avec le cabinet Autrement Dit. "Il faut prendre conscience que cédants et repreneurs n'ont pas forcément la même vision de la ferme", constate la fondatrice du centre de formation, Brigitte Chizelle.

"Côté cédants, la ferme est le fruit d'une vie, ou de plusieurs si elle a été transmise par la famille, détaille-t-elle. Le cédant veut bien transmettre, mais à condition que la ferme reste en l'état."

"Côté repreneurs, la ferme est un projet. Ils veulent créer, changer des choses, avoir des approches collaboratives", continue la sociologue.


Des fermes qui ne seront plus habitées

"Le dialogue est important (...) Les discussions font évoluer les deux projets", estime-t-elle. "Plus globalement, on constate une inadéquation entre les fermes à transmettre et les projets portés actuellement", déplore Thibaud Rochette, qui cite l'Auvergne, où de nombreux élevages sont à vendre, avec un foncier important, alors que les candidats s'orientent vers la production végétale sur des petites surfaces. 
 
Il faut alors aider l'exploitant à favoriser une nouvelle activité, en transformant par exemple certains bâtiments. Mais pour ça, selon Brigitte Chizelle, l'agriculteur "doit préparer l'après" : "C'est le dernier grand projet de la vie professionnelle." 

"Quand ils sont seuls sur des petites fermes, les agriculteurs n'ont pas le temps de construire un projet, ils repoussent", observe la sociologue. Pourtant, le constat est là : "Il y a urgence à transmettre les fermes."
 
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