Réouverture des boîtes de nuit : "l'incertitude ne fait que commencer", pour l'Union des métiers de l'hôtellerie

A la surprise générale, le ministre de la Santé a annoncé une première date pour la réouverture des discothèques. Si l'annonce était attendue, les conditions encore floues du protocole sanitaire maintiennent les gérants sous pression.

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Allons-nous vraiment pouvoir retourner danser ? Dans une interview donnée ce jeudi 17 juin sur BFMTV, le ministre de la santé Olivier Véran, a déclaré : "Nous travaillons sur un protocole sanitaire, en vue d'ouvrir les discothèques cet été". Les boîtes de nuit devraient pouvoir rouvrir dès juillet, avec encore des conditions sanitaires spécifiques, mais le protocole sanitaire ne serait pas encore fixé. Celui-ci devrait se préciser dès le 21 juin.

A l'approche de l'été, le ministre motive sa décision par un constat qu'il veut pragmatique : les jeunes feront la fête, avec ou sans la bénédiction du gouvernement. Autant donc, créer des lieux de fête encadrés, pour écarter le risque de nouveaux clusters. "Autant faire les choses proprement", conclut le ministre.

Mais du point de vue des professionnels, la partie est loin d'être gagnée. Sandrine Ferrand est présidente régionale de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH), et gérante de la discothèque Le Tango, à Saint-Laurent-Nouan, dans le Loir-et-Cher. Pour elle, le plus gros risque, c'est un protocole sanitaire trop strict, qui éloignerait les clients des salles. "L'ouverture, c'est une chose, il nous la faut. Mais pas n'importe comment, ni à n'importe quelles conditions. Nos clients viennent faire la fête et s'amuser, ils en ont marre de cette crise sanitaire. Si en plus on leur met des contraintes, c'est faire la part belle à toutes ces soirées sauvages", estime-t-elle, en écho avec les propos du ministre de la Santé.

12 jours pour rouvrir, un impossible délai

Attention aux effets d'annonce. Même si les discothèques seront autorisées à rouvrir en juillet, cela ne veut pas dire qu'elles en auront la capacité. "On ne rouvre pas une discothèque comme on rouvre un bar, regrette Sabine Ferrand. Nous avons des normes, des mises à jour, des obligations. Ça s'est assoupli avec la crise, mais pour rouvrir, il faut encore malgré tout envoyer une demande en préfecture ou en mairie pour montrer qu'on est en règle, que l'on n'a pas fait entre-temps de travaux qui engendreraient une nouvelle commission de sécurité. S'il y en a eu, et que cette commission doit avoir lieu, le temps de faire la demande et de recevoir une réponse, ça peut durer plusieurs mois", détaille-t-elle.

La condition de l'aération des salles est aussi en suspend, mais la question de contraindre les professionnels à acquérir des équipements supplémentaires est à l'étude. En attendant que le gouvernement veuille se préciser, les gérants sont forcés d'envisager le pire, de se préparer au plus compliqué. En espérant que cette réouverture tant espérée ne se transforme pas en punition. "Nous sommes un sas de décompression, et si nous ne le sommes pas, les clients viendront une fois, mais pas deux. L'incertitude ne fait que commencer."

Pass sanitaire : "qui va pouvoir rentrer dans nos discothèques ?"

La fréquentation, c'est en effet la grande angoisse. Après plus d'un an de fermeture, les établissements ne peuvent pas se permettre d'ouvrir à perte. "Imaginez si on nous impose le passe sanitaire. A l'heure où on se parle, combien de jeunes ont eu leurs deux doses de vaccin et leurs 15 jours pour qu'elles fassent effet ? En juillet, qui va pouvoir rentrer dans nos discothèques ?" s'alarme la gérante d'établissement. En effet, selon les chiffres compilés par Ouest-France, à peine 6% de la population des 18-24 est considérée comme totalement vaccinée. Chez les 25-39 ans, ce taux monte à 10%. Des chiffres bien faibles, quand ces publics sont le coeur de cibles des boîtes de nuit.

Une interrogation est même née chez la présidente de l'UMIH : "Est-ce qu'ouvrir nos établissements ne serait pas un moyen d'inciter les jeunes à se faire vacciner ? Mais là encore, nous serions les sacrifiés. Il y a une incohérence flagrante : s'il y a un passe sanitaire, la majorité des établissements ne voudront pas rouvrir" garantit Sabine Ferrand.

Masques, distanciation physique, interdiction de consommer debout, jauge imposée... Beaucoup de pistes envisagées ne semblent pas taillées sur mesure pour les discothèques. L'idée d'accepter, à défaut de vaccination, un test PCR à l'entrée, semble là aussi hors sol. "On connaît nos clients. Aller en boîte, ça ne se prépare pas 3 jours à l'avance, rappelle la gérante, qui visualise déjà le scénario catastophe. On est au restaurant, la soirée se passe bien, on se demande si on n'irait pas au Tango. Et là, l'un n'est pas vacciné, l'autre n'a pas de test PCR sous la main... Alors il n'y vont pas, et c'est un autre groupe de moins."

Comment, alors, combiner la réouverture des lieux de fête et l'impératif de santé ? Le dernier bilan de Santé Publique France confirme que la circulation du virus ralentit, et que la tension des services hospitaliers prend la voie de l'apaisement. Pourtant, le risque est bel et bien encore présent : seule 25% de la population est considérée comme complètement vaccinée, et la découverte récurrente de nouveaux variants complique la tâche. Les professionnels de la nuit, eux, estiment que leur protocole devrait aligné sur celui imposé à leurs très proches cousins, les bars dansants.

Une indemnisation pour les victimes de la crise ?

De cette interminable période sans activité, certains ne pourront pas se relever. Et pour eux, s'inquiète la représentante syndicale, il n'y a eu aucune annonce d'indemnisation. "Aujourd'hui, après 16 mois de fermeture, comptablement, nos entreprises ne valent plus rien, nos fonds de commerce non plus, et nous n'avons aucune visibilité. Que fait-on pour les confrères qui devaient partir à la retraite, que vont-ils avoir à céder ? C'était le fruit d'une vie de travail : que fait-on pour eux ? Que fait-on pour ceux qui ne pourront pas ouvrir, qui avaient une entreprise viable avant que la crise ne passe par là ?"

Au 24 janvier 2021, le syndicat national des discothèques et des lieux de loisir estimait qu'au moins 430 discothèques avaient dû mettre la clé sous la porte suite à la crise.

 

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