VIDÉO. "Ça fait très mal au cœur" : Michel, un médecin retraité, interdit d’exercer alors que tous les généralistes du village sont partis

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Michel Daunay est dépité, le médecin à la retraite s'est vu refuser sa demande de reprise d'activité par le Conseil de l'Ordre des médecins du Loir-et-Cher car il n'avait pas suivi de formation depuis plus de trois ans.
Polémique dans le sud du Loir-et-Cher, un médecin retraité, volontaire pour reprendre du service est jugé inapte par le Conseil de l'Ordre. Argument avancé : ce docteur de 77 ans n'a plus suivi de formation depuis plus de trois ans. C'est une mauvaise nouvelle pour les habitants de Châtres-sur-Cher, un désert médical. Reportage de Lodoïs Gravel et Nathanael Lemaire. ©France télévisions

Avec le départ des deux médecins généralistes de Châtres-sur-Cher, dans le sud du Loir-et-Cher, l'ancien médecin de la commune a souhaité sortir de sa retraite, à 77 ans, pour rendre service. Mais ce dernier s'est vu refuser cette demande par le Conseil de l'Ordre des médecins du Loir-et-Cher, car il n'avait pas effectué de formation depuis plus de trois ans. Inquiétude dans la commune et aux alentours qui se retrouvent dépourvus de médecins généralistes.

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Quelques années après son départ en retraite, le docteur Michel Daunay, 77 ans, était prêt et déterminé à reprendre du service à Châtres-sur-Cher. "Il y avait ici deux médecins avec des consultations tous les jours sauf le samedi et le dimanche, se rappelle Michel Daunay. Là, quand je vois une belle maison médicale comme ça, qui tournait bien et qui n'a plus de médecins, ça fait mal au cœur. Devant ce désarroi de tous les patients, je me suis dit que j'allais reprendre mon activité." C'était sans compter sur le Conseil de l'Ordre des médecins du Loir-et-Cher qui l'a déclaré "inapte".

Déclaré inapte en l'absence de formation continue

À Châtres-sur-Cher, les habitants disposent d'une maison de santé avec une grande diversité de spécialités. Kinésithérapeutes, infirmières, diététicienne, podologue, ostéopathe, psychomotricienne et deux médecins généralistes soignaient ensemble, jusqu'à cet été, leurs patients de Châtres-sur-Cher et des communes avoisinantes. Cette maison de santé, le docteur Michel Daunay la connaît bien. Il a fortement contribué à la mise en place du projet qui a abouti en 2015, l'année de sa retraite. "Il y avait une grosse activité, tout était parfait. On servait plein de communes du Loir-et-Cher, de l'Indre et du Cher, car on est à la croisée des chemins. Aujourd'hui ça va être le '"no man's land'. Je suis un petit peu dégouté", confesse le médecin.

Car les deux généralistes de Châtres-sur-Cher ont déménagé et, depuis, trouver des remplaçants relève du parcours du combattant. La peur et le sentiment d'abandon gagnent les habitants de cette municipalité du sud du Loir-et-Cher. Toujours résident de la commune, Michel Launay souhaitait "rendre service" en sortant de sa retraite, le temps de trouver des remplaçants.

Le Conseil de l'Ordre des médecins du Loir-et-Cher ne l'a pas entendu de cette oreille. Michel Daunay raconte : "J'ai été convoqué le 2 juillet par le Conseil de l'Ordre, pour parler de mes motivations et non pas sur ma qualité professionnelle et mon niveau. J'ai été bien reçu, on m'a dit qu'on me donnerait une réponse après le 24 juillet." Quelques semaines plus tard, toujours rien. C'est seulement en septembre que la réponse est tombée. N'ayant pas effectué de formation tous les trois ans – comme l'indique la loi - depuis son départ en retraite, le docteur est jugé inapte par le Conseil de l'Ordre.

Pour moi, voir le mot "inapte", après un internat hospitalier et 38 ans de médecine générale, ça fait très mal au cœur.

Michel Daunay, médécin généraliste à la retraite depuis 2015

En effet, depuis la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) du 21 juillet 2009, les médecins ont une obligation de formation continue appelée Développement Professionnel Continu (DPC) qui doit être renouvelé tous les trois ans. "Ce problème de formation, au début de mon exercice, n'existait pas. Nous avons mis ça en place sur Romorantin et ensuite, ce qui ne me paraît pas scandaleux, c'est devenu obligatoire. Alors oui pendant ma retraite, je n'ai pas fait de formation officielle. Mais depuis, j'ai fait du bénévolat pour aider, j'ai soigné les gens, je n'ai jamais tué personne et je me suis toujours tenu au courant de ce qu'il se passait en médecine", rétorque le docteur Daunay, amer.

La crainte d'une réaction en chaîne

Pour lui, la pilule ne passe pas. "Un collègue médecin m'appelait l'autre jour en me disant : "Je continue à exercer, je n'ai pas fait mes dernières formations et ils ne me disent rien, parce qu'il n'y a plus de médecins !" Ils ont joué sur cette loi en me disant que je n'avais pas fait de formation récente et donc que j'étais inapte", pointe Michel Daunay.

Jackie Depardieux, ancien maire de Châtres-sur-Cher, connaît bien l'ancien médecin de son village. Lui non plus, ne comprend pas cette décision. "C'est normal de se conformer à la loi. En règle générale, cela doit être le cas, je suis d'accord. Après, il y a des cas particuliers qu'il faut prendre en compte. Et ici, c'était le cas, momentanément, ils auraient pu faire un effort", considère-t-il. Celui qui a vu la maison de santé communale sortir de terre durant son mandat craint désormais un effet boule de neige. "Il y a encore les kinésithérapeutes, les infirmières, une psychomotricienne et un ostéopathe, énumère-t-il. Mais il n'y a plus de généraliste. Est-ce que les pratiquants vont rester sans médecin généraliste ? On peut s'inquiéter."

Contacté, le Conseil de l'Ordre des médecins du Loir-et-Cher rappelle simplement que les médecins sont tenus à une obligation de formation continue, tous les 3 ans. Pour Michel Daunay cela "prouve qu'ils ne sont pas dans la réalité". "Ici, on n'est pas en ville, on a une population âgée, c'est difficile d'aller à Romorantin ou à Vierzon. Et quand bien même, il n'y a pas de médecin qui accepte de nouveaux patients, alerte le généraliste à la retraite. Ou alors, il y a SOS Médecin. Ou encore la médecine par vidéo qui est validée par le Conseil de l'Ordre. Les gens ne sont pas examinés, pour moi ce n'est pas de la médecine."

"Pour moi, ça va, considère Jackie Depardieux. Je peux encore me déplacer, malgré mon âge. Mais pour la majorité des gens d'ici et de toutes les communes alentour qui sont dépendantes de cette maison de santé, je crois qu'on aurait pu étudier le problème différemment." Suite au verdict rendu par le Conseil de l'Ordre des médecins refusant que Michel Daunay prenne la relève, un des deux généralistes sur le départ a mis en place des permanences. De quoi remettre leur dossier médical aux patients et prolonger leurs ordonnances d'une année, faute de mieux. L'inquiétude grandit dans le sud du Loir-et-Cher, territoire souffrant déjà largement de la pénurie de praticiens.

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