Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé ce dimanche 10 septembre une hausse de 15% du budget de son ministère en 2024, et les grandes lignes de la future loi d'orientation agricole destinée à aider les jeunes et nouveaux agriculteurs et à planifier la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur.
Ce dimanche 10 septembre, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé les grandes lignes de son projet de loi d'orientation agricole à Cambrai. Le ministre s'exprimait dans le cadre du rassemblement Terre de Jim, organisé par le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA), proche du syndicat majoritaire FNSEA.
400 millions d'euros pour un "fonds de portage" des terres agricoles
Le projet de loi d'orientation agricole, qui avait initialement été annoncé pour l'automne, devrait être "examiné au Parlement d'ici le mois de décembre, en première lecture probablement à l'Assemblée nationale", a indiqué le ministre.
La future loi est fondée sur un "pacte", qui comprend aussi des mesures réglementaires, a-t-il déclaré.
Un "fonds de portage" des terres agricoles d'un montant de 400 millions d'euros sera ainsi mis en œuvre "dans les mois qui viennent", a indiqué Marc Fesneau, qui souhaite une logique "d'accompagnement" plutôt que de "normes", souvent décriées par les agriculteurs.
Ce fonds interviendra en participation dans des fonds de portage nationaux ou régionaux. Ces derniers achètent du foncier pour le mettre à disposition d'agriculteurs de façon progressive, afin de leur permettre de se rendre acquéreur à leur tour. "L'accès au foncier est au cœur de l'enjeu de l'installation dans le milieu agricole, a rappelé le ministre. C'est de plus en plus un obstacle à l'installation de jeunes agriculteurs."
Ces 400 millions sont un début, mais "ne peuvent pas suffire", selon Arnaud Lespagnol, président de la FNSEA en Centre-Val de Loire. Pour lui, il faudra bien plus pour "des immobilisations foncières conséquentes". Il estime cependant que cette enveloppe, "répartie entre les régions, pourra donner un élan pour créer ces fonds et faire appel à des moyens privés".
Création d'un réseau "France service agriculture"
Dans un monde agricole vieillissant qui compte de moins en moins de chefs d'exploitation, 60% des candidats à l'installation en agriculture sont en effet connus sous l'acronyme de "Nima" (non issus du monde agricole), et donc sans terre ni capital matériel, selon les Chambres d'agriculture.
Celles-ci devraient d'ailleurs être mises à contribution, avec une hausse de leurs budgets, pour devenir les pivots des transmissions d'exploitation. La création d'un réseau "France Service Agriculture" devrait permettre de centraliser et fluidifier les démarches. "Il faudra s'assurer de la capacité de résilience des projets (de nouvelles exploitations, NDR), en particulier face au dérèglement climatique", a averti Marc Fesneau.
"On est déjà un peu empêtrés dans l'application des dernières procédures, regrette cependant Arnaud Lespagnol, notamment les modes de gestion des demandes d'aide pour l'installation", dont la compétence relève désormais des conseils régionaux. "En Centre-Val de Loire, ça devait commencer en mars, mais ce n'est toujours pas actif." Alors de nouveaux changements, même de simplification, le laissent quelque peu sceptique.
Tout pour la transition
Dans le cadre de la planification écologique, 500 millions d'euros sont prévus pour réduire l'emploi des produits phytosanitaires, et 100 millions d'euros pour un plan protéines végétales. Le gouvernement prévoit aussi un "fonds de souveraineté alimentaire et de transition écologique" pour "permettre aux exploitations agricoles d'adapter localement leur modèle économique aux exigences de décarbonation des activités, de développement de la production d'énergie renouvelable ou d'adaptation au changement climatique".
Selon Arnaud Lespagnol, de la FNSEA du Centre-Val de Loire, ces millions ne seront "pas suffisants pour assurer la transition" : "C'est un gros investissement, et la compétitivité des exploitations qui entament une transition [vers le bio ou le haute qualité environnementale, ndlr] diminue. Le sujet n'est pas que sur l'argent public pour nous aider, mais aussi sur le marché qu'on a à la sortie."
Pour 2024, le budget du ministère augmentera de "près d'un milliard d'euros" pour accompagner ces transitions, soit environ 15% de plus que les 5,9 milliards d'euros de 2023, selon le ministère.
Et sur trois ans, l'effort supplémentaire de l'Etat atteindra "2,6 à 2,7 milliards" d'ici 2026, a précisé le ministre dans son discours.
L'agriculture dans les salles de classe
Dans le débat budgétaire, M. Fesneau a aussi annoncé la possibilité de créer des "incitations fiscales" pour soutenir les services de remplacement des agriculteurs, des services cruciaux pour les éleveurs qui ne peuvent laisser leur cheptel pour partir en vacances, et sont souvent victimes d'épuisement professionnel.
Sur un plan plus général, et afin de "refonder le lien entre l'agriculture et la société", il prévoit que "dès la rentrée 2024" chaque enfant scolarisé dans une école élémentaire pourra bénéficier "d'une action de découverte de l'activité agricole", autour du vivant et du cycle des saisons. La possibilité de multiplier les stages en milieu agricole pour des collégiens a aussi été mentionnée ainsi que la création d'un "bachelor agricole".
Le collectif "Nourrir", porté par 54 associations représentant des producteurs, des consommateurs, des militants écologistes ou du commerce équitable (dont la Confédération paysanne et Greenpeace) a regretté que cette présentation ait été faite devant le seul syndicat agricole des JA.
"La création de France Service Agriculture aurait pu représenter un symbole fort de changement, mais nous ne voyons pas de changement significatif" qui permettrait aux "NIMA" d'accéder à la terre pour assurer la transition agroécologique, indique un communiqué, regrettant "une trop grande concentration des terres".
Mise à jour à 17h54 avec les réactions d'Arnaud Lespagnol, FNSEA Centre-Val de Loire.