ZooParc de Beauval : de la petite volière de Françoise Delord à un empire international

Impossible de ne pas connaître le ZooParc de Beauval. Après 43 ans d'existence, la modeste volière de Françoise Delord est devenue un parc imposant, visité par 2 millions de personnes en 2022.

Les habitants de Saint-Aignan le savent : pour visiter Beauval, l'automne est sans doute la meilleure saison. À partir de septembre, le flot de touristes qui se déverse sur la départementale depuis le mois de juin se tarit enfin.

Aussi ponctuels que les hirondelles, ils reviendront aux beaux jours. Tous les matins, dès 8h30, ils déboucheront de l'A85 sur la départementale 976, formeront une longue file le long de la zone d'activités, et s'agglutineront sur le rond-point où ont poussé plusieurs chambres d'hôtes, un McDo et un Patàpain. Enfin, ils traverseront à une allure d'escargot l'unique pont et le charmant bourg de Saint-Aignan, antichambre pittoresque de l'un des plus grands zoos d'Europe.

Près de 22 millions de visiteurs cumulés

Et l'épithète "grand" n'est pas usurpé. Avec plus de 70 hectares de terrain, sans compter les quatre hôtels construits aux environs, le ZooParc de Beauval occupe à lui seul l'équivalent de 12% de la superficie agricole utilisée de Saint-Aignan. En 2019, année marquée par l'ouverture du téléphérique en mars et la naissance du girafon Kimia le 22 juillet, le zoo a battu un nouveau record de fréquentation, avec 1,6 millions de visiteurs estimés sur l'année malgré une saison en demi-teinte.

Le choc du covid-19 en 2020 aura partiellement éclipsé l'ouverture du gigantesque dôme équatorial, mais le zoo a déjà repris des couleurs : 2022 est une année record avec, pour la première fois, 2 millions de visiteurs. De 1994 à 2022, le ZooParc de Beauval aura donc cumulé 21,7 millions de visiteurs.

Delord dans les mains

Pourtant, les débuts ont été modestes. En 1980, Françoise Delord est une passionnée d'oiseaux de toute sorte. Pour offrir un peu d'air frais à ses protégés toujours plus nombreux, elle leur fait quitter Paris et emménage dans une maison disposant d'un parc de cinq hectares au lieu-dit "Beauval".

De 400 individus, sa collection atteint 1500, puis 2000 oiseaux, et son terrain devient un parc ornithologique où les gens du coin viennent admirer ses spécimens. En 1989, le zoo accueille ses premiers fauves et primates et prend le nom de parc zoologique.

"Et puis après ça a été un terrain, un deuxième, un troisième, vendu par des voisins et des agriculteurs", se souvient Sophie Delord, qui connaît bien la bâtisse pour y avoir habité "pendant vingt ans". En 1991, le zoo accueille ses premiers tigres blancs, une première en France. En 2012, l'accueil à Beauval de deux pandas géants de Chine, pour la première fois en France, fait définitivement de la "petite volière" de Françoise Delord un parc incontournable à l'échelle du continent.

La fréquentation double et atteint pour la première fois 150 000 visiteurs par an. Au cours des années viennent les reptiles, les grands herbivores africains, les gorilles, les lamantins, les koalas... À l'heure actuelle, plus de 7000 animaux de 600 espèces différentes cohabitent au sein du zoo.

Marquée à la fois par le covid et le quarantième anniversaire du zoo, l'année 2020 a vu l'ouverture de l'immense serre tropicale, "la petite véranda" de Rodolphe Delord, véritable "zoo dans le zoo". Et les agrandissements et investissements doivent se poursuivre dans les années qui viennent, avec 60 millions d'euros d'investissements prévus de 2022 à 2025.

Même les routes et les rivières ne freinent pas l'agrandissement de la structure. Pour traverser la RD675 qui sépare le parking de l'entrée du zoo, 850 000 euros seront investis dans un tunnel réservé aux piétons, plus sûr et permettant une meilleure fluidité du trafic que l'actuel passage piéton. Et ce n'est que le plus modeste des chantiers qui doivent aboutir en 2023 : une volière sud-américaine de deux hectares, un centre de soin pour la faune locale et un cinquième hôtel construit sur le site de l'ancien hôpital de Saint-Aignan.

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Le zoo qui se taille la part du lion

Dans le bourg de Saint-Aignan, malgré des pics de circulation qui rendent le déplacements très difficile sur l'unique pont enjambant le Cher, l'influence du zoo reste plutôt bien vue. "C'est que du positif !", se félicite le maire de la commune, Eric Carnat. "Économiquement parlant, touristiquement parlant, Beauval permet de faire connaître toute la vallée du Cher."

Lorsqu'ils viennent pour Beauval et les châteaux, les touristes ont besoin de se loger, de consommer, de faire leurs courses, d'occuper leur soirée : autant d'opportunités qui ont contribué à ré-animer la vie commerciale et culturelle locale. "On a l'obligation, quand on est maire de Saint-Aignan, d'avoir une vision différente", poursuit l'édile. Et, en particulier, de calquer son fonctionnement sur les saisons du zoo. 

En haute saison, je gère la commune de 3000 habitants comme si j'avais une commune de 300 000 personnes, parce que j'ai 1,7 million de visiteurs à gérer.

Éric Carnat, maire de Saint-Aignan

Une gestion qui s'opère aussi bien en concertation avec les pouvoirs publics départementaux et régionaux qu'avec le ZooParc de Beauval lui-même. "On travaille dans une harmonie de territoire avec le zoo", poursuit Éric Carnat, qui voit dans le développement du parc la "volonté de s'intégrer au territoire".

Pourtant, certaines questions restent en suspens, comme celle du pont sur le Cher, l'unique point de liaison à plusieurs kilomètres à la ronde entre la sortie de l'autoroute et le zoo. Lors d'un pic de fréquentation comme celui observé en mai 2019, ce sont jusqu'à "14 ou 15 000 voitures" qui peuvent y passer dans une seule journée.

Mais, côté dynamisme, les résultats sont là. D'après les chiffres fournis dans son bilan 2019, le zoo estime à 71 millions d'euros les "retombées économiques" de son activité, via notamment les investissements, le fonctionnement, les taxes, les salaires, et les dépenses des visiteurs hors du zoo.

Une "entreprise familiale" de 380 salariés

Quasiment depuis le premier jour, les besoins en main d'œuvre du ZooParc de Beauval n'ont pas cessé de croître en même temps que le zoo lui-même pour devenir l'un des plus importants employeurs dans toute la vallée du Cher. "À l'année, nous avons 380 collaborateurs permanents", détaille Sophie Delord, directrice des ressources humaines.

"En pleine saison nous pouvons atteindre voire dépasser les 800 salariés." Et pourtant, le zoo se décrit toujours comme "une entreprise familiale" dirigée par le fils de la fondatrice, Rodolphe Delord. Une famille qui s'élargit à chaque embauche.

Un emploi à Beauval représente deux emplois et demi induits à Saint-Aignan ou dans la région

Sophie Delord, directrice des ressources humaines du ZooParc de Beauval

A leur tour, ces créations d'emplois font revenir des habitants dans la vallée du Cher, et participent à rajeunir la population. Du côté de la commune de Saint-Aignan, 82 logements en résidence sociale ont été inaugurés en juillet 2022 afin de compléter l'offre immobilière locale, qui attire les employés du zoo. Une mini-crèche de dix places doit même ouvrir en juillet 2020. "On les prend dès le berceau !" plaisante la DRH.

C'est pour ainsi dire le cas de Marion Menu. Engagée pour deux semaines en octobre 2017, la jeune femme signe un nouveau CDD d'un mois dans l'un des restaurant du parc en janvier. Après deux saisons à travailler dans plusieurs restaurant du zoo elle se voit finalement offrir un CDI au 1er novembre 2019. "J'habitais en campagne, dans l'Indre, et il y avait très peu de travail", se souvient-elle. "Je savais que le zoo était une très grande entreprise alors je me suis dit 'pourquoi pas ?' et je suis venue moi-même apporter mon CV."

À 21 ans, deux ans après ses débuts, Marion ne semble pas regretter son choix. Elle s'est même installée en location dans un appartement de Saint-Aignan. Malgré un travail intense en pleine saison, "il y a une solidarité dans l'équipe, on la ressent beaucoup", commente la jeune femme. "J'ai été très vite intégrée."

Un réseau international de la préservation

L'agrandissement progressif du zoo ne s'est pourtant pas déroulé sans accrocs. Depuis plusieurs années, les zoos et les parcs aquatiques font l'objet de critique de la part d'associations de protection des animaux. "Dans la nature, les animaux peuvent parcourir des centaines de kilomètres, chercher leur nourriture, élever leurs petits, explorer, jouer et avoir des relations sociales complexes tandis que dans les zoos, leur vie est restreinte entre quatre murs", explique l'association Peta, qui revendique la fermeture des zoos. 

Le succès du zoo attire aussi des convoitises criminelles : en mai 2015, sept tamarins-lions dorés, dix ouistitis argentés et deux tortues sont volés. Les animaux, extrêmement fragiles, ne seront jamais retrouvés.

Ces critiques ont poussé les entreprises zoologiques à ré-orienter leur discours. Les zoos ne sont plus simplement des lieux de divertissement, mais aussi de préservation à l'exemple du zoo de Vincennes, qui a opéré une refonte complète entre 2008 et 2014. En 2016, le ZooParc de Beauval renonce à son projet de delphinarium après de vives protestations contre la captivité des cétacés.

Le zoo s'est donc investi dans son rôle d'avant-poste de la préservation des espèces et de l'environnement au sein d'un vaste réseau. Rodolphe Delord est d'ailleurs président de l'Association française des parcs zoologiques (AFdPZ). Au-delà, Beauval est membre de l'EAZA et de la WAZA, les associations de zoos à l'échelle européenne et mondiale.

Les parcs membres veillent notamment aux échanges entre établissements, à la réintroduction d'individus et à la diversité génétique des espèces nées en captivité. Pour enfoncer le clou de l'avant-gardisme écologique, Beauval a même installé en 2014 une unité de méthanisation afin de transformer les déchets animaux en énergie et en fertilisant.

En 2023, le ZooParc de Beauval se prépare à souffler la quarante-troisième bougie d'un gâteau où il s'est taillé la part du lion. Pôle touristique majeur dans le Loir-et-Cher et plus gros employeur de la vallée du Cher, ses espoirs ne paraissent pas devoir faner de sitôt. En tout cas, pas tant que les zoos garderont auprès du grand public leur image de dernier refuge pour des espèces de plus en plus menacées sur leur territoire d'origine. Si la bataille de la préservation de l'environnement s'avère ardue, celle de l'image semble bien gagnée.

Article mis à jour le 3 janvier 2023, publié initialement le 13 décembre 2019

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