Au coeur de la réserve naturelle de Mareau-aux-Prés, joyau vert à deux pas d'Orléans

La secrétaire d'Etat à l'écologie visite aujourd'hui la réserve naturelle Saint-Mesmin, à Mareau-aux-Prés. Plongée dans cet écosystème fragile. 

"Quand on me demande de raconter une journée type, c'est impossible. Hier, on était en suivi libellule, là on se prépare à accueillir la secrétaire d'Etat..." Dans la réserve naturelle Saint-Mesmin, à Mareau-aux-Près, Damien Hémeray est à la barre. Aujourd'hui, Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat à l'Ecologie, profite du cadre de la réserve pour communiquer sur le lancement prochain de l'Office français de la biodiversité. 

Conservateur depuis 1 an et demi, Damien Hémeray a été garde pendant 10 ans. Sa réserve, il la connaîtrait par coeur, si la nature n'était pas sans cesse à découvrir. "On doit avoir 2500 espèces, mais on ne connaît que ce qu'on cherche. Les oiseaux, les mammifères, on connaît plutôt bien. Mais quand on rentre dans le monde des insectes, des dizaines de milliers pourraient être inventoriés" assure-t-il. 
 

A deux pas d'Orléans... 


L'ancienne réserve, créée en 1975 sur une petite île de la Loire, a été étendue en 2006 à quelque 260 hectares, sans compter les 90 hectares supplémentaires de "périmètre de protection". "Il joue le rôle de zone tampon avec des milieux travaillés par l'agriculture, ou des milieux urbanisés, expliquer le conservateur. Il n'y a pas de modification du milieu qui peut être réalisée, par contre pour les activités traditionnelles comme la chasse ou les coupes pour le bois de chauffage, pas de problème."

Pour couvrir cette immense superficie, l'association Loiret Nature Environnement, qui gère le site, emploie quatre personnes. Avec Damien Hémeray travaillent un garde technicien, un agent technique, et une animatrice. 150 000 euros par an sont consacrés, essentiellement par l'État, à la réserve Saint-Mesmin. Bémol : la quasi-intégralité de ce budget est consacré à la gestion quotidienne de la réserve. Et les missions, elles, sont nombreuses : inventaire, connaissance de l'écosystème, participation à des études scientifiques, éducation à l'environnement... 
 

Pour le conservateur, ce dernier point est un enjeu essentiel. "Les habitants de la ville voient l'intérêt d'un espace protégé en montagne, mais en bord de Loire, pas forcément. C'est très quotidien comme paysage, familier. Les gens découvrent encore qu'on a cette réserve, à deux pas d'Orléans."  Il sait de quoi il parle, lui qui a été pendant 7 ans garde du parc national de la Vanoise, dans les Alpes, avant de revenir vers la Loire.

La Loire, maître des lieux


Car le fleuve, c'est le coeur, le maître absolu de la réserve. "Sur une réserve fluviale, la chose indispensable c'est le régime de perturbation de la Loire, qui fait que le fleuve, avec son alternance de crues et de basses eaux va décaper les milieux, les rajeunir", déroule Damien Hémeray au détour d'un sentier.

Le rôle de gendarme de la Loire devient d'autant plus manifeste lorsqu'elle ne l'assure pas. Cette année, le débit du fleuve est resté singulièrement bas. Pas de crue pour faire le ménage. Résultat : "On a une certaine banalisation des milieux. Cette année, on a vu apparaître des espèces de bord de chemin, comme les coquelicots.Les graines sont arrivées cet automne, et n'ont pas été emmenées par le fleuve. C'est intéressant, mais ce n'est pas les espèces qu'on souhaite favoriser." La Loire, c'est l'expérience intime que la réserve fait des changements climatiques, que les autres impacts n'ont qu'effleurée. 
 

Nos voisins les hommes


Les autres défis, quelle surprise, sont encore davantage liés au voisinage humain. En tête de liste, les espèces invasives. Ici, l'envahisseur, c'est un érable américain, amené depuis les villages voisins, où ils ont été plantés par rangées entières. Solide, l'espèce supporte bien la sécheresse, les activités humaines, et n'intéresse même pas les castors. "Il repousse bien plus vite que le saule ou le peuplier, qui sont les arbres typiques de la forêt alluviale.  Peu de plantes poussent en dessous, donc on a une homogénéisation du boisement des îles, regrette le responsable. C'est une problématique assez inquiétante à échelle mondiale. C'est vrai qu'on se sent parfois assez impuissant." 

La réserve doit aussi composer avec des riverains peu scrupuleux, qui endommagent les arbres de la réserve pour obtenir leur vue sur Loire, et avec certains promeneurs. Damien Hémeray sourit, un peu désabusé. "En cette saison, avec ces températures, on a un autre type de public, qui recherche la fraîcheur, un public peut-être un peu plus égoïste, qui pense à son bien-être et pas forcément au bien commun. Malheureusement, ils laissent parfois l'endroit dans un état assez déplorable..."
 

Si les gardes ont aussi un pouvoir de police, pour verbaliser les inconscients, difficile d'en faire usage pendant qu'on conduit une étude scientifique. Mais on en revient là au budget, et le budget, c'est toujours sensible.
 

"La faune peut gagner"


La secrétaire d'Etat Emmanuelle Wargon, Damien Hémeray l'a rencontrée le mois dernier, au congrès national des Réserves naturelles de France. "Elle a parlé d'extension et de création de réserves, mais à budget constant...  Ça nous semble compliqué", euphémise-t-il. Concernant l'Office français de la biodiversité, le conservateur en attend surtout "plus de coordination et de concertation" entre les différentes réserves du pays. Un mouvement déjà initié dans le Centre-Val de Loire avec la création de l'Agence régionale de la biodiversité, en janvier.  "Dans les paroles en tout cas, il y a une vraie prise de conscience. A une époque, je pense que c'était plus secondaire, on voyait l'environnement comme un cadre de vie et pas comme un volet biodiversité. Je pense que la démarche est sincère, il faut des moyens derrière."

A son niveau, la réserve naturelle de Mareau-aux-Prés a ses belles réussites. L'un d'entre elle, qui réjouit particulièrement Damien Hémeray, c'est le retour de la loutre. "On l'associait aux rivières d'altitude, avec une eau de bonne qualité, en fait elle s'était réfugiée là parce qu'on la persécutait ailleurs. La loutre est revenue dans la réserve en 2013, ensuite on ne l'a plus vue, on se posait des questions", raconte-t-il avec la passion d'un romancier à suspense.

Mais depuis 2017, on sait qu'elle est là, grâce entre autres aux pièges photographiques disséminés dans la réserve. "On parle des espèces en difficulté, ça met un peu de piment de savoir que la faune peut gagner."
 
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