Depuis 22 ans, la vie de Jean-Pierre Sueur, 76 ans, oscille entre le Loiret et Paris. Fort de ses trois mandats en tant que sénateur, le socialiste était l’invité de Dimanche en politique de France 3 Centre-Val de Loire. Le temps d’un échange, il est revenu sur le rôle de la Chambre haute du Parlement tout en réaffirmant son importance pour la démocratie.
“Ça fait 42 ans que je suis soit député, maire d’orléans, ministre ou sénateur… Je crois qu’il y a un moment où il faut passer le relais”, confie Jean-Pierre Sueur ce dimanche 11 juin sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire, pour l’émission Dimanche en politique. D’ici trois mois, son mandat de sénateur prendra fin, et ce après 22 ans d’exercice.
Le 24 septembre se tiennent en effet les élections sénatoriales. Sur les 348 sénateurs siégeant au Palais du Luxembourg, à Paris, la moitié sera renouvelée, c’est-à-dire ceux élus en 2017 tandis que ceux désignés en 2020 ont encore trois ans devant eux. Plus précisement, 8 sénateurs doivent être réélus dans la région, dont 3 en Indre-et-Loire, 2 en Loir-et-Cher et 3 dans le Loiret avec seulement deux sortants encore dans la course pour un nouveau mandat.
“Je pense qu’il y aura quelques évolutions, mais sur la base d’une certaine stabilité”, commente Jean-Pierre Sueur lorsqu’on lui demande ses pronostics. Il faut dire que depuis le début de la Vème République, la Chambre haute reste dominée par la droite et le centre, avec actuellement 145 sénateurs Les Républicains (LR), dont le président du Sénat, Gérard Larcher, est issu; suivis de 64 personnes du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER), auquel appartient Jean-Pierre Sueur.
162 000 grands électeurs
Tous les trois ans, les sénateurs sont ainsi élus à l’échelle du département pour une durée de six ans. Il s’agit d’un mode de scrutin au suffrage universel indirect. Concrètement, 162 000 députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux, conseillers territoriaux et délégués des conseillers municipaux, élus lors de précédents scrutins, forment un collège électoral chargé d’élire les nouveaux représentants. Les conseillers municipaux forment à 95% ce corps électoral.
Pour Jean-Pierre Sueur, “les questions politiques jouent”, mais il est d’avis que la proximité et le rapport instauré avec les élus locaux importe davantage pour devenir sénateur. Il raconte alors comment, pour ses trois campagnes électorales sénatoriales, il s’est rendu dans 300 communes. Si le sénateur accorde tant d’importance au terrain, c’est qu’il dit se “nourrir” de ces discussions et de ces propos recueillis pour sa fonction au Sénat. “Ce va et vient est important”, assène-t-il.
Il en profite également pour expliquer à ses interlocuteurs comment fonctionne la Chambre haute du Parlement, qui a deux fonctions essentielles : voter la loi et contrôler l’action du Gouvernement. Puisque le Sénat représente les collectivités territoriales, il défend les intérêts des communes, départements et régions.
“Cette semaine, j’ai passé trois ou quatre jours à Paris sur la loi sur la Justice, qui donne beaucoup de moyens mais fait l’impasse sur certains sujets, raconte-t-il. Je me suis battu, j’ai défendu des amendements, j’ai parlé, j’ai participé à ce débat et on a fini à presque 1h du matin. On travaille beaucoup."
Jean-Pierre Sueur, sénateur PS du Loiret
Il précise ensuite qu’il a participé à la rédaction d’une centaine de textes. Le contrôle, lui, s’effectue à travers les questions des sénateurs, les missions d’information, les groupes de suivi, les commissions d’enquête ou les délégations qui peuvent faire appel à des experts indépendants.
Comprendre la navette parlementaire
Afin de comprendre l’entièreté du rôle du Sénat, il est nécessaire d’avoir en tête le chemin parcouru par une loi. Elle naît tout d’abord sous forme de texte appelé “projet de loi” s’il a pour origine le Premier ministre ou “proposition de loi” s’il vient d’un membre du Parlement. Si dans la majorité des cas, ils peuvent être soumis en premier soit à l’Assemblée nationale soit au Sénat, tout ce qui concerne l’organisation des collectivités territoriales ou les instances représentatives des Français va en premier lieu à la Chambre haute. “Le Sénat est une maison des élus locaux”, illustre Jean-Pierre Sueur.
Le projet ou la proposition de loi est ensuite discuté en commission parlementaire avec de possibles ajouts, modifications ou suppressions d’articles, c’est-à-dire des amendements. Débute alors la navette parlementaire : le texte est examiné successivement par les deux assemblées, dans la limite de deux lectures par chambre. Si à ce stade le Parlement et le Sénat ne sont pas d’accord, une commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis peut être convoquée. Dans le cas où celle-ci ne parvient pas à adopter un texte commun, l’Assemblée nationale a le dernier mot et peut statuer définitivement.
Le Sénat a donc moins de prérogatives que la chambre basse, ne bénéficiant pas des procédures de vote de confiance ou de motion de censure. Toutefois, contrairement à l’Assemblée nationale, le président de la République ne peut pas le dissoudre. Jean-Pierre Sueur préfère quant à lui tempérer : “Ce qui est important c’est que chaque assemblée ait son profil et son identité”, indique-t-il.
Une difficile proximité avec les Français ?
Et quand vient l'épineux sujet de la suppression de l’instance, parfois évoqué, il déclare qu’il s’agirait d’une “absurdité” : “À l’Assemblée nationale on se confronte, au Sénat, on parle. On peut être en désaccord mais chercher à travailler ensemble.”
Derrière ce débat : le régime de retraite spécial des sénateurs, qui n’a pas été réformé en 2017 contrairement à celui de l’Assemblée nationale, ainsi que le fait d’être vu comme peu représentatif de la population française. Et pour cause : le profil type est un homme, âgé d’en moyenne 61 ans. La part de sénatrices est actuellement de 35%, soit 119 femmes sur 348, contre 25% en 2014. Une légère hausse notamment facilitée par l’interdiction du cumul des mandats en place depuis 2017 et les obligations paritaires. “C’est très bien, réagit Jean-Pierre Sueur. Je crois qu’il faut qu’elle soit parfaite au Sénat comme à l’Assemblée.”
À l’aune de sa retraite, voilà des préoccupations dont il s’éloignera petit à petit, sans les oublier pour autant. “Je vais continuer d’écrire et d’agir, parce qu’on peut agir autrement que par des mandats électifs”, défend-il avant de revenir sur sa carrière politique, à l'heure du bilan : “J’ai tout aimé, c’est une chance que l’on vous fasse confiance pour servir la République et vos concitoyens.”