Depuis 2001, Jean-Pierre Sueur est sénateur PS du Loiret. Une fonction qu'il occupe à cheval entre Paris et Orléans. A l'occasion des élections sénatoriales, prévues le 27 septembre, il revient sur le rôle de la chambre haute du Parlement.
Le Sénat, c'est comme le côté bleu de la gomme. On sait qu'il existe, mais on ne sait vraiment ni comment il fonctionne, ni à quoi il sert. Pourtant, la moitié de l'effectif des sénateurs, nos représentants, seront renouvelés le dimanche 27 septembre. Une élection à enjeux, car son résultat pourrait dessiner une nouvelle tendance politique pour le miroir de l'Assemblée nationale.
Car le Sénat, c'est la moitié du Parlement, l'organe qui rédige les textes législatif, "qui écrit et vote la loi", se plaît à dire Jean-Pierre Sueur. Après avoir été successivement député, secrétaire d'Etat et maire d'Orléans, Jean-Pierre Sueur est devenu sénateur du Loiret en 2001, sous la bannière du parti socialiste. Un confortable fauteuil qu'il n'a plus quitté depuis.
Alors pour lui, la mission du Sénat est "primordiale". D'abord, "faire que la loi soit la meilleure possible, parce qu'elle va s'appliquer longtemps à la totalité du peuple français". Une opération qui prend beaucoup de temps, en général plusieurs mois. La faute à la "navette", les allers-retours successifs des textes de loi entre le Sénat et l'Assemblée nationale. "C'est nécessaire pour examiner tous les amendements", explique le sénateur.
La fabrique de la loi
Les projets et propositions de loi passent ainsi par des commissions, constituées de quelques parlementaires qui échangent sur le texte et soumettent des amendements. L'assemblée plénière adopte ensuite une version complète du texte, qu'elle renvoit à l'autre chambre parlementaire. Après plusieurs allers-retours, une commission mixte constituée de sept députés et sept sénateurs s'accorde sur une version finale du texte. En cas de désaccord entre les deux chambres, les députés auront le dernier mot.Des échanges décisifs car le Sénat n'est pas constitué des mêmes élus que l'Assemblée nationale.
Car le Sénat et ses 348 membres ne sont pas élus directement par les citoyens, mais par un collège de grands électeurs, qui représentent les collectivités territoriales comme les communes et les départements. Résultats : alors que l'Assemblée est dirigée par une majorité absolue de La République en Marche et ses alliés, le Sénat est dominée par une majorité de droite.L'Assemblée nationale est élue au suffrage universel direct, immédiatement après la présidentielle. Et très souvent, les Français votent pour le parti du président élu. Donc l'Assemblée est dominée par un groupe majoritaire omnipotent. Le Sénat, lui, reflète d'avantage la diversité des sensibilités politiques.
Le Sénat, représentatif du peuple français ?
Pour le sénateur, ce mode de scrutin permet au Sénat de conserver une certaine indépendance vis à vis du pouvoir, qui aide la chambre à exercer "sa mission de contrôle du gouvernement".En somme, "le Sénat est une ruche", animée par des commissions d'étude des lois, par le vote des lois dans l'hémicycle, par des missions parlementaires, par nombre de réunions diverses et variées. "Le mardi, j'ai une réunion de bureau à 9h, une réunion de commission à 9h30, la séance publique à 14h30, qui va durer toute l'après-midi, reprendre à 21h30 et finir à 1h du matin", affirme Jean-Pierre Sueur.J'ai été rapporteur d'une mission d'enquête sur l'affaire Benalla. A l'Assemblée, la commission a explosé en vol parce que c'était tout juste si elle ne demandait pas à l'Elysée l'autorisation d'interroger telle ou telle personne. Au Sénat, nous ne nous sommes laissé impressionner par rien ni personne.
Toute une activité qui serait perdue si le Sénat était supprimé, comme le réclament certaines personnalités politiques. Selon un sondage de 2017, 60% des Français y seraient même favorables. En cause : le coût de fonctionnement de ce qui est parfois considéré comme un doublon de l'Assemblée nationale.
Mais aussi un manque de représentativité des citoyens. Le mode de scrutin favorise un personnel politique déjà bien installé, si bien qu'en 2020, seuls 34,2% des sénateurs sont des sénatrices. De plus, la moyenne d'âge y est de 61 ans, donnant au Sénat une image vieillissante peu en phase avec les réalités du pays. D'ailleurs, le mot même de "Sénat" est dérivé de l'adjectif latin "senior", dont le sens est explicite. A Rome, le Sénat était littéralement "le conseil des anciens".
Un pied à Paris, un pied à Orléans
"Le système électoral pourrait être revu pour que le Sénat représente encore mieux la population, mais l'élection des sénateurs ne doit pas être la même que celle des députés, sous peine d'avoir un clone de l'Assemblée", avance Jean-Pierre Sueur. D'autant que la moitié du Sénat est renouvelée tous les 3 ans, ce qui évite "le risque que le vote soit trop marqué par la conjoncture".Mais un sénateur, c'est aussi un élu local, porté aux responsabilités par les collectivités. "Le Sénat est très pointu sur les questions de finances locales, de compétences régionales et départementales... C'est humain qu'un élu pense d'abord à ses électeurs."
Et entre ces responsabilités, le sénateur est censé trouver le moyen de sonder son territoire, le Loiret pour Jean-Pierre Sueur. Celui-ci se trouve dans sa permanence orléanaise le vendredi, et enchaîne "des manifestations sur le samedi et dimanche, comme des réceptions ou des inaugurations".
Contrairement à certains de ses collègues, favorables au cumul des mandats, Jean-Pierre Sueur ne pense pas qu'il soit obligatoire "d'être maire pour avoir le contact avec les gens. On me connaît dans le Loiret, ça fait 28 ans que je le parcours en tous sens. Je suis un homme de terrain, et j'y tiens beaucoup parce qu'il faut qu'on ait les pieds dans nos territoires".
Jean-Pierre Sueur a été réélu sénateur en 2017, et n'est pas concerné par les élections du 27 septembre. Il ne sera à nouveau candidat qu'en 2023. En Centre-Val de Loire, sept fauteuils de sénateurs seront remis en jeu ce 27 septembre : deux dans le Cher, deux dans l'Indre et trois en Eure-et-Loir.