Expérimentation du cannabis thérapeutique : la généralisation tarde à venir

Alors qu'elles devaient se terminer en mars 2023, les expérimentations du cannabis thérapeutique seront prolongées d'une année. Dans le cadre de la loi programmation finance (2023-2027), Caroline Janvier, députée (Renaissance) du Loiret, défendra leur élargissement.

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Le 21 mars 2021, Olivier Véran, alors ministre de la Santé, se rend au CHU de Clermont-Ferrand. Il assiste à la première prescription de cannabis thérapeutique du docteur Nicolas Authier pour un patient souffrant de neuropathie centrale. Quelque temps plus tard, le Centre d'évaluation et du traitement de la douleur de Tours (37) commence lui aussi à délivrer des ordonnances. "Aujourd’hui, 21 patients ont pu bénéficier de l'expérimentation chez nous", affirme Sophie Vibet, responsable de service. Au total, ils sont 2000 sur toute la France.

Seules quelques pathologies précises sont prises en charge telles que certaines formes d'épilepsie ou des douleurs neuropathiques. Ces souffrances résultent d'une lésion ou maladie du système nerveux, comme lors d'un contexte de sclérose en plaques ou d’AVC. "C’est une sensation très particulière, détaille Sophie Vibet. Des picotements, de fourmillement, des démangeaisons, et des douleurs électriques constantes." Dans ces cas-là, le recours au cannabis peut être une possibilité.

"Ce n’est pas un traitement de premier recours"

Sophie Vibet, responsable de service au Centre de la douleur

CBD et THC : deux molécules testées

Deux molécules du cannabis sont utilisées au sein de l'expérimentation : le CBD et le THC. La première est autorisée à la vente, sous certaines conditions et prend la forme de tisane, bonbon ou crème. Tandis que la seconde ne peut être prescrite que par les médecins de la douleur : c’est elle qui possède des effets psychodysleptiques, entendez hallucinogènes. Le THC est aussi responsable de problèmes cardiaques. 

Au sein de l’expérimentation, le cannabis se présente sous forme d’huile ou de fleurs séchées dont les pourcentages de CBD et THC peuvent varier, en fonction des choix des médecins. "Habituellement, nous commençons par prescrire du CBD et augmentons petit à petit les doses. Si cela n’est pas suffisant, nous passons au THC", précise Sophie Vibet. 

Pharmacies accréditées

L’huile, qui s'absorbe pour la bouche à l’aide d’une pipette au dosage millimétré, est utilisée pour un traitement de fond. Pour les pics de douleurs, ce sont les fleurs, qui doivent être vaporisées. "En général, cela agit en 30 minutes", indique cette médecin. Le vaporisateur et la balance de précision sont fournis par la pharmacie de l'hôpital. "Les premières distributions de produits doivent obligatoirement se faire au CHU." Seules les pharmacies accréditées (quatre travaillent avec le service) peuvent ensuite délivrer les produits. 

Quelques médecins traitants, ayant suivi la formation de l’Association nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sont en mesure de renouveler les prescriptions. "Les patients souhaiteraient que davantage de médecins soient formés", relate Caroline Janvier, députée (Renaissance) du Loiret, rapporteure thématique au sein d'une mission d'information sur la réglementation des différents usages du cannabis. "Il y a une grande attente car l’expérience a été retardée de deux ans en raison de la crise sanitaire", ajoute-t-elle. 

Remboursement par la sécurité sociale

Autre sujet d’inquiétude, la fin de l’expérimentation, fixée à mars 2023. Dans le cadre des débats sur la loi programmation des finances publiques (2023-2027) en cours à l’Assemblée nationale, la députée prévoit de déposer plusieurs amendements sur le sujet en début de semaine prochaine : "La prolongation de l’expérimentation d’un an a déjà été votée en commission. En déposant des amendements, nous voulons élargir le cadre de l’expérimentation pour aller vers la généralisation." Des amendements travaillés et pensés notamment lors d'une table ronde organisée à l'Assemblée le 6 octobre. 

Parmi les mesures que la députée du Loiret envisage : l’inscription dans la loi d’une définition légale du cannabis thérapeutique, la mise en place et le financement de la production et de la distribution, ainsi qu'un remboursement par la sécurité sociale. Actuellement, ce sont des industriels étrangers qui fournissent gratuitement les produits aux hôpitaux français. Caroline Janvier s'en inquiète : Pour eux, ce sont des parts de marché futures. C'est stratégique. Or, il y a une demande d’acteurs français qui souhaitent créer une filière dans notre pays." 

Quelle efficacité ?

"L’autre crainte, c’est que les expérimentations durent trop longtemps, et que les industriels qui fournissent les produits à titre gracieux ne le fassent plus", lance-t-elle. Beaucoup des patients du Centre de la douleur de Tours se demandent de quelle manière le processus se poursuivra après mars 2023. Car, pour eux, le traitement a fait ses preuves. "Certains font des intolérances, analyse Sophie Vibet. Mais ça fonctionne bien chez les patients qui ont des douleurs neuropathiques et de la spasticité (des contraction musculaires involontaires, ndlr). Le traitement est également efficace pour les personnes atteintes de sclérose en plaques ou celles qui ont une liaison de la moelle épinière."

"Sur le terrain, les médecins observent un soulagement des douleurs et une amélioration des conditions de vie des patients. Sans accoutumance, confirme la députée qui attend un rapport chiffré de la Direction générale de la santé (DGS) sur l’efficacité du cannabis thérapeutique. Initialement prévu fin septembre, le document n'a toujours pas été livré. Le sera-t-il avant le début des discussions ? "On a pris beaucoup de retard, on continue à en prendre, se désole Caroline Janvier. On a le sentiment qu'il n'y a pas la volonté suffisante pour se saisir de ce sujet. Une inertie difficile à vivre pour les patients, et que je compte relayer à l'Assemblée."

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