Clayton Van Woerkom repart aux États-Unis ce lundi 22 août, après trois mois au sein de la communauté du Giennois. Étudiant en anthropologie dans l'Utah, il avait fait de l'étude de la vie des musulmans dans une petite ville de France son sujet de mémoire.
Clayton Van Woerkom est de ces rencontres qu'on ne fait pas à chaque coin de rue dans le Loiret. Du haut de ses 24 ans, le jeune homme arrive tout droit de l'université de Provo, près de Salt Lake City, dans l'Utah. Au milieu des étendues désertiques des États-Unis, il y étudie l'anthropologie sociale, et prépare en ce moment même son mémoire de master.
Un mémoire qu'il écrira après avoir quitté la France pour rentrer au pays, ce lundi 22 août. Le terme d'une immersion de trois mois dans le Loiret. Comme sujet, il a pris l'étude de la vie d'une communauté musulmane dans une petite ville de l'Hexagone, et a choisi Gien comme camp de base.
Tropisme francophile
Le pourquoi du comment venir à Gien, c'est une longue histoire. Né aux États-Unis, il dit avoir "vécu un peu partout" là-bas : à New-York, au Texas, en Californie, dans l'Ohio, liste-t-il. Mais pas que. Pendant trois ans, il a grandi en Loire-Atlantique, où il est scolarisé en maternelle et en CP. À ses 18 ans, il revient habiter deux ans du côté de Bordeaux. Résultat : il parle un français impeccable, et a gardé une profonde affection pour la France.
Son intérêt pour l'Islam est venu plus progressivement, lors qu'il commence à discuter avec des amis musulmans dans ses années collège. Il entame ses études par une licence en langue arabe et en études du Moyen-Orient, et part travailler sa langue au Maroc. C'est donc avec un trilinguisme anglais-français-arabe que le jeune américain est arrivé à Gien.
Parcours d'intégration
De ses précédents séjours en France et de ses contacts avec des musulmans déjà à l'époque, il garde le sentiment que "c'est pas toujours évident pour eux de vivre leur foi en France". En a découlé l'idée de "revenir dans le pays et comprendre comment ils vivent ici". Clayton Van Woerkom réalise alors que "de nombreuses études ont été faites sur la vie des musulmans dans les grandes villes ou en banlieues, mais pas dans les petites villes". Il choisit alors de faire du neuf, et de partir à la rencontre des musulmans de la ruralité. Avec son directeur de recherches censé venir à Aubigny-sur-Nère, dans le Cher (ce qui ne s'est finalement pas fait), l'étudiant se met à chercher des mosquées dans le coin. "Gien était la seule qui avait son contact mail sur son site internet !"
Il se décide à envoyer un message, résumant sa démarche, son envie de s'intéresser aux gens. "C'était très clair, j'ai tout de suite compris qu'il était très motivé", se souvient Lahbib Laghmiri, président de l'association de la mosquée de Gien. De son côté, "il n'y a pas eu d'hésitation, on a voulu l'aider dans sa démarche scientifique".
Il prépare alors à Clayton un parcours d'intégration, lors de son arrivée dans le Loiret en compagnie de son épouse - elle aussi parlant parfaitement français - début juin. Avec une visite de Gien et de ses commerces, et une présentation aux fidèles de la mosquée lors de la prière du vendredi. "Les soirs et les après-midis, je lui présentais les fidèles au fur et à mesure, et puis il est parti en autonomie, à aller vers les gens", raconte Lahbib Laghmiri.
Partager la vie quotidienne
En trois mois, l'étudiant a eu le temps de s'imprégner de l'atmosphère des lieux et de la communauté. "J'ai passé du temps avec les gens, à partager des repas, à les connaître, à parler avec eux bien-sûr, note-t-il. Mais pas que, je les observe aussi dans leur vie quotidienne, je vais à la mosquée lors des prières, je suis des cours de religion, et je passe du temps dans les milieux familiaux et professionnels." Il a aussi travaillé quelques temps dans un restaurant dont le propriétaire appartient à la communauté musulmane.
Clayton Van Woerkom témoigne d'un accueil chaleureux de la part des Giennois, malgré une question quasi inévitable à chaque fois : "Qu'est-ce que vous faites ici ? Pourquoi Gien ?" Plus de l'étonnement que de l'hostilité. "Il y avait parfois un peu de méfiance, mais les personnes ont accepté de parler avec moi. Mon but, c'est de les comprendre, de comprendre leur vie."
Conscient du climat d'islamophobie régnant régulièrement en France, le jeune homme est allé aussi à la rencontre des non-musulmans du coin, pour comprendre "leurs perspectives variées, même si je ne suis pas forcément d'accord avec eux, pour apprécier leur humanité". Son but en tant que chercheur, c'est de "comprendre les autres même s'ils ne sont pas de mon avis ou de ma culture".
Ouvrir des portes
Une philosophie qui a séduit Lahbib Laghmiri, qui estime que de nombreuses communautés "vivent les unes à côté des autres mais pas les unes avec les autres". Et pour y remédier, rien de mieux que des échanges, de l'ouverture, et de la compréhension. "On espère que son travail peut ouvrir des portes."
Le jeune étudiant raconte ainsi que de nombreuses personnes lui ont d'emblée demandé de "ne pas croire tout ce que je vois dans les médias, de voir ce qu'ils sont réellement". Pourtant, il a pu constaté que "le racisme et l'islamophobie, c'est pesant pour eux, mais ce n'est pas le plus important" :
Le plus important pour eux, c'est l'Islam en lui-même, l'apaisement que la religion amène dans leur vie. Certains n'étaient pas pratiquants avant, et sentaient un vide. Pour eux, la foi est un accomplissement, qui les aide à être de bonnes personnes.
Clayton Van Woerkom, étudiant américain en anthropologie sociale
Ce vendredi 19 août, Clayton Van Woerkom a fait ses adieux à la communauté, lors de la prière du vendredi à la mosquée de Gien. L'occasion de s'échanger quelques cadeaux, et le traditionnel thé, avant le retour aux États-Unis ce lundi. Là-bas, le jeune homme tâchera d'écrire son mémoire, qu'il aimerait publier dans une revue académique "d'ici un certain nombre d'années". Et qu'il pourrait venir présenter alors aux Giennois dont il a partagé la vie pendant trois mois.