Polémique autour d'un rassemblement évangélique des gens du voyage : "On est en train de surfer sur une vague populiste"

À Nevoy, dans le Loiret, un rassemblement évangélique tzigane compte près de 40 000 personnes, depuis le week-end dernier. Soit le double de la population habituellement accueillie lors des conventions annuelles de l'association Vie et lumière.

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Nevoy, près de Gien. Un peu plus de 1000 habitants, en temps normal. Mais, depuis le week-end du 6 mai, des milliers de participants y sont réunis pour le rassemblement évangélique de l'association Vie et Lumière.

Deux fois plus de monde que prévu

Environ 20 000 personnes étaient attendues. Finalement, près du double se trouve sur place. Les caravanes se sont installées sur le terrain des Petites Brosses, une propriété privée de l'association organisatrice de l'événement.

Vous avez vraiment des personnes de tous horizons. Ce sont des familles entières qui se déplacent.

Désiré Vermeersch, président de l'ASNIT

"Je suis à Nevoy, depuis le début du rassemblement", débute Désiré Vermeersch. Il est le président de l'ASNIT, l'association sociale nationale internationale tzigane. Concrètement, l'ASNIT accompagne les familles de la communauté sur le plan social.

Pour cela, elle dispose de six antennes, des centres sociaux, permettant d'accompagner environ 6 000 familles dans toute la France, chaque année. Mais c'est une autre association qui est sous le feu des projecteurs depuis quelques jours.

Notamment depuis qu'un homme a tiré en l'air près du site, lundi 8 mai. Il a été placé en garde à vue.

"Il n'est pas venu pour dire 'je veux en découdre avec les gens du voyage'. En 40 ans, c'est la première fois que cela arrive", précise Désiré Vermeersch. 

Selon une source proche de l'auteur des deux tirs, l'octogénaire est convoqué au mois d'août prochain pour répondre de ses actes.

On est dans le viseur. On est une population très ciblée pour un électorat facile. On sent de plus en plus la montée de lois répressives.

Désiré Vermeersch

Pour Désiré Vermeersch, ce genre d'événement se déroule sans doute régulièrement en France. "Et personne ne s'en soucie."

Le problème, selon ce participant, réside dans les spécificités de la communauté des gens du voyage : leur mode de vie, l'itinérance, et, plus largement, leur culture.

"On est en train de surfer sur une vague populiste qui fait que la communauté des gens du voyage est devenue bouc émissaire", résume Désiré Vermeersch.

Il rappelle que les inégalités de traitement existent toujours, alors que la communauté est installée depuis longtemps en France. "Les premiers Tziganes sont arrivés aux portes de Paris au XVIIe siècle", explique-t-il. 

Une démographie qui augmente, en France

Vie et lumière. Définie comme la Mission évangélique des Tziganes de France et regroupant près de 150 000 membres. Cette association organisatrice de l'événement de Nevoy est rattachée à la Fédération protestante de France.

"Vie et Lumière représente 1 300 pasteurs amenés à gérer 12 régions et 320 églises protestantes tziganes", développe Désiré Vermeersch.

Depuis près de 40 ans, selon Vie et lumière, et une trentaine d'années selon la commune, deux rassemblements par an sont organisés.

Cette année, l'événement revêt un caractère particulier. La présidence de l'association Vie et lumière s'apprête à changer. L'élection a eu lieu durant l'après-midi de ce jeudi 11 mai. Ce qui explique sans doute l'affluence, en cette convention de printemps.

"Il y a une démographie, en France, qui n'a pas été prise en compte dans les schémas départementaux, là où se gère la politique de la communauté des gens du voyage", précise Désiré Vermeersch.

Les commerces ne s'en plaignent pas. Surtout durant cette époque difficile.

Désiré Vermeersch

Depuis 1988, les rassemblements ont lieu au printemps et durant l'été. "On cherche un grand terrain. Malheureusement, il y a toujours une levée de boucliers", résume Désiré Vermeersch.

"On avait anticipé, mais il faut encore aménager certaines parcelles", poursuit-il. Selon le président de l'ASNIT, 30 000 personnes passent encore. Plus encore, l'économie locale en profite.

La préfecture joue aussi son rôle de médiation. Deux fois par semaine, il y a des tours de table avec l'organisateur.

Désiré Vermeersch

Le maire de Nevoy appelle à l'aide l'État et l'Armée

D'un point de vue politique, les rapports entre élus et évangélistes sont corrects, selon Désiré Vermeersch. "On n'a pas de rapports négatifs avec les maires de Gien et de Nevoy", confirme-t-il. "C’est juste", confirme Francis Cammal, maire de Gien. 

"Tous les rassemblements qui ont eu lieu jusqu'à présent se sont déroulés dans un cadre très cordial", explique celui qui est également le président de la communauté des communes giennoises. Le maire de Nevoy, Jean-François Darmois, contacté par France 3 Centre-Val de Loire également, acquiesce. 

Le premier rassemblement, celui de printemps, on le supporte, on le tolère, mais à une jauge de 20 000 personnes.

Jean-François Darmois, maire de Nevoy

 "C'est très cordial", commence-t-il. Le problème est ailleurs, selon lui. "Il y a d'abord la volonté d'avoir une jauge à 20 000 personnes pour les prochains rassemblements de printemps", souligne le maire. 

L'autre volonté ? Ne pas accueillir la deuxième convention, prévue en août. "C'est aux services de l'État de leur permettre de l'organiser ailleurs", confirme Jean-François Darmois.

Les gens de Nevoy supportent, subissent. Mais là, on ne peut plus. On est un village sinistré. J'assume mon rôle de maire, mais j'en appelle à l'aide de l'État, de la Première ministre, du ministre des Armées et de l'Intérieur.

Jean-François Darmoy, maire de Nevoy

Les nuisances auxquelles les communes de Nevoy et de Gien, disposant des services, doivent faire face ? La circulation devenue difficile, les vols d'eau et d'électricité dont fait part Francis Cammal, la mobilisation de 250 gendarmes sur toute la compagnie de Gien, des structures inadaptées à l'accueil de ces 40 000 personnes...

"L'autre problème propre à la commune, c'est le côté sanitaire. On ne peut plus admettre ce manque de respect, aux abords du site", regrette le maire de Nevoy, craignant l'état dans lequel il va retrouver sa commune la semaine prochaine.

Il y a un service de ramassage des déchets, tous les jours. On est très organisés.

Désiré Vermeersch

Selon Désiré Vermeersch, l'organisation est rodée, depuis 40 ans que l'événement se déroule. Côté préfecture, les rencontres régulières, deux fois par semaine, permettent de résoudre les points concernant "les zones sensibles" et "les problèmes à régler rapidement avant que cela ne dégénère".

Ces éléments, les deux élus de Nevoy et Gien les confirment. Ils précisent cependant qu'il est difficile de maîtriser toute la situation, avec près de 40 000 personnes rassemblées.

"Très globalement, tout est préparé en amont avec la préfecture", souligne quant à elle Nathalie Leenhardt. En tant que chargée de mission de l'Association protestante des amis des Tziganes, elle revient tout juste du rassemblement de Nevoy.

La couverture des médias sur cette communauté des gens du voyage, en majorité ce sont des informations négatives.

Nathalie Leenhardt, chargée de mission pour l'Association protestante des amis des Tziganes

Le but de l'association de Nathalie Leenhardt ? "Défendre le droit à l'itinérance et lutter contre les préjugés dont sont victimes les gens du voyage", explique-t-elle. Et de rappeler, au passage, que ces préjugés se nourrissent de l'actualité.

Au sein même de l'association, des dispositions sont prises, selon Désiré Vermeersch : un service de diacre, un autre de police interne, la gestion des déchets... "On a acheté nos propres camions-poubelles", appuie Désiré Vermeersch.

Le rassemblement devrait durer jusqu'à dimanche 14 mai. "Et 135 groupes vont repartir, dans toute la France", conclut Désiré Vermeersch.

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