"Quand est-ce que je vais avoir ma reconnaissance ?" : les harkis du Loiret ne désarment pas

La journée nationale d'hommage aux harkis s'est déroulée le 25 septembre. Saïd Balah, président de l'association 2 ID Harkis du Loiret et président du Comité Régional de concertation des harkis, juge les efforts du gouvernement insuffisants. 

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"56 ans après, c'est un peu tardif..." ironise Saïd Balah. Nous l'avons rencontré alors que, dans le même temps, Emmanuel Macron remettait à une vingtaine de harkis les ordres de la Légion d'honneur et du Mérite.

Lui est arrivé en France à dix ans, en 1967. Son père vient d'être libéré après plus de deux ans d'emprisonnement. Sa famille est rapatriée in extremis, et passe plusieurs mois dans un camp d'internement. 

En cette journée nationale d'hommage aux combattants algériens engagés - parfois de force - aux côtés de la France pendant la guerre d'Algérie, le président d'association dresse le constat un peu amer d'un dossier qui patine. 
 

Une loi pour seule priorité


"Je pense que la majorité des associations de harkis n’attendent qu’une chose : qu’on reconnaisse, à travers une loi,  la responsabilité de l’Etat Français dans l’abandon et le massacre des harkis en Algérie et également dans les conditions de vie réservées aux familles de harkis. C'est dommage d’avoir laissé passer une génération pour essayer aujourd’hui de les reconnaître à travers des médailles. C’est toujours mieux que rien, mais nous attendons plus."

La reconnaissance, c'était pourtant une proposition claire du rapport intitulé "Aux harkis, la France reconnaissante", remis en Juillet 2018. Silence radio du côté de l'Elysée, alors que les médias anticipent des annonces sur le plan financier

"Ce plan, c’est encore des effets d’annonce, peut-être pour dissimuler d’autres points chauds de l’actualité. C’est aussi peut-être pour contenter d’autres acteurs, après avoir reconnu l’implication de la France dans l’affaire Maurice Audin. Ça a toujours été politicien, et je pense que ce qu'on fait, on ne le fait pas dans l'intérêt des harkis" juge Saïd Balah. 
 

"On nous dit qu'on est des assistés"


Plusieurs associations sont lasses de ces mesures centrées sur l'aspect pécuniaire du problème, et mal réalisées. "Depuis plusieurs dizaines d’années, l’Etat prend des mesures dans le domaine de l’emploi. Les emplois réservés, par exemple, les actions pour les bourses scolaires, le logement... mais sans jamais les concrétiser sur le terrain. Si ça marchait, il y a longtemps qu’on aurait bouclé tout ça. Mais à chaque échéance électorale, on nous ressort un plan pour les harkis. On nous dit qu'on est des assistés, des privilégiés, alors que ce n’est pas la vérité. On a dit pour notre part que, ces mesures-là, on n'en voulait plus."

Le rapport du groupe de travail partage lui-même ces constats d'échec (page 142 et 147). Les associations de harkis s'étaient déjà élevées, en amont de sa présentation, contre les méthodes du groupe prévu par Emmanuel Macron, qui a notamment délaissé certains responsables régionaux et auditionné certains autres uniquement en présence du président. 
 

Discrimination à l'indemnisation


Pour Saïd Balah, autre point de tension : non seulement le rapport s'attarde sur la question financière, mais ni les montants ni la répartition ne satisfont les harkis. "On nous parle de 40 millions, répartis sur 4 années. Mais le préjudice subi par les harkis est au-delà de ça ! Le président m'a posé la question du montant. Je lui ai dit : nous, on a listé tous les dommages subis par les harkis, on vous demande de constituer un groupe d'experts pour chiffrer cela. La vie d’un homme, ça n’a pas de prix, je ne peux pas me permettre."

Un montant dont le président du groupe de travail, Dominique Ceaux, semble presque s'excuser dans son propos liminaire. "Nous savons qu’à travers les propositions que nous faisons, nous ne satisferons pas toutes les demandes, toutes les attentes des harkis et de leurs familles, écrit-il. Parce que, 56 ans après, c’est certainement, et malheureusement, trop tard. Et il faudrait beaucoup d’argent, que la France n’a pas forcément. Ou n’a plus."

Le rapport établit de plus des différenciations entre les harkis, avec un système de points. Un échelonnage de la souffrance qui scandalise le président du comité régional. 
 

"Nos parents pensent s'être sacrifiés pour la France. Ceux qui sont encore vivants se disent : mais quand est-ce que je vais avoir ma reconnaissance ? Nous, les enfants, on a encore un peu d'énergie pour se battre"  conclut-il. 

A la fin de l'introduction de son rapport, Dominique Ceaux écrit : "Finalement, les harkis ont besoin qu’on leur dise qu’on les aime."  Les harkis, eux, souhaiteraient plutôt qu'on les écoute, enfin. 
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