Le mariage pour tous fête ses 5 ans
"Maintenant, c'est la routine"
Le 23 avril 2013, la loi qui visait à étendre le mariage aux couples homosexuels était votée. Cinq ans plus tard, opposants et partisans décrivent une situation apaisée.

Il y a cinq ans : "dignité" contre tradition
Encore un peu ému, Christophe Desportes-Guilloux. A l'époque où la loi sur le mariage pour tous entre dans le débat public, le militant orléanais porte une double casquette. Il est référent "lutte contre les discriminations" au sein du Groupe Action Gay et Lesbien (GAGL) du Loiret, et est en fonction au sein d'un groupe associé au parti socialiste, "Homosexualités et socialisme".Il milite pour l'adoption de cette loi. Selon lui, c'est une question non pas seulement d'égalité, mais aussi de dignité. "Certains opposants au mariage pour tous considéraient que deux personnes homosexuelles ensemble ça ne forme pas un couple. Qu’il n’y a pas de projets, pas d’avenir, pas de légitimité. Pas de dignité, en fait."

Opposition plus ou moins violente... et plus moins sincère
En face de lui et ses alliés, l'opposition qui prend plusieurs formes. La première violente, absurde. "On est venus taguer ma porte, le siège PS, le groupe GAGL... Sur ma porte, c'était des insultes homophobes, ou des slogans comme : "t’as eu un père et une mère, à bas le mariage homo". C'est très fin comme vous voyez. Mais je n'ai jamais eu ces opposants face à moi. J'ai le sentiment que ces acteurs-là étaient plutôt lâches."Il y a ensuite l'opposition des associations religieuses, notamment les associations familiales catholiques, qui se sont "jetées dans la bataille, avec leurs finances. On n'était pas de taille contre ça."

La dernière, c'est évidemment une opposition politique, qui semble plus schématique : à gauche, on est pour ; à droite, on est contre. Mais derrière les postures, ça se complique. "Certains élus, au fond, se foutaient un peu d'étendre le mariage, mais ne voulaient pas voter pour, parce que leurs électeurs n'auraient pas compris. Il y en a qui me l'ont dit droit dans les yeux."
Le grand pouvoir du quotidien
Et puis la loi passe, les grands discours aussi. On se fait pragmatique.Jacqueline Gourault est ministre auprès du ministre de l'intérieur Gérard Collomb. Elle a été pendant 25 ans maire de La Chaussée-Saint-Victor, dans le Loir-et-Cher, puis conseillère régionale du Centre et conseillère générale du Loir-et-Cher.
En 2013, elle s'exprime contre la loi Taubira. "Ma position exacte était de supporter l’union civile c’est-à-dire un prolongement du PACS, que notre société réclamait à juste titre étant donné l’évolution des situations familiales, explique-t-elle à France 3. J'étais plus embêtée par le terme "mariage", parce que je pensais que ça pouvait heurter les consciences d’un certain nombre de gens. Mais je n'étais pas une militante de ce sujet dans un sens ou un autre."

Absente lors du vote final, elle est en revanche présente pour le vote du premier article de la loi. "La violence verbale pendant les débats m'a presque poussée à dépasser ce que je croyais, c’est-à-dire à voter pour. Je condamne tous les excès qu'il y a pu avoir pendant cette période."
Aujourd'hui, pour elle, plus question de revenir sur ce point. "Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit au moment où je l’ai dit, mais je ne reviendrai pas sur cette loi non plus. C'est voté, c'est du passé, et maintenant, c'est la loi."
Elle n'est pas la seule à s'être rangée derrière les textes, selon Christophe Desportes-Guilloux.
"Dans le Loiret, à l’époque, le député maire d’Orléans Serge Grouard, avait voté contre, disait qu’il se sentirait mal à l’aise s’il devait marier ces couples. Au final, il n’y a jamais eu le début du commencement d’un problème pour célébrer un mariage homosexuel. L’année dernière, il y avait un à deux mariages homosexuels par mois. C’est la routine."
Est-il toujours autant invité à ces mariages, lui qui écrivait en 2013 ces histoires de vie particulières au milieu de tous ces rites centenaires et un peu ridicules ? "Je vais seulement au mariage de mes amis maintenant ! rit-il. Mais souvent, pour les gens, ça reste leur premier mariage homosexuel. On entend des "Oh, bah c'est un mariage comme les autres." Ça rend banale la question de l'homosexualité, dont on est pas obligé de faire tout un plat en permanence."