À quelques heures de leur procès devant le tribunal correctionnel de Montargis, les deux enseignants qui ont aspergé de chantilly Jean-Michel Blanquer, le 4 juin dernier, confient leur inquiétude tout en assumant leur geste.
"Les raisons de la colère sont toujours là", assure Olivier, l’un des deux professeurs du collège de Montargis, jugé ce lundi pour « violence commise en réunion sans incapacité totale de travail ». Comme son collègue, Christophe, il risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement.
Le 4 juin dernier, ces deux collègues et amis s’étaient retrouvés au cœur de l’actualité en aspergeant de crème chantilly l’ancien ministre de l’Éducation nationale et candidat aux élections législatives, Jean-Michel Blanquer, en visite dans un marché de Montargis.
Alerter sur la souffrance des enseignants
S’ils "assument" leur geste, les deux professeurs se disent aussi "inquiets" face à une réponse judiciaire et médiatique qu’ils jugent "disproportionnée". "On se doutait que ça allait faire du bruit, mais on ne s’attendait pas à un tel emballement", assure Christophe, "il y a forcément une forme d’appréhension avant le procès. On espère qu’on ne fera pas de nous des exemples". Même son de cloche du côté d’Olivier : "On se demande à quelle sauce on va être mangé. Je n’ai pas envie de jouer les martyrs", ironise-t-il.
Le plus dramatique, ce serait qu’il y ait des conséquences sur nos métiers
Olivier, enseignant au collège de Montargis
Plus que le jugement du tribunal correctionnel, c’est aussi la menace de perdre leur emploi qui les inquiète : "On sait que le rectorat a lancé une procédure à notre encontre, le plus dramatique ce serait qu’il y ait des conséquences sur nos métiers", poursuit Olivier.
Depuis le début de l’affaire, les deux "profs chantillyonneurs", le nom qu’ils se sont donné sur le réseau social Twitter, mettent en avant « la colère » au sein de l’Éducation nationale pour expliquer leur geste. "Ce qui compte, ce n’est pas la forme du geste, mais le fond du problème. Les collègues ne comprennent plus le sens de leur mission. Ils sont en souffrance. Ce qu’on a fait a quand même permis de mettre l’Éducation nationale au centre du débat", veut croire Christophe. "On veut tirer la sonnette d’alarme", ajoute Olivier, "évidemment que la solution, ce n’est pas la chantilly. Mais je n’ai pas de regret, il y a une grosse colère chez les enseignants".
Un appel à la mobilisation, ce lundi
Plusieurs syndicats d’enseignants (Sud, FSU, CGT, Fnec-FP-FO) ont lancé un appel au rassemblement dès 13 heures, en face du tribunal correctionnel de Montargis, ce lundi, pour venir soutenir leurs collègues. "Nous avons des situations d’urgence dans nos écoles. Et lorsque nous faisons des signalements, il ne se passe rien. Mais là, comme c’est Jean-Michel Blanquer, on utilise les moyens de la justice. Je pense que l’institution a autre chose à faire", déplore Laurianne Delaporte, la secrétaire départementale SNUipp-FSU 45.
Christophe et Olivier pourront aussi compter sur d'autres soutiens, comme le psychanalyste et professeur émérite à l'université Paris 8, Gérard Miller ou encore la maître de conférence en ergonomie, Dominique Cau-Bareille.
Des appuis bienvenus pour Christophe : "Ça fait du bien de se sentir soutenu, on espère qu’il y aura du monde".