Procès du meurtre de l'infirmière et de son patient : la guerre des clans au sein de la famille des accusés

Troisième jour du procès du meurtre de l'infirmière Karine Foucher et de son patient Jacques Samson, ce lundi 3 juin, devant les assises du Loiret. À la barre, plusieurs membres de la famille des deux accusés, un frère et une sœur, ont diabolisé l'un et angélisé l'autre, et vice versa. Visages d'une famille plus que divisée.

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Lui, "c'est quelqu'un de bien, un très bon père de famille, il est très gentil". Alors qu'elle, "c'est une manipulatrice, une veuve noire". Et puis, finalement, lui, "il n'est pas tout beau tout rose, il est agressif". Tandis qu'elle, "c'est quelqu'un qui a un grand cœur". Ce lundi 3 juin, la matinée a vu passer quatre membres de la famille des deux accusés du double meurtre de l'infirmière Karine Foucher, et de son infirmière à Châlette-sur-Loing, en octobre 2019.

Au troisième jour du procès aux assises, Safa, sœur de Fazia et Messaoud Megchiche, et trois filles de l'accusée, ont donné leurs visions respectives de leur sœur, frère, mère ou oncle. Des visions tranchées, radicalement opposées, à la limite du manichéisme.

"Un petit drogué"

Il est 10h, Safa Megchiche s'avance à la barre. Dans le box des accusés, Messaoud semble réveillé, bien plus que lors des deux précédentes journées de procès. Parfois, il se prend à sourire à pleines dents. Et à raison : pendant deux heures, Safa lui peint un portrait quasi idyllique. "Il est très gentil, c'est un très bon père de famille, il n'a pas pu faire ça, je le connais par cœur." Un drogué ? "Oui mais un petit drogué, il a une dose par jour que je lui fournissais, pour 60 euros." Soit un gramme de cocaïne ou deux grammes d'héroïne, les drogues qu'il a lui-même admis consommer.

Et, alors même que son frère a reconnu avoir conduit le véhicule de l'infirmière tuée, dans lequel son corps a été transporté jusqu'au lieu de sa découverte, Safa ne veut pas y croire. "C'est pas possible." Pour elle, c'est quelqu'un d'autre. Pourtant, son ADN a été retrouvé dans la voiture. "Il l'a peut-être conduite plus tard."

On lui lit des passages d'une conversation téléphonique, écoutée par les enquêteurs, qu'elle tient peu de temps après les faits avec son frère. Discussion lors de laquelle elle confesse des soupçons quant à l'implication des deux accusés dans le double meurtre. "Le téléphone, il a enregistré n’importe quoi. Il saute des mots. Vous n’allez pas comprendre ce qu’on dit, et un autre mot va être mis."

Elle réfute également les soupçons qu'elle a pu émettre lorsqu'elle est interrogée en garde à vue, fin 2019. "Les deux policiers m’ont poussée à bout pour que je dise que c’était Messaoud", soutient-elle.

Fazia Megchiche, "manipulatrice" au "grand cœur"

Elle ne nie pas, en revanche, sa théorie de l'époque : Fazia aurait poussé son frère à l'accompagner pour l'argent, lui l'a fait pour la drogue. "Vous le pensez toujours", demande l'avocat général, le procureur de Montargis, Jean-Cédric Gaux. "Oui, sauf pour la drogue."

Elle est prête à tout pour l'argent.

Safa Megchiche, sœur des deux accusés

La manipulation de son frère par Fazia, elle y tient. Elle assure avoir toujours entretenu "de bons rapports" avec sa sœur, mais la qualifie sans détour de "manipulatrice". Fazia raconte avoir été battue par ses frères, lorsqu'elle était adolescente ? "Jamais, on était dans une bonne famille avec une bonne éducation." Elle dit l'avoir vu "dériver, boire beaucoup d'alcool, sortir tous les soirs". Pour elle, Fazia est une alcoolique, mais son frère n'est qu'un "petit drogué".

Soit tout le contraire de ce que racontent les trois filles de Fazia Megchiche, toutes majeures mais dont seule l'une dépasse légèrement la vingtaine, venues témoigner à tour de rôle. "Ça lui arrive de boire, mais en de certaines occasions qui s'y prêtent." Messaoud, lui, "prenait de la drogue tous les jours". L'une des filles raconte qu'il prenait de l'héroïne et de la cocaïne devant elles, lorsqu'il logeait chez leur mère. "Quand ma mère voyait ça, elle nous disait d'aller dans notre chambre." L'aînée assure pourtant avoir déjà vu sa mère "rouler au sol" sous l'effet de l'alcool. "Je m'occupais d'elle, c'est normal, je suis l'aînée."

"Un gogol"

Les trois filles soutiennent avoir eu des rapports compliqués avec leur oncle lorsqu'il vivait avec elles. "Violent, non. Agressif, oui." L'une décrit un homme qui leur proférait "des menaces", qui "tapait mon frère pour rien". "Ma mère ne sait pas tout", assure-t-elle. "Il est nerveux, impulsif." Deux des filles se rappellent un jour où Messaoud leur aurait raconté avoir tué un homme, avant les faits jugés. "Il était en manque ou il venait de consommer, je n'y croyais pas du tout." Safa ? "Une mythomane."

C'est un voleur invétéré, il a fait plus de cambriolages qu'on a de doigts pour compter sur une main.

Une des filles de Fazia Megchiche

L'avocat général dévoile un extrait de la déposition d'une des filles devant les gendarmes, en 2019. "Il s’énerve très vite, c’est un gogol", lit-il. La témoin pouffe de rire à la lecture de sa propre déposition, avant de s'excuser. Face à une autre des filles, il lit un autre extrait, également daté de 2019 : "Messaoud, je dirais qu’il est sympa, gentil. Il m’aide à faire mes devoirs. Il est là pour nous." "Ça, c'était au début", tente-t-elle de se justifier.

Mais les avocats notent que les vocabulaires des trois filles sont très similaires. Deux disent que leur oncle n'est "pas tout beau, tout rose", et décrivent leur mère comme ayant "un grand cœur". "Elle est comme ça, je ne vais pas le dire autrement." Au moins deux des trois filles ont pu parler à leur mère au téléphone ce dimanche, veille de leurs témoignages.

En fin de journée, a commencé l'interrogatoire de Messaoud Megchiche, qui a dénoncé sa sœur qui le "met en porte à faux vis-à-vis de ma famille, mes petites nièces que je chéris". Il l'accuse de fabriquer "de faux témoignages".

Pas sûr que les débats aient considérablement fait avancer les choses, ce lundi matin. Seul constat : la famille Megchiche s'est polarisée en deux clans. À l'image des deux accusés, qui mettent l'entièreté des faits sur le dos de l'autre.

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