Engagé pour la réduction des nitrites dans notre alimentation, le député Richard Ramos a croisé le fer avec le représentant du secteur, Thierry Coste. La discussion en révèle finalement moins sur la charcuterie que sur le rôle des lobbies dans la fabrique de nos lois.
Lobbyiste contre parlementaire : c'est le scénario de l'audition serrée menée cette semaine par Richard Ramos face à un représentant des charcutiers-traiteurs.
L'élu préside en effet une mission d'information sur le rôle joué par les sels nitrités utilisés en charcuterie dans l'apparition de certains cancers digestifs, un problème également dénoncé par l'Organisation Mondiale de la Santé. Une "vraie inquiétude de santé publique", selon le député. Fin 2019, il avait déjà tenté d'instaurer une taxe sur les produits de charcuterie contenant ces additifs.
Thierry Coste, le plus médiatique des lobbyistes
Richard Ramos est aussi connu pour avoir vertement critiqué la présence à l'Assemblée Nationale des lobbies, ces groupes de pression qui oeuvrent pour les industriels de tous bords. C'est dire s'il devait être ravi de se retrouver face à Thierry Coste, lobbyiste mis au service des professionnels de la charcuterie.
D'autant que son nom est loin d'être inconnu du monde politique. Quand en août 2018, faute d'avancées environnementales suffisantes à ses yeux, Nicolas Hulot avait quitté son poste de ministre de la Transition écologique, il avait mis nommément en cause la présence à l'Elysée de M. Coste lors d'une réunion sur la chasse, symptomatique selon lui "de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir".
"J'assume complètement mon métier" et "de représenter la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FICT)", a attaqué Mr Coste regrettant même face à Richard Ramos "de ne pouvoir venir au Parlement avec une carte de lobbyiste comme c'est possible au Parlement européen".Thierry #Coste, le lobbyiste au tableau de chasse politique bien rempli, celui qui a fait craquer Nicolas #Hulot par sa présence lors d’une réunion à l’Elysée lundi - par @Gubalda https://t.co/cnaIBLmwdw pic.twitter.com/qxOQmKHSz3
— France Inter (@franceinter) August 28, 2018
A l’Assemblée nationale, le lobbying sans complexes"Ce qui hier était cantonné aux coulisses, associé aux pratiques occultes et aux manœuvres les plus basses, se fait de plus en plus au grand jour et de manière revendiquée." https://t.co/HFoVI9ReXD
— Économistes Atterrés (@atterres) January 29, 2020
Faveurs contre réélection : les lobbies dans la fabrique des lois
"J'ai du mal à me déplacer sans qu'on pense que je défends les intérêts de gens qui me payent, mais j'ai quand même quelques sujets de passion, comme la ruralité, a-t-il relevé, en soulignant que 60% des entreprises de charcuterie-salaison emploient moins de 50 salariés et sont installées dans les terroirs.
Les gros industriels de l'agroalimentaire ont les moyens de financer des recherches pour faire des charcuteries sans nitrites ajoutés, mais pas les petites structures, a-t-il d'ailleurs fait valoir. De son côté, Richard Ramos a dénoncé certaines techniques employées pour influencer les députés, comme l'envoi de lettres de "pression". "C'est du mauvais lobbying (...) de dire aux députés : j'ai trouvé un industriel qui est chez toi et que tu dois soutenir parce que sinon il ne te soutiendra pas, et derrière tu ne seras pas réélu", a lancé le député.
C'est que Thierry Coste lui-même n'a pas hésité à mettre en avant sa capacité à peser sur la fabrique des lois. Il a mis en avant l'étonnante mobilisation du monde de la chasse dans le combat contre les néonicotinoïdes, en 2018. "Je vous rappelle qu'elle est passée à deux voix près au Parlement."
Habile, il a fait valoir une méthode basée sur la recherche de compromis. "On sait tous qu'on doit évoluer" au sujet des sels nitrités, a finalement admis le lobbyiste au bout d'une heure d'audition. "Mais il faut de la concertation, de bons compromis", pour "qu'on ait dans nos terroirs des produits magnifiques". Une contrition qui n'a pas pleinement convaincu Richard Ramos. "C'est très dangereux d'avoir des gens talentueux parce qu'on finirait par les croire, il faut s'en méfier", a-t-il conclu.Néonicotinoïdes: apiculteurs et chasseurs se félicitent de leur interdiction #Science https://t.co/LWBEv9VAla
— Le Figaro (@Le_Figaro) April 27, 2018