"Notre hiérarchie n’est ni médecin ni infectiologue", les policiers du Loiret s’autorisent à porter des masques

En pleine épidémie de coronavirus et bien que la consigne ministérielle soit de porter des masques uniquement lorsque "les circonstances l’exigent", les policiers du Loiret peuvent les porter en permanence s’ils le souhaitent. Leur stock est maintenu par des dons mais ils en appellent à l’Etat.

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Après avoir été sommés un temps de ne pas porter de masques lors de leurs interventions, le directeur central de la sécurité publique, Jean-Marie Salanova, a finalement fait parvenir le 21 mars dernier, une note à tous les policiers de France : "Sans que cela soit généralisé, lorsque les circonstances de l’action de police l’exigent, le port du masque est autorisé afin de préserver l’intégrité des personnels", indique le courrier, qui précise également que chaque équipage doit être muni d’un kit, comprenant gants et masques, dans son véhicule.


Une direction départementale "à l’écoute" des policiers

L’annonce a en partie soulagé les policiers mais reste floue et insuffisante. Tous souhaiteraient être autorisés à porter des masques en permanence. Du côté de Montargis l’un d’eux nous confie que sa hiérarchie l’y autorise.

De toute façon, c’est notre santé avant tout, on se protège nous et notre famille.


Les syndicats de police loirétains invitent également tous les agents à porter un masque en toute circonstance. "A Orléans, les fonctionnaires portent le masque. Ils font ce qu’ils ont de mieux à faire. Moi-même j’en porte un et je continuerais quoi qu’on me dise, et c’est ce qu’on continue de dire aux collègues", appuie Bruno Berger du syndicat Alternative Police CFDT Loiret. "Notre hiérarchie n’est ni médecin ni infectiologue. Il en va de la sécurité de tout le monde. La santé publique avant tout ! "

Les policiers se réjouissent que leur direction soit "à l’écoute" et ne restreigne pas le port du masque : "Nous sur le Loiret, le directeur de la sécurité publique et son adjoint n’interdisent pas le port du masque, c’est à la discrétion du collègue. Notre Directeur départemental vient voir les collègues sur le terrain et le service de gestion opérationnelle, qui s’occupe du matériel, essaye de se démener pour récupérer tout ce qu’il peut. C’est le gouvernement qui ne fournit rien", explique Fabien Arvaron, secrétaire départemental du syndicat Loiret Alliance police nationale.

Des dons de masques de la part des citoyens

Encore faut-il que les forces de police soient suffisamment dotées. Dans le Loiret, si le stock est pour l’instant suffisant, c’est surtout grâce à la générosité des citoyens : "On nous donne des masques, du gel. Hier, une personne qui tient un commerce à Montargis nous a vus et s’est arrêté pour nous donner un sac de produits désinfectant qu’on a distribué à toute la brigade. Comme ça on peut désinfecter les volants et tableaux de bord de nos voitures. Ça nous touche parce qu’on voit qu’on n’est plus les policiers répressifs. Il y a quand même des gens qui nous aiment et qui veulent nous protéger ", explique un policier montargois.

Un élan de générosité constaté dans tout le département : "On a eu des dons de gens compatissants qui nous ont amené des masques FFP2, des masques chirurgicaux, des gants. On en a des lavables aussi donc on peut les renouveler ou les laver. La société LVMH (qui possède les marques Dior, Guerlain et Givenchy NDLR) nous a fait un gros don de gel hydroalcoolique. On en a besoin car on en consomme une quinzaine de litres par semaine sur toute la DDSP 45", explique Fabien Arvaron. Le policier estime également que les équipages sont tous munis de kits comprenant masques et gants dans leurs voitures et qui "sont remplacés dès qu’ils sont utilisés".


"Nous, on veut que l’Etat prenne ses responsabilités pour que mes collègues soient en sécurité"

Les forces de l’ordre ne font pas partie des professions prioritaires à la dotation de masques. Le 19 mars dernier, le syndicat Alliance police nationale a donc écrit une lettre au Préfet de la région Centre-Val de Loire, sommant le gouvernement à autoriser "le port du masque à discrétion de l'agent, autant que nécessaire, au moins au contact du public... Et par le fait, la livraison en urgence de masques, qui font cruellement défaut...."

"Nous, on veut que l’Etat prenne ses responsabilités pour que mes collègues soient en sécurité, que ça ne soit pas aux gens de faire des dons", insiste Fabien Arvaron. Selon le syndicaliste, la lettre est pour l’instant restée sans réponse.
 
La demande est bien sur la même chez tous les syndicats de police, comme alternative police CFDT dont le secrétaire national a écrit directement au ministre de l’intérieur le 22 mars dernier : "Nous vous demandons de bien vouloir donner les instructions fermes pour que tous les policiers soient dotés de masques FFP2 dans l'exercice de leurs missions de voie publique et patrouilles dès lors que des stocks sont localement disponibles."

Le syndicat Demande également au ministre "de fournir aux commissariats des solutions de nettoyage pour laver les tenues de police et éviter ainsi de ramener le virus a la maison ou de le laisser dans les vestiaires", ajoute Bruno Berger.
  

Les policiers en première ligne face au risque de contamination

Par ailleurs, Christophe Castaner avait affirmé jeudi 19 mars sur Europe 1 que les policiers ne courraient pas de risque en contrôlant les attestations de déplacement, leur recommandant seulement de respecter les gestes barrière et notamment, de ne pas saisir le document potentiellement porteur du virus dans leurs mains.

Une tentative de rassurer les forces de l’ordre qui n’a fait que renforcer la colère des policiers. "Dans certains quartiers de l’agglo orléanaise, on a été obligé de courir après les individus pour les interpeller et leur rappeler les règles du confinement. Et là, on est en contact très rapproché avec des individus réfractaires et qui en viennent aux mains, donc il y a un réel risque pour la santé de l’agent", raconte Bruno Berger.

Ces outrages et rebellions exposent particulièrement les policiers. Depuis le début du confinement, plusieurs d’entre eux se sont fait cracher ou tousser dessus par des individus réfractaires au confinement. Ca a notamment été le cas à Checy (Loiret), Châteauroux (Indre) et dans le centre-ville d’Orléans vendredi dernier : "Qu’il (le ministre de l’intérieur ndlr) vienne voir sur le terrain si les gens qui nous toussent dessus, nous crachent a la gueule ne sont pas dangereux ! ", s’insurge Fabien Avaron, qui estime que le danger est également bien présent lors des simples contrôles des autorisations de circulation.

On essaye de se préserver mais l’attestation… il faut bien la vérifier et donc il faut bien se rapprocher.

Alors, pour tenter de préserver les stocks de masques, les policiers ont trouvé une parade. A l’instar de leurs homologues gendarmes, certains demandent aux gens de coller leur attestation sur la vitre arrière côté conducteur. La pièce d’identité doit, elle, être présentée contre la vitre avant, et retournée à la demande de l’agent pour éviter tout contact. Un protocole "non-officiel", mais qui relève du "bon sens" selon les policiers.

On est d’accord pour dire que le personnel de santé est prioritaire pour la dotation de masques, mais même les personnels de santé qu’on contrôle nous demandent pourquoi nous n’avons pas de protections. Ils nous disent : « Si vous vous n’êtes pas protégés, comment voulez-vous que nous, on protège les gens ? »C’est une chaine de contamination.

Le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé qu’une réflexion était en cours pour étendre la distribution de masques à "d’autres professions que les soignants". Les forces de l’ordre espèrent bien en faire partie.
 
 
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