Ados bloqués sur un toit : ce qu'il faut savoir de l'urbex, une activité en vogue mais interdite et risquée

L'urbex est certes une activité très en vogue mais, elle n'est pas sans risque. Deux explorateurs en ont fait la malheureuse expérience le 19 février dernier à Orléans. Ils ont dû être évacués par les pompiers d'un immeuble qu'ils avaient escaladé.

Il était aux environs d'1h20 du matin lorsque la police est appelée par un riverain de la rue Xaintrailles à Orléans, qui leur signale que deux jeunes sont en train d'escalader un immeuble par les balcons. Dans leur ascension, les deux explorateurs se retrouvent coincés au troisième étage, si bien que la police doit faire appel aux sapeurs-pompiers pour les aider à redescendre par la grande échelle.

Interrogés sur leurs intentions, ils ont déclaré "faire de l'urbex" et avoir voulu accéder au toit de l'immeuble pour prendre des photos.

"Ce qui nous pousse c'est l'adrénaline"

Née dans les années 1980 aux Etats-Unis, l'urbex (contraction en anglais des mots "exploration urbaine") consiste à visiter des sites abandonnés. Friches industrielles, châteaux en ruines, maisons désaffectées sont en général les terrains de chasse favoris de ces explorateurs des temps modernes.

Certains, comme nos deux Orléanais, sont plutôt adeptes d'une de ses variantes : "la toiturophilie", ou dans un jargon moins francophile mais plus approprié, le "rooftoping" ou "urban climbing" qui consiste à accéder à des toits d'immeubles ou de monuments culminant une ville (cathédrales, buildings, grues…).

Avec l'avènement des réseaux sociaux, le phénomène a pris de l'ampleur cette dernière décennie. En témoignent les vidéos toujours plus nombreuses d'explorations de châteaux, maisons, usines et autres parcs d'attraction désaffectés. "Ce qui nous pousse c'est l'adrénaline", explique le youtubeur Fear qui depuis 10 ans parcours les lieux abandonnés du Berry. "Nous on fait ça uniquement de nuit. Il y a ce côté un peu sombre qu'on aime bien. Et aussi le plaisir de découvrir des lieux historiques qui font partie du patrimoine, qui restent à l'abandon."

Accidents, chutes et agressions

Outre les sensations fortes qu'elles génèrent, ces explorations ont la plupart du temps un objectif, qui diffère d'un urbexeur à l'autre. Pour certains, le but est uniquement de faire des photos ou des vidéos pour alimenter un compte Instagram ou Tiktok, quand d'autres se passionnent pour l'histoire des lieux et souhaitent en retracer la mémoire à des fins de préservation.

Une activité qui peut donc paraitre saine et bon-enfant, mais qui n'en reste pas moins "illégale et dangereuse" comme le rappelle la police orléanaise dans un tweet.

"On a forcément été confronté à des situations dangereuses", raconte Fear, "puisque les bâtiments sont endommagés par des dégradations naturelles". Les accidents les plus courants sont en effet "les planchers pourris qui s'effondrent et les gens qui tombent d'un étage", mais aussi "les poutres qui cèdent et les toits qui s'écroulent."

Et même lorsqu'un "spot" parait sûr ,"il existe un risque de se perdre dans des bâtiments très, très grands. Parfois, ça peut prendre une ou deux heures avant de réussir à trouver la sortie", ajoute le youtubeur berrichon.

Au cours d'une exploration, Fear est aussi tombé sur un squatteur: "C'était un sans-abris. Il dormait mais on a cru qu'il était mort. On a appelé les pompiers", relate-t-il. "Rien de méchant mais je connais des gens qui se sont retrouvés face à des sans-abris qui s'étaient approprié les lieux et qui les ont agressé".

Les rooftoppers, à l'extrême, risquent aussi la chute. Sans cesse à la recherche de sensations fortes, certains n'hésitent pas à monter toujours plus haut et à s'exposer au plus près du vide. C'est notamment le cas de Maxime Sirugue, un jeune instagrammeur de 18 ans qui, en 2017, s'est tué en tombant d'un pont à Lyon.

Une violation de domicile passible d'un an d'emprisonnement

Moins grave mais tout aussi problématique, il ne faut pas perdre de vue que l'urbex reste une activité illégale et ce, même si la communauté de pratiquants a établi des règles de bonne conduite. "On a des principes de base qu'on tient à mettre en valeur: ne rien casser, ne rien toucher, ne rien voler et ne pas entrer par effraction. Il faut qu'il y ait une entrée ouverte pour pouvoir pénétrer sur les lieux."

On ne doit même pas pouvoir détecter que quelqu'un est venu avant nous, tout comme la personne qui viendra après nous ne doit pas se rendre compte que nous sommes venus.

Fear - Youtubeur/urbexeur

Mais comme le rappelle l'avocat Lillois Mathieu Masse dans un article paru sur un site spécialisé dans les métiers du droit, "il ne faut pas non plus minimiser les risques juridiques". Car tout terrain ou bâtiment, même s'il parait abandonné, est forcément la propriété de quelqu'un.

S'y introduire sans autorisation constitue donc une violation de domicile passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amendes. Dans la majorité des cas, les urbexeurs pris sur le fait écopent d'un simple rappel à la loi, mais certains ont aussi été condamnés à plusieurs mois de prison.

Diffuser des images d'une maison ne constitue pas en revanche un délit, sauf si son propriétaire estime que cette exploitation lui porte préjudice. "Il peut s’agir ici d’une atteinte à l’intimité de la vie privée protégée par l’article 9 du Code civil si, par exemple, des photos de famille étaient filmées et diffusées dans les vidéos", détaille Mathieu Masse.

"J'ai même parmi mes abonnés des gendarmes qui regardent mes vidéos"

Sans compter que les explorateurs doivent également réussir à prouver qu'ils étaient là dans l'intention de visiter les lieux et non de les cambrioler. "L'avantage c'est qu'on a du matériel vidéo", détaille Fear, "mais beaucoup d'urbexeurs n'en font pas et là, c'est plus compliqué pour eux de justifier qu'ils ne font QUE de l'urbex".

Il note cependant une forme de bienveillance de la part des forces de l'ordre qui connaissent de plus en plus cette activité: "On a déjà été arrêté une fois sur un lieu relativement connu qui appartiendrait à une association. Les gendarmes avaient vu notre voiture. Ça s'est très bien passé. Ils ont vu qu'on ne faisait rien, qu'on ne détruisait rien et ils nous ont laissé finir la vidéo", s'amuse-t-il.

J'ai même parmi mes abonnés des gendarmes qui regardent mes vidéos et qui adorent. Ça, c'est le bon côté du fait que l'activité soit maintenant connue.

Fear

Quant aux deux explorateurs orléanais coincés sur un immeuble, la police n'a relevé aucune dégradation après leur passage. En l'absence de plainte et de blessés, ils ont été raccompagnés au domicile de l'un d'entre eux et remis à leurs parents… probablement sans avoir atteint leur objectif : prendre des photos.

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