Agriculture biologique, énergie renouvelable : ce village pionnier de l'écologie regarde l'avenir tout en préservant sa ruralité

"Il y a toutes sortes de bonnes raisons de revenir au pays, et nous y reviendrons, pour voir où ils en sont, ce qu'ils font de leur bocage, de leur marais, ce que devient leur village." Marchésieux, petite bourgade de la Manche, illustre les enjeux du monde rural : préserver ses racines tout en se réinventant pour relever les défis de demain.

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À Marchésieux, petite commune normande de 700 habitants située entre Saint-Lô et Perriers, Léon Ourry a profondément marqué la vie locale. Maire de 1971 à 1995 et conseiller général de Périers de 1997 à 2003, il s’est imposé comme un fervent défenseur d’une agriculture à taille humaine et d’une transition écologique respectueuse à la fois de l'Homme et de son environnement.

Pionnier de l’agriculture biologique et des énergies renouvelables, il a transformé son village en un véritable laboratoire à ciel ouvert.

Marchésieux, Marchuus pour les intimes, est devenu un terrain d'observation privilégié, attirant l'attention des médias locaux. Rémi Mauger, jeune journaliste à l’époque et aujourd’hui réalisateur, rencontrait Léon Ourry pour la première fois. 35 ans plus tard, il l'avait retrouvé pour parler du chemin parcouru et des projets à concrétiser.  

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Léon Ourry, 35 ans plus tard ©France télévisions

Aujourd’hui, de retour à Marchésieux, il signe un documentaire en deux volets intitulé "Pour faire un monde", un projet qui explore l’héritage de cet homme visionnaire et précurseur, disparu en février 2020 et l'impact de ses actions sur l’avenir du territoire des marais, de la commune et de ses habitants.

"Je suis revenu voir où ils en sont, comment ça marche à Marchuus, comment ça va la communauté agricole et les autres, la vie locale, la vie citoyenne, comment se porte cette terre de promesse."

Un laboratoire à ciel ouvert 

Léon Ourry était le fondateur de l’Adame (Association pour le Développement des Marais), un collectif regroupant 22 communes réparties sur 6 cantons et comptant 250 membres. Il avait créé cet espace de réflexion et d’action collective pour permettre à chacun de contribuer, d’apporter sa vision et de participer activement au développement de la région.

Comme il aimait le dire :

Tous les gens qui ont une idée ont une place dans l’association.

Léon Ourry

Riche d'un « bon sens paysan ouvert aux idées neuves », il était également à l’origine de l’Association des Énergies Nouvelles (Aden), où il pilotait la construction de la première chaudière collective communale. Cette installation visait à récupérer et produire localement une partie de l’énergie de la commune.

"À partir de ce qui existe déjà, il suffit de mettre des végétaux dans certaines conditions en cuve close pour qu'il y ait dégagement de méthane."

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Le petit village de Marchésieux dans la Manche ©France télévisions

Déjà 40 ans que Marchésieux se chauffe aux copeaux de bois, une solution qui représente une économie considérable pour la commune. Comme un foyer de cheminée, l'installation chauffe non seulement les écoles, avec ses classes et ses quatre appartements à l'étage, mais aussi la salle de réunion et le secrétariat de la mairie. Elle alimente également la salle des fêtes, deux logements, ainsi que d'autres qui seront raccordés à la fin des travaux, tout comme la bibliothèque médiathèque, le presbytère et le centre aéré. En tout, cela représente 5 000 mètres cubes chauffés grâce à ce système.

Fibre familiale et transmission

Michel Houssin, gendre de Léon Ourry, est un acteur clé de la Confédération paysanne, où il milite pour une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Son engagement, en faveur de l’agriculture biologique et à taille humaine, s’inscrit dans la continuité du travail de Léon Ourry, défendant des pratiques agricoles alternatives face aux dérives de l’agriculture industrielle.

Il vient de céder son exploitation, celle qui fut autrefois la ferme de Léon. Il l'a transmise, non pas à ses enfants qui ont choisi d'autres horizons, mais à un jeune éleveur.

Michel Houssin

L'émotion est palpable : la vie de la ferme continue, l'essentiel étant que la transmission soit assurée. Mais revenir là où l’on a passé la majeure partie de sa vie, où l’on a vibré au rythme des saisons, ne se fait pas sans quelques pincements de cœur et les larmes ne sont pas loin. La nouvelle génération puise dans les racines du passé, l'élevage du cochon de Bayeux, une race menacée que le nouveau propriétaire trouve hyper sympa, grogne à nouveau sur les terres de Marchésieux. 

On est passé en bio, on a transmis, on a certainement participé au fait qu'il y ait beaucoup de bio ici.

Michel Houssin

Pascal Ferret, d'une autre sensibilité syndicale, surnommé "le Président", a consacré toute sa vie à l'agriculture. À 64 ans, président des Jeunes Agriculteurs de la Manche puis de la FDSEA, il continue d'exercer son métier par passion, bien qu’il ressente les signes de la fatigue physique. 

Fermier depuis l’âge de 15 ans, il n’est pas pressé de prendre sa retraite. Mais, après des décennies de travail, il a décidé de vendre sa ferme pour profiter du temps qu’il lui reste, aux côtés de sa femme, qui a cessé son activité.

Son souhait le plus cher est de transmettre son exploitation à un jeune agriculteur. Conscient des défis financiers auxquels ces derniers peuvent être confrontés, il est prêt à accompagner, le moment venu, un repreneur compétent, sans moyens suffisants pour accéder à la propriété.

Ce sera à moi, au cédant de faire l'effort, comme le ferait un père à son fils ou à sa fille.

Pascal Ferret

Il sait que sans cet accompagnement, l’accord bancaire risque de ne pas aboutir. 

Pascal Ferret n'est jamais passé en bio. Il a l'ambition de prouver que l'on peut être agriculteur conventionnel tout en faisant aussi bien que les bios. 

Bruno Godet, autre gendre de Léon Ourry et paysan pendant plus de dix ans, a lui aussi marqué son parcours par son engagement dans le syndicalisme agricole, ce qui l’a conduit à des fonctions administratives : directeur de cabinet de la région Normandie, puis directeur de cabinet d'un ministre de l'Agriculture. 

À l’instar des couleurs des saisons, qui tissent la richesse et la diversité des paysages, ces personnalités de Merchésieux apportent chacune leur touche à la toile vivante du village, dans le respect de la terre, des racines et du travail accompli.

Revenir à Marchuu, pour Rémi Mauger, "c'est aussi revoir Gilles Martin, l'une de ses plus vieilles connaissances autochtones. ". Un passionné des Indiens depuis l'enfance et de leur culture, engagé pour de grandes causes : les petits paysans et les petits villages. 

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Gilles Martin ©France télévisions

Rémi Mauger a transmis sa ferme à son fils, qui a formé un partenariat avec un ami. Ensemble, ils poursuivent l'exploitation en agriculture biologique tout en adoptant un système de travail en alternance, afin de préserver un équilibre avec leur vie sociale.

Aujourd'hui, à Marchésieux, il y a autant de producteurs bio que de producteurs conventionnels : 14 au total, répartis en deux groupes égaux, 7 d'un côté, 7 de l'autre, avec des divergences avec des divergences notamment sur les conditions de production du maïs, la question des haies, de l'herbe et  de la plantation des arbres. 

"On ne fait pas forcément cause commune dans une commune."

À la croisée des chemins, entre héritage et renouveau

Marchésieux illustre les défis des petites bourgades rurales cherchant à raviver leur dynamisme. Les événements locaux, festifs, politiques ou économiques sont essentiels pour maintenir l’activité. La démographie, la mobilité, le soutien à l’agriculture et le développement commercial sont au cœur des préoccupations. À égale distance de plusieurs bassins d'emploi importants, Marchésieux refuse de devenir une simple cité-dortoir, peuplée d’une population fantomatique.

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Anne HEBERT a été élue maire du petit village de Marchésieux le 18/05/2020 ©France télévisions

Au quotidien, la richesse associative joue un rôle clé. Elle tisse des liens sociaux, stimule la participation citoyenne et dynamise la vie culturelle. En impliquant les habitants dans des projets communs, elle crée des espaces de rencontre et favorise la collaboration intergénérationnelle.

"L'association Famille Rurale existe depuis 51 ans à Marchésieux. Elle regroupe 150 adhérents et propose diverses activités, telles que la cantine, la Ruche pendant l'été, les camps de vacances, le club des anciens, les jeux de cartes et, plus récemment, la sophrologie."

Cependant, pour que cette dynamique perdure, il est crucial de renouveler constamment les équipes associatives. Face au vieillissement des membres, il est indispensable d'attirer de jeunes forces vives, prêtes à reprendre le flambeau, afin de garantir la vitalité et la pérennité des initiatives locales.

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La vie associative du village ©France télévisions

"Participer, s'engager, se sentir Marchuais ou Marchuaise, de naissance ou d'adoption, pour se sentir concerné(e) par ce qui se joue dans le village. L'intégration des nouveaux habitants accueillis ces dernières années passe par cette dynamique mutuelle au sein de la vie locale. Et puis, il y a ceux qui partent : pour les études, pour le travail, parce qu'ils se marient, pour voir ailleurs ; et ceux qui reviennent, nostalgiques, que ce soit pour les vacances, pour plus longtemps, ou pour ne plus repartir.  

Le petit commerce veut renaître de ses cendres

"C'était le cœur de la vie sociale, quand on sortait de l'église, tout le monde venait chez Cousin"

À Marchésieux, comme dans bien d'autres villages, le petit commerce a d'abord décliné lentement, avant que la désertification des centres-villes ne s'intensifie. Le café, véritable cœur battant du village, était l'endroit où l'on échangeait, disputait des parties de belote et papotait autour des dernières nouvelles locales, le tout pour deux francs six sous.

Dans une salle transformée en piste de danse, on se retrouvait chaque week-end pour guincher. Combien de couples se sont formés au rythme d'une valse ou d'un tango ?

"Marchésieux veut récréer des lieux pour retisser du lien, être ensemble quand l'individuel prend le dessus. "

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Se donner les moyens ©France télévisions

Dans les territoires ruraux, la boulangerie est considérée comme une activité à risque par les banques, qui hésitent à financer les reprises. Elle joue un rôle essentiel dans chaque village, en tant que lieu de rencontre et de lien social. À Marchésieux, pour garantir sa viabilité économique, la commune a décidé d'acheter le matériel, qu'elle loue ensuite au jeune repreneur, afin d'alléger ses charges. Sans cette aide, la boutique aurait fermé après le départ à la retraite de l'ancien boulanger.

À Marchésieux, on y joue

Si Marchésieux se retrouve sous les projecteurs dans le documentaire Pour faire un monde de Rémi Mauger, les habitants ont également eu l'opportunité de monter sur scène pour se raconter avec la compagnie professionnelle Les Échappées Vives, qui a accepté de co-construire un projet artistique avec eux. Une belle occasion de tisser des liens entre générations et de transmettre des mémoires.

À Marchésieux, on y joue aussi au golf, persuadés que Léon Ourry serait fier de ce projet, "lui qui faisait partie de ceux qui ne se demandaient pas simplement pourquoi, mais qui imaginaient immédiatement ce qu’on pouvait faire, prêts à prendre le risque de se dire : « Pourquoi pas ? "

Pour faire un monde, un documentaire de Rémi Mauger, une coproduction de Keren Production et France Télévisions.

► "Pour faire un monde ", un film à découvrir le jeudi 14 novembre à 23h05 dans La France en vrai sur France 3 Centre-Val de Loire. À revoir en replay sur france.tv. 

 


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