Agriculture : trois questions après l'annulation des "chartes pesticides", vue comme une "victoire" pour les ONG

Le tribunal administratif d'Orléans a annulé le 8 janvier les arrêtés préfectoraux autorisant des "chartes d'engagement" adaptant les distances de sécurité pour l'utilisation de pesticides par les agriculteurs.

C'est une lutte juridique de près d'un an qui s'est terminée ce 8 janvier. Le tribunal administratif d'Orléans a été le premier à reconnaître le bien-fondé des recours déposés par plusieurs ONG, dont l'UFC-Que Choisir, l'association Générations futures et l'Union syndicale Solidaires. Les arrêtés préfectoraux de cinq départements approuvant les "chartes d'engagement" sur l'utilisation de pesticides par les agriculteurs ont été annulés : le Cher, l'Eure-et-Loir, l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret.

Concrètement, ces arrêtés préfectoraux avaient été publiés dans le cadre de la loi EGAlim de 2018, qui impose des normes sur la distance minimale d'épandage à proximité des cours d'eau et des habitations. La largeur de ces "zones non traitées" (ZNT), qui servent de tampon entre un champ traité et, par exemple, le potager d'un voisin, est fixée par la loi, mais restait modulable par une "charte d'engagement des utilisateurs agricoles" validée par arrêté préfectoral.

Cette régulation intervient alors que les risques posés par les pesticides sur la santé restent mal connus et mal gérés. Selon une campagne de mesures réalisée par l'association Générations futures, des concentrations très élevées de pesticides se retrouvent régulièrement bien au-delà de ces ZNT, qui seraient donc inefficaces même à 70 mètres.

Pourquoi ces arrêtés posaient-ils problème ?

Deux mesures étaient particulièrement visées par les associations, comme l'explique Françoise Piliard, présidente de l'UFC-Que Choisir Orléans. "D'une part, il y a le problème des distances d'épandage des pesticides, qui ne sont pas précisées", aboutissant à un risque de nuisance pour les personnes habitant les parcelles voisines. D'autre part, "les chartes d'engagement considéraient que la présence d'un gyrophare étaient suffisantes pour informer les riverains d'un épandage de pesticides", ce qui leur a semblé insuffisant.

Dans le communiqué du tribunal administratif relayant la décision, ce dernier indique avoir en effet retenu deux griefs. Le premier "tient à la notion de zones d'habitation protégées", dont certains critères étaient contraires au droit, et le second "réside dans l'information préalable à l'utilisation des produits". Le tribunal a jugé que ces modalités d'informations étaient "imprécises" et "ne permettent donc pas d'atteindre l'objectif d'information préalable".

En outre, les associations reprochaient à la FNSEA d'avoir proposé ces chartes d'engagement sans concertation avec les riverains. Jugeant que les conditions d'une concertation n'étaient pas réunies, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé contraire à la Constitution les dispositions concernant les chartes d'engagement en mars 2021. Sans surprise, ce nouveau jugement du tribunal administratif d'Orléans est "très satisfaisant" aux yeux des ONG.

Qu'en dit la FNSEA ?

Du côté de la FNSEA, après ce camouflet, on accuse le coup. "Cela va poser des difficultés pour certains professionnels, en particulier ceux qui travaillent sur des cultures pérennes comme les vignerons, les arboriculteurs", énumère Arnaud Lespagnol, président de la FNSEA du Centre-Val de Loire. "Lorsqu'on plantait des vignes il y a un certain nombre d'années, sur toute la surface, les distances prévues n'étaient pas les mêmes."

Ces chartes, selon le président du syndicat des patrons agricoles permettaient de reconnaître l'utilisation "d'outils de limitation des dérives", qui réduisent la dispersion de pesticides et donc de réduire ces distances de sécurité. Elles devaient aussi permettre "d'éviter les nuisances" en autorisant l'usage de pesticides plus près des habitations vacantes une partie de l'année ou des terrains "très étendus".

Sur ce point, le tribunal administratif a jugé que les préfectures ont commis "des erreurs de droit" en estimant que "le caractère irrégulier ou discontinu de l'occupation d'un bâtiment", et "les notions, incertaines et sujettes à interprétation de 'très grande propriété' et de 'lieu très étendu" ne pouvaient pas être des conditions autorisant les agriculteurs à épandre des produits phytosanitaires plus près de leurs voisins.

Et maintenant ?

La FNSEA et l'UFC-Que Choisir peuvent au moins s'accorder sur un point : la balle est maintenant dans le camp de l'État, par la voix des préfets. Alors que 80 départements ont adopté les chartes d'engagement, la décision du tribunal administratif d'Orléans a toutes les chances de créer un précédent et d'amener à des annulations en cascade. 

"Les départements vont devoir mettre au point de nouveaux textes, qui soient plus légaux", juge Françoise Piliard. L'UFC-Que Choisir promet de rester "très vigilante" après cette première victoire. Du côté des pro- comme des anti-, la bataille des pesticides est pourtant loin d'être terminée, et se joue à l'échelle du continent. Le 22 novembre dernier, le Parlement européen a créé la surprise en rejetant un texte prévoyant une baisse de 50% de l'usage des produits phytosanitaires d'ici à 2030.

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