70 écrivaines étaient réunies pour cette première session du Parlement des écrivaines francophones, une première historique qui s'est tenue ce 26 septembre à la mairie d'Orléans.
"Mesdames et mesdames… nous sommes en majorité, on ne va pas se bouder le plaisir !" a ouvert Fawzia Zouari sous les rires de l'Assemblée. Ce 26 septembre se tenait une première mondiale dans la salle du conseil municipal de la mairie d'Orléans : la session d'ouverture du parlement des écrivaines francophones.C'est cette écrivaine et journaliste tunisienne qui a lancé cette initiative, avec l'aide de la mairie d'Orléans, dès 2016. C'est d'ailleurs Olivier Carré qui a ouvert cette session, avant de s'éclipser très diplomatiquement : "La femme au combat est universelle".
Le français, ce fer de lance
Pour le combat, les 70 écrivaines présentes ont choisi la langue française. Une langue qui ne va pas sans son lot de merveilles mais aussi des fardeaux.
"La langue française nous unit. Parce que c’est notre langue d’écriture, de confidence, de combat. Pourtant, combien de pays, combien d’itinéraires, combien de styles, combien de causes exprimons-nous dans cette langue ? Nous en avons fait notre langue. Nous y avons donné à voir notre corps nu, et notre âme, c’est plus important encore. (...) Nous voulons faire du français notre enfant légitime. (…) En insistant pour que le chant français, la langue française, garde ses notes révolutionnaires et le refrain de ses grandes valeurs." a déclaré Fawzia Zouari à l'ouverture des débats.
Pour combattre quoi ? Les maux du monde, puisque c'est le but de ce parlement : faire entendre la voix des femmes sur les affaires du monde. "Bataille pour les femmes d’abord, contre toutes les guerres déclarées ou souterraines, à visage voilé ou découvert, donc elles sont la cible" a commencé l'auteure de Ce pays dont je meurs. Et de citer le harcèlement, les violences, l'obsession pour le contrôle du corps des femmes.
Mais bien évidemment, dans cette hémicycle où la littérature a valu à certaines l'exil, "bataille contre les ennemis de la culture, ceux qui haïssent les écrivains, les artistes, ceux qui à travers la politique ou la religion tentent de les réduire au silence."
Langue domptée
Si cette langue aujourd'hui les rassemble, la nuance entre Français et francophone raconte l'histoire d'une langue qu'il a fallu s'approprier, parfois sous le vent. Un combat intérieur cette fois.
"J'ai reçu la langue française en héritage, dans ce trousseau de naissance" entame l'écrivaine sénégalaise Nafissatou Dia Diouf. Elle parle chez elle wolof, ou encore bambara, mais entends aussi "quelques mots à consonnance différente, qui sonnaient doux à mon oreille : bonbon, papillon, ciel."
Le français, selon ses mots, elle l'a "dompté" et a appris à l'aimer. Pour connaître, bien plus tard, la charge coloniale de cette langue, associée à la "souffrance de ces ancêtres".
"Quel que soit son point d’ancrage, écrire en français pour un non originaire de l’hexagone est un acte en soi" déclare Nafissatou Dia Diouf. Elle en veut pour preuve ces écrivains encore parfois l'objet de suspicion et de rejet quand ils choisissent d'écrire et de publier en français sur leur terre natale. Une "tension particulièrement palpable chez les auteurs d'Afrique du Nord" qui emploient "la langue de l'ancien colonisateur."
Pour l'auteure, pourtant, la coexistence du français et des autres langues est souvent féconde, "heureuse", même et surtout "permet au français de s’enrichir d’expressions puisées dans un autre imaginaire."
"La langue française ouvre la porte à un univers pluriel et devient plus qu’un passeur d’idées : un passeur de culture, de dialogue interculturel."
Ces 70 écrivaines veulent être, vont être ce passeur-là. Au nom des mots de Fawzia Zouari : "Chaque femme consciente et libre qui s’exprime est une voix de plus au profit de la tolérance et de la réconciliation. Chaque femme qui fait tomber un tabou ouvre un chemin vers la liberté. Chaque femme qui traverse une frontière renouvelle la parole sur l’altérité, légitime, de l’étranger."