Aux urgences de l'hôpital d'Orléans, le protocole de la dernière chance pour sauver le service

Après quatre semaines de marche ralentie, les urgences du CHRO entrevoient peut-être une sortie de crise, grâce à des réorganisations impératives. Mais la discorde n'est jamais très loin.

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Le bout du tunnel, enfin... ou peut-être pas encore tout à fait. Depuis maintenant quatre semaines, les urgences du centre hospitalier régional d'Orléans (CHRO) fonctionnent au strict minimum : seules les urgences vitales sont acceptées, après un tri opéré par le 15. En cause, la quasi-totalité des personnels paramédicaux du service se sont mis en arrêt de travail pour souffrance au travail le 28 mars.

Une semaine plus tard, les médecins urgentistes se sont mis en grève, en soutien à leurs collègues infirmiers et aides-soignants. Depuis, tous les problème de l'hôpital d'Orléans sont remontés à la surface : manque de lits par incapacité à recruter une centaine d'infirmières supplémentaires, problèmes d'organisation, quantité de travail indue pour les personnels et indignité dans le traitement des patients, pouvant rester sur un brancard pendant quatre jours dans les couloirs des urgences.

"Pas une baguette magique"

Pour faire face à la crise -tout autant les arrêts maladie que les difficultés chroniques du service- la direction a signé un protocole avec le chef du service des urgences et les médecins du conseil d'administration. Comme le défend Olivier Boyer le directeur de l'établissement : 

Ce n'est pas une baguette magique, mais c'est un amoncèlement de petites solutions qui peuvent vraiment améliorer les choses.

Olivier Boyer, directeur du CHRO

Le protocole contient un "engagement" de la part de la direction : qu'il n'y ait pas plus d'un patient par box de soin dans les urgences, soit 46. Le texte prévoit une série de mesures pour permettre, dès lors, d'accélérer la montée des patients examinés par les urgentistes vers les étages de l'hôpital. Tâche peu aisée avec un manque de lits incompressible tant que des recrutements d'infirmières ne peuvent pas être concrétisés.

La stratégie du protocole, c'est donc de trouver dès que possible un lit à droite et un lit à gauche. Pour ce faire, la cellule de gestion des lits devrait être ouverte plus longtemps le soir, jusqu'à 22h, et une équipe d'ambulanciers sera active le soir pour raccompagner chez eux des patients sortant des services des étages. Ce que "les services d'ambulances privées ne font pas à partir d'une certaine heure", explique Olivier Boyer. 

Le directeur mise notamment sur la solidarité des soignants des étages. Comme le réclamait le médecin urgentiste Matthieu Lacroix, pour qui il faut "une nouvelle organisation de l'hôpital". Il le sait, "ça va augmenter un peu la charge de travail des étages, et on sait qu'ils sont aussi en souffrance, on ne veut pas s'opposer à eux". Seulement, la crise actuelle doit "être le problème de tout l'hôpital et plus seulement des urgences".

Mais pour Olivier Boyer, la réorganisation interne est un bras armé, mais ne peut pas être le seul. Le protocole prévoit donc de continuer à s'appuyer sur le Samu pour mieux orienter les patients et diminuer le nombre de personnes se présentant aux urgences. Le directeur espère aussi la mise en place d'un service d'accès aux soins, en concertation avec les médecins de ville et le Samu (qui a accepté l'idée) pour permettre à tout quidam de trouver un rendez-vous médical d'urgences, sans passer par, justement, les urgences.

Vers un retour à la normale ?

Reste que, selon les syndicats, le protocole ne fait pas que des heureux. Notamment "les médecins des services, qui sont très concernés, mais qui n'ont pas été consultés", soutient Grégory Quinet, délégué syndical Sud au CHRO. Difficile, donc, de s'attendre à un retour à la normale rapide, même si Olivier Boyer "espère un retour des infirmières sur la base de ce protocole". 

Seulement, les syndicats accusent le directeur de déni de la souffrance des soignants arrêtés. Car l'hôpital a diligenté une expertise, pour étudier les demandes des arrêtés de faire qualifier leur mal-être en maladie professionnelle. "Cette expertise, c'est encadré par la loi, ça ne dépend pas de l'employeur, il n'y a pas de déni de ma part", se défend Olivier Boyer. Pour Grégory Quinet en revanche, c'est "de l'interprétation des textes, la jurisprudence dit que ce n'est pas obligatoire". Pour lui, "c'est ne pas reconnaître la souffrance, alors que le directeur se targue de comprendre les hospitaliers". 

Des désaccords profonds entre employés et employeur, qui ont poussé les syndicats à saisir leurs représentants. Grégory Quinet a notamment interpellé le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, qui a directement contacté le ministre de la Santé. "J'ai eu Olivier Véran au téléphone deux fois ce week-end, je lui ai dit que la situation était sans précédent, raconte le sénateur. Je lui ai demandé que le ministère intervienne et nomme un médiateur." En réponse, le ministre lui aurait répondu qu'il conditionnerait sa réaction à la réussite ou non du protocole signé. "Pour nous, il faut de toute façon un médiateur, parce que le protocole n'a pas rassemblé tout le monde", assène de son côté Grégory Quinet.

Tous, du moins, s'accordent sur la seule solution à long terme : retrouver des médecins et des infirmières. "C'est pour ça que transformer le CHRO en CHU et avoir une faculté de médecine à Orléans est une très bonne nouvelle", se réjouit Jean-Pierre Sueur. De son côté, le président PS de la région François Bonneau met en avant l'augmentation du nombre d'infirmières formées dans le Loiret, décidé par le conseil régional il y a quelques semaines. "Il y a des recrutements d'urgence à opérer, et pour ça, il faut plus de formations", soutient-il. Mais, pas d'illusion. Les infirmières supplémentaires n'arriveront que d'ici trois ans, et les premiers médecins made in Orléans... d'ici une dizaine d'années. Patience.

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