Aux urgences de l'hôpital d'Orléans, "un patient peut rester 4 jours sur un brancard sans voir la lumière du jour"

Une semaine après le déclenchement du plan blanc au CHRO et l'arrêt de 90% des effectifs paramédicaux des urgences, les médecins du service ont décidé de déposer un préavis de grève pour ce jeudi 7 avril. Il dénoncent des conditions de soin indignes et une surcharge de travail.

"La situation n'a jamais été optimale, mais elle se dégrade d'année en année", et même "de mois en mois". Voilà le constat que dresse Matthieu Delacroix, praticien hospitalier au CHRO d'Orléans, notamment aux urgences.

Depuis une semaine, l'hôpital a déclenché son plan blanc face à la situation critique des urgences. Critique à court terme, 90% des personnels paramédicaux étant partis en arrêt maladie. Critique à long terme, parce que les personnels paramédicaux sont en arrêt pour épuisement, et que les solutions ne semblent pas se trouver sur la table.

Cet épuisement est causé par une surcharge de travail chronique depuis des mois, et par l'impression de ne plus pouvoir exercer leur métier correctement, dans le respect de la dignité des patients. Pour les soutenir, les médecins du service ont décidé de déposer un préavis de grève au 7 avril, par le biais du syndicat Sud.

Quatre jours sur un brancard

Car, selon Matthieu Lacroix, "ce qui est devenu inacceptable il y a dix ans est devenu quotidien aujourd'hui". Comme le fait de passer "trois ou quatre jours sur un brancard sans voir la lumière du jour", le tout dans des conditions pouvant "aggraver la condition clinique des patients" : 

Il est inacceptable que des malades graves, des handicapés, des déments doivent attendre des jours sur un brancard avec des gens qui crient, avoir de la lumière en permanence au-dessus de leur tête, avoir leur toilette faite devant tout le monde dans les couloirs derrière un paravent, uriner sur le brancard, manger de la nourriture dégueulasse...

Matthieu Lacroix, praticien hospitalier aux urgences et au Smur

En effet, il manque près de 100 infirmières au CHRO, ce qui a entraîné de nombreuses fermetures de lits. Conséquence : avec une capacité d'accueil amoindrie dans les services, les patients stagnent aux urgences, en attente d'une place. Avec forcément une surcharge de travail pour les équipes : les médecins doivent, avant même de voir les nouveaux arrivants, faire le tour des patients ayant passé la nuit dans les couloirs des urgences. "Parfois, on termine à 15h, pendant ce temps des nouvelles personnes sont arrivées, et on rattrape notre retard qu'au milieu de la nuit."

Attendre septembre

Pour pallier l'absence des paramédicaux, l'hôpital a dépêché des infirmières des autres services et des intérimaires pour, malgré tout, faire tourner les urgences. Paradoxalement, le service est plutôt calme ce mardi 5 avril, et pour cause : les entrées ne se font plus que par le Samu, qui trie de façon très stricte les cas au téléphone. Pour les autres, "on essaie de réorienter vers Oréliance, SOS médecins, la clinique de l'Archette ou les médecins de ville", explique Matthieu Lacroix.

Comme le constate avec ironie le praticien, "il n'y a jamais eu autant de réunions de crise à la direction que depuis l'arrêt des infirmières", alors que les soignants "alertent depuis des années". Notamment sur le manque de formation d'infirmières dans le département du Loiret.

Contactée ce mardi, la direction de l'hôpital n'a pas fait suite aux demandes de France 3, mais affirmait, la semaine dernière, que le problème ne pourrait être résolu que par l'arrivée à l'hôpital de la prochaine promotion d'infirmières. Soit en septembre.

Une réponse dont les soignants ne peuvent "pas se contenter". Pour Matthieu Lacroix, il faut "une nouvelle organisation de l'hôpital", notamment une solidarité des étages du dessus avec les urgences en augmentant de quelques lits les capacités des services ouverts. Il le sait, "ça va augmenter un peu la charge de travail des étages, et on sait qu'ils sont aussi en souffrance, on ne veut pas s'opposer à eux". Mais la crise actuelle doit "être le problème de tout l'hôpital et plus seulement des urgences".

Prise de conscience

Et comme panel de requêtes, le médecin demande notamment "que, tous les jours, des lits soient réservés aux patients qui arrivent des urgences", et qu'une prise en charge dans les services soit faite obligatoirement quand un patient a passé 24h sur un brancard aux urgences. De plus, il espère la création d'une cellule de gestion des lits, pour décharger les soignants "d'une tâche logistique qui n'a rien de médical". De façon plus générale, il pense que la survie de l'hôpital public viendra d'une "prise de conscience des politiques et de la population". 

Ce matin, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire s'est tenu à l'hôpital. Les syndicats en ont profité pour réclamer la venue d'un cabinet d'expertise, qui "va venir consulter au niveau des urgences et voir tout ce qui ne va pas, et nous rendre un rapport pour voir où on peut s'améliorer", détaille Cédric Montagne, secrétaire général CGT au CHRO. Autant dire qu'une sortie de crise et une amélioration des conditions de travail et de soins aux urgences orléanaise ne se profilent pas encore à l'horizon.

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