Des médecins et personnels des urgences du centre hospitalier d'Orléans montent au créneau pour dénoncer publiquement la situation critique de leur service qui, selon eux, vient altérer considérablement la qualité des soins apportés.
Sur le parking des urgences du centre hospitalier d'Orléans (CHRO), à la Source, les voitures alignées en nombre trahissent déjà une affluence importante. Frédéric Mailly, routier de profession, ressort la mine basse. Depuis trois jours, sa jambe est purulente, ni nettoyée ni calmée. Il arrive de Pithiviers, où son médecin n'a pas pu le prendre en charge. Pareil à l'hôpital local.
Il a donc décidé d'aller directement aux urgences. "Hier soir, ils ont pris une photo et l'ont montrée au docteur, qui a dit qu'il fallait aller aux urgences dermatologiques", raconte-t-il. Le lendemain, il revient sur place "à 9h30 et on me refuse, il n'y a pas de place". "Si ça s'empire, je fais quoi ?", s'inquiète-t-il.
Difficile de savoir à quel moment la situation est devenue aussi critique. Quoi qu'il en soit, des soignants des urgences ont choisi de rompre le silence par voie de presse, en livrant de nombreux témoignages à La République du Centre cette semaine.
9 heures d'attente sous les néons
Sur les 38 médecins du service, deux font le choix de donner l'alerte sans autorisation de l'hôpital, anonymement, et témoignent auprès de France 3 Centre-Val de Loire. À en croire l'un, l'attente "avant de voir un médecin et d'être pris en charge correctement" peut "aller de 2 à 6 heures, parfois 9".
Car, faute de lits dans les services et par manque criant de personnels, 200 chambres vides ponctuent les étages du CHRO, dont 135 ont fermé rien que depuis le début de la crise sanitaire il y a bientôt deux ans. Pourtant, un rapport de la Chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire daté d'octobre 2020, qui a évalué les finances du CHRO entre 2011 et 2019, jugeait l'établissement "surdimensionné". L'instance invitait donc l'hôpital... à baisser ses dépenses.
Les conséquences de ce manque de lits sont potentiellement dramatiques. "Un retard de 9h dans la prise en charge d'une appendicite, ça peut être délétère", explique un docteur :
Au lieu d'avoir une appendicite simple, on peut avoir une péritonite.
Un médecin urgentiste du CHRO
"Est-ce qu'on va avoir un décès évitable ?"
Les personnels du service racontent que, un matin, 54 patients de la nuit sont restés coincés en attente d'une hospitalisation, un cas grave finissant par se faire emmener par les pompiers. "Une personne âgée qui va être sur un brancard ne va pas dormir, va avoir la lumière au dessus d'elle pendant 24 ou 48h, elle ne sait pas quelle heure elle est, elle n'a pas de contact avec sa famille, liste un médecin. Tous les besoins essentiels d'un être humain peuvent être remis en question à cet endroit."
Depuis trois semaines, le syndicat Sud a déclenché une alerte, restée sans réponse de la direction selon Grégory Quinet, secrétaire départemental Sud-Santé. "On envoie des mails en sollicitant la protection civile pour avoir de l'aide, ou la réserve sanitaire", regrette-t-il, fustigeant le manque d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Alors pour les personnels soignants, ne restent que "des angoisses terribles". "Quand on part en garde, on se dit : "Est-ce qu'on va avoir un décès évitable, ou une conséquence au long court ?" comme une paralysie pour un AVC qu'on rate, des séquelles à vie..." Pourtant, ces médecins insistent : en cas d'urgence, il faut venir quand même. Rien n'est pire que de laisser filer.
Contactée, la direction n'a pas souhaité recevoir l'équipe télévisée de France 3 Centre-Val de Loire.