Cancer du sein, scarifications, accidents, opérations : lorsque le corps laisse des traces, le tatouage thérapeutique vient embellir les blessures

Le Orleans Tattoo Show lance sa deuxième édition ce vendredi 15 mars 2024. Pendant ces 3 jours de convention, plus de 400 tatoueurs ont fait le déplacement. Claire et Noémie sont spécialisées dans le tatouage sur cicatrices. Elles racontent.

C'est en se baladant parmi les stands que mon regard se tourne sur celui de L'Art Encré. Un grand kakemono avec des images de corps avant et après tatouage m'interroge. Ces corps portent des cicatrices sur la poitrine, le bras ou le ventre. Ce sont principalement des corps de femmes. En grosses lettres se dressent derrière elle "L'art Encré, Claire Wicktorowska, tatoueuse et dessinatrice passionnée par la nature". Sa fille, seule au stand, me dit que Claire est partie poser un stencil sur sa patiente du jour. (Le "stencil tatouage" permet de déposer le dessin choisi sur la peau. Le tatoueur repasse alors sur les traits. Il est composé d'un papier carbone et d'une feuille de soie.)

Des patientes plutôt que des clientes

Claire revient avec Catherine. Sa patiente a subi l'ablation de son sein droit. Aujourd'hui, elle décide de faire recouvrir sa cicatrise par un ensemble floral. Il faudra six heures de patience et de travail pour en venir à bout. 

Certes, je ne suis pas médecin mais ce ne sont pas des clientes classiques.

Claire Wickorsoka de @lart_encre

Cela fait six ans que Claire est devenue tatoueuse thérapeutique. Elle exerce notamment dans une association "Les Roses de Jeanne" à Gien. Celle-ci lutte contre le cancer et œuvre pour le bien-être des patients. Parmi les différents soins proposé (atelier bien-être, séance d’escrime adaptée, groupes d’échanges) on retrouve l'art-thérapie. "C'est gratifiant d'aider les gens, c'est quelque chose qui me parle profondément. J'ai toujours dessiné, je suis styliste à la base. Lorsque des tatoueurs ont commencé à me commander des dessins, je me suis dit : pourquoi pas apprendre et être opérationnel du début à la fin ?" 

"On passe à autre chose grâce au tatouage"

Le tatouage thérapeutique permet de cacher une cicatrice. En aucun cas elle vient la retirer. Les motifs tentent d'oublier la cicatrice et permettent de se réapproprier son corps autrement. Mais c'est un exercice compliqué. Les peaux sont abimées et les tissus cicatriciels difficiles à gérer. Le tatouage thérapeutique nécessite un protocole particulier avant de pouvoir être proposés. Il faut un arrêt total de la chimiothérapie et de la radiothérapie depuis un an minimum. Et des cicatrices roses ou blanches, non adhérentes et datant d’au moins deux ans.

Avant de se lancer dans le projet, il faut une séance d'échange afin de comprendre l'état d'esprit de la patiente. On tient compte de la cicatrice, mais aussi des envies de chacune. Le dessin n’est évidemment pas imposé et est unique.

Je laisse alors Claire travailler et découvre le stand de Noémie, juste en face.

Des plaies du corps et de l'âme

Elle vient de Rouen et fait partie de l'association "Sœurs d'Encre". Une association qui promeut le "tatouage artistique de reconstruction après un cancer du sein" et le "tatouage thérapeutique sur cicatrices et brûlures".

Mais les principales clientes de Noémie sont de jeunes femmes voulant recouvrir des cicatrices de scarification. "Ces jeunes femmes ont vécu des périodes très difficiles entre 12 et 18 ans. Elles ne veulent pas forcément oublier. Apposer un dessin positif, coloré ou un message d'un vecteur de bonheur, ça donne une toute autre dimension à la cicatrice".

Les cicatrices sont souvent sur les bras, des parties dénudées qui deviennent honteuses avec le temps.

Noémie Alazard de @noemiealazardtatouage

Cela fait 11 ans que Noémie est tatoueuse. Elle a conscience que porter une de ses créations, sur sa peau, à vie, est valorisant, mais va plus loin que ça. Parce qu'on se rappellera du moment, du lieu, de tout ce qui s'est passé durant ces heures de tatouages. Elle s'évertue à ce que ce souvenir soit joyeux même si la raison l'est moins. 

"Je ne force pas les gens à me raconter. J'ai appris à prendre du recul, je ne suis pas thérapeute. Il m'arrive encore d'être affectée par ce qu'on me confie, mais j'essaye de me protéger de ça. Mais c'est important d'être une oreille attentive, surtout lors de ce genre de séance."

Aujourd'hui, le tatouage thérapeutique lié au cancer du sein est reconnu dans le milieu médical. "Sœurs d'Encre" est la première, mais également la seule association de tatouage, à travailler en collaboration avec la CPAM de Gironde. À quand celle de la région Centre-Val de Loire ?

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