Selon une enquête de la série documentaire "Vert de rage", au moins 12% des écoles de la région contiendraient encore de l'amiante. Et ce malgré l'interdiction depuis 1997 d'utiliser ce matériaux naturel mais cancérigène dans les nouvelles constructions.
C'est un documentaire édifiant. Les journalistes du magazine Vert de Rage révèlent ce lundi 12 juin l'ampleur d'un phénomène invisible : la présence d'amiante, en parfois grande quantité, dans les écoles françaises. Alors même que le matériau est interdit dans le secteur de la construction depuis 1997.
Les équipes de la série documentaire ont compilé des données, déjà collectées en 2016 par l'ONS (observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement), et les ont remises à jour. Elles ont aussi contacté toutes les écoles ou mairies non recensées, pour compléter un tableau le plus exhaustivement possible.
264 écoles en Centre-Val de Loire
En tout, Vert de Rage a pu obtenir des informations sur 38% des écoles de France, soit 19 331 écoles. Parmi celles-ci, 5 507 contiennent des matériaux amiantées (28,4%), soit plus d'un établissement sur quatre. 4 768 ne présentent pas d'amiante, 3 752 l'ignorent, et 4 381 ont refusé de répondre à l'enquête. Par ailleurs, de nombreuses écoles, bien que construites avant 1997, ne disposent pas de diagnostic technique amiante, pourtant obligatoire.
Autant dire que le chiffre de 28,4% d'écoles concernées est certainement sous-estimé, puisqu'il "est bien plus facile pour un établissement construit après 1997 ou ne contenant pas d'amiante de nous répondre", notent les deux journalistes Martin Boudot et Mathilde Cusin, auteurs de l'enquête.
En Centre-Val de Loire, au moins 264 écoles contiendraient de l'amiante, soit un tiers des établissements dont les informations sont connues, et 12% des écoles de la région au total. Et seules 12 l'ont reconnu auprès de Vert de Rage. Les autres expliquant ne pas vouloir répondre, ou ne répondant simplement pas aux demandes des journalistes.
Travaux à Orléans
À Orléans, 45 écoles contiennent encore de l'amiante, selon un bilan dressé par la mairie. Selon Sandrine Ménivard, adjointe au maire en charge du patrimoine, 21 diagnostics ont été réalisés en 2007, avec la conclusion qu'un contrôle périodique était suffisant. Ils doivent être renouvelés en 2024. Pour les 24 autres, les DTA ont été dressés entre 2020 et 2021, concluant que douze écoles devaient faire l'objet d'interventions.
C'est notamment le cas de l'école André-Dessaux, dont la toiture sera refaite complètement sur les deux dernières semaines de juillet. "On va déposer la toiture, enlever l'isolation et refaire l'électricité, avec un désamiantage total", précise Sandrine Ménivard. Budget : 106 000 euros, dont un tiers rien que pour le désamiantage. Pour l'instant, l'amiante du toit ne représentait pas de danger immédiat. Mais sa dégradation pouvait, à terme, faire passer dans l'air des éléments volatils.
Pas encore de risque, donc, mais la mairie s'est gardée de prévenir les parents de la teneur des travaux réalisés. "J'aurais aimé le savoir, j'aurais eu d'avantage confiance dans l'action des pouvoirs publics", assène un père. "Ma compagne a travaillé dans l'amiante, tant qu'il n'y a pas de poussière, il n'y a aucun danger", tempère un autre.
Pour Martine Rico, responsable du comité régional de la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves) Centre-Val de Loire, "tout le monde a peur d'aborder le sujet", si bien que les collectivités "commencent des travaux sans rien dire". Pour elle, "il faut une grande transparence, en mettant les interlocuteurs autour de la table".
Cancérigène et interdit
L'amiante est classé comme cancérigène par l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) et le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), ses microscopiques fibres pouvant être inhalées profondément dans les poumons. Un cancer dû à l'amiante peut toucher la plèvre (la membrane qui enveloppe les poumons) ou les poumons directement. Selon le ministère de la Santé, 10 à 15% des 40 000 cancers du poumon recensés chaque année en France sont causés par une exposition à l'amiante. D'après l'Anses, l'amiante peut aussi causer des cancers du larynx et de l'ovaire.
Et ses effets sont très longs à se déclarer :
Des parents et des enseignants disent parfois : "Oh c'est pas si grave, il faut arrêter." Ben si. C'est pas comme un accident où on repartirait tout de suite avec l’ambulance qui vient vous chercher. C’est dans 30 ans qu’on saura. Et ça ne concerne pas que les travailleurs au contact de l'amiante. Il y a des personnes dans des bureaux qui n’ont jamais touché de l’amiante et qui meurent du cancer de l’amiante, parce qu’elles l’ont respiré par la ventilation, l’aération…
Martine Rico, responsable régionale FCPE Centre-Val de Loire
Mais la présence d'amiante dans un bâtiment n'est pas forcément dangereuse. S'il se trouve derrière un mur de classe d'école, il présente un danger si le mur se dégrade, ou est percé. Ce qui peut arriver si un professeur souhaite afficher ou encadrer quelque chose dans la salle de classe. Si bien que les travaux de sécurisation peuvent consister en un désamiantage complet, ou en un "simple" encapsulage. Soit le fait de rendre les matériaux amiantés parfaitement étanches, pour empêcher le rejet de toute fibre d'amiante.
L'amiante est interdit en France depuis 1997 pour toutes les nouvelles constructions. Il a cependant été, pendant des décennies, massivement utilisé pour ses propriétés d'isolation thermique et phonique, et de protection contre les incendies. Depuis, les propriétaires sont rendus responsables de repérer une potentielle présence d'amiante, et, si nécessaire, de surveiller et d'éradiquer les situations à risque. Dans les établissements scolaires construits avant 1997, il est obligatoire d'établir un diagnostic amiante. Les personnels et parents d'élèves sont d'ailleurs en droit de le réclamer.
Avec Amélie Rigodanzo.