Covid-19 : dans les coulisses de l'Agence régionale de santé du Centre-Val de Loire à Orléans

Depuis le mois de juin, plusieurs élus, dont le député LREM de l'Indre François Jolivet, ont appelé à la suppression des Agences régionales de santé (ARS). Mais comment fonctionnent réellement ces organismes mal connus du grand public ?

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Avant la crise du covid-19, le sigle "ARS" était synonyme, pour le grand public, de suppressions de lits aux urgences, de gestes à adopter face à la grippe ou à la gastro, et quelquefois de maladies plus rares mais étroitement surveillées comme la légionellose ou la méningite. Depuis, l'ARS est aussi l'institution chargée de surveiller et de tracer l'évolution de l'épidémié à l'échelle régionale, en plus de ses missions habituelles.

Le traçage du covid-19, une "course contre la montre"

À Orléans, l'Agence régionale de santé du Centre-Val de Loire occupe un immeuble de la bordure ouest de la cité administrative Coligny, entre la Direction régionale des finances publiques et les bureaux de l'Insee. Tous les jours, à 11h, une réunion de crise fait le point sur les cas préoccupants et les éventuels clusters. Ce matin, c'est la docteure Françoise Dumay, directrice de la santé publique et environnementale à l'ARS, qui mène la danse.

"Aujourd'hui, nous sommes centrés sur le contact-tracing, en plus de nos activités de surveillance habituelles", explique-t-elle. Le "contact-tracing", c'est le processus d'identification et de suivi de ces fameux "cas-contact", sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Lorsqu'un cluster apparaît dans un Ehpad ou un centre hospitalier, il revient également à l'ARS de fournir des recommandations concernant l'organisation des soins et les visites par exemple, afin d'éviter que le foyer ne s'étende. Une tâche médicale et administrative immense, mais "l'ensemble des mesures qui sont prises, nous l'espérons, sont respectées pour limiter les situations où la transmission peut se faire".
Actuellement, il existe trois niveaux de traçage de ces cas de covid. Les cas isolés et familiaux sont suivis par le médecin traitant, un deuxième niveau, géré cette fois par l'Assurance maladie, suit les cas-contact extra-familiaux. Enfin, dès qu'il y a plus de trois cas dans une entreprise, une institution ou un établissement scolaire, on parle de "cluster", ou foyer de contamination. Si cela a été le cas dans votre entourage, il est probable qu'une infirmière de l'ARS vous ai appelé pour vous demander de vous faire dépister au plus vite.

L'ARS, une structure "technocratique" ?

Cette voix au bout du fil, elle peut être celle de Céline Martrou, infirmière à l'ARS. Chaque jour elle fait partie des personnes qui organisent le suivi de ces cas-contact, un "travail de fourmi". "C'est une course contre la montre, chaque cas qui arrive doit être investigué dans les plus brefs délais", constate-t-elle entre deux coups de fil. Sa principale tâche consiste à identifier avec qui son interlocuteur a été en contact durant la période "à risque" pendant laquelle il était contagieux. "Si le patient présente des symptômes on remonte à 48 heures avant l'apparition des symptômes jusqu'à cinq jours après l'apparition de ceux-ci, sinon le contact-tracing s'effectue sur sept jours, puisqu'on n'est pas capable d'identifier la période à risque."

Outre le suivi individuel des cas, les équipes de l'ARS organisent aussi sur le terrain les campagnes de dépistage au sein des entreprises touchées, et leur fournissent des recommandations sanitaires. D'autres travaillent sur les différents scénarios de l'évolution de la crise. Enfin, l'ARS dispose dans chaque département de la région d'une antenne, pour être au plus près du terrain.

Mais cette réalité n'a pas empêché les ARS de s'attirer des critiques de la part du monde politique. Dès 2018, une enquête parlementaire rapportée par le député d'Eure-et-Loir Philippe Vigier mettait en avant des problématiques d'accès au soin, notamment en milieu rural, et proposait de remplacer les ARS par des directions départementales de la sécurité publique.

Une idée reprise au mois de juin 2020 par le député LREM de l'Indre François Jolivet, qui regrette la "verticalité" de l'institution et le "déficit de confiance" du public envers les ARS, "notamment du fait d'une gouvernance très technocratique". Pour ses détracteurs, le système des ARS a encore davantage révélé ses failles lorsque l'épidémie a éclaté. En tant qu'institution publique, l'ARS ne prend pas position sur ce type de débat. "En matière sanitaire, il n'y a pas d'autre service de l'État en région", indique néanmoins Laurent Habert, directeur-général de l'ARS. "En revanche l'ARS doit travailler, et travaille, avec d'autres partenaires sur le champs de la santé, qu'il s'agisse des conseils départementaux, des opérateurs de santé, des établissements de santé."

Quant à la gestion de l'épidémie, "une situation de crise c'est toujours complexe, immédiat, dans un contexte d'incertitude : il faut prendre des décisions, nous essayons de le faire le plus rationnellement possible". Au mois de mars, appuie le directeur-général, "la priorité c'était d'adapter l'organisation du soin dans les établissement de santé : cela a été réussi".

Désormais, les services de santé régionaux et nationaux s'attendent sérieusement à une reprise épidémique importante. En Centre-Val de Loire, l'ARS a noté une dégradation au cours de la semaine du 5 au 11 octobre, pendant laquelle le taux d'incidence a atteint le seuil d'alerte dans le Loir-et-Cher et l'Eure-et-Loir. "La reprise épidémique est une réalité", conclut Laurent Habert. "On repart sur quelque chose qui ressemble à une deuxième vague : des augmentations des hospitalisations, des admissions en réanimation en hausse. Il faut préparer les services sanitaires à recevoir, malheureusement de nouvelles hospitalisations."
 

François Jolivet : "il faut abaisser le centre de gravité de l'action publique"

En 2018, le député d'Eure-et-Loir Philippe Vigier présentait le rapport de sa commission d'enquête parlementaire sur "l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural et urbain".

Recommandant "d'agir vite et fort", le rapport contenait plusieurs propositions, dont celle retenue par François Jolivet, dans le cadre d'un amendement à la loi ASAP, de supprimer les ARS. L'amendement prévoirait le remplacement de ces dernières par des directions départementales, sous la supervision des préfets et des préfets de zone de défense.

Ce que reproche le député de l'Indre aux ARS ? En un mot : leur "éloignement", leur inefficacité . "Une politique publique ne se fait que sur la santé", insiste François Jolivet, "le corps préfectoral est le seul à avoir une vision globale du territoire". "Il faut abaisser le centre de gravité de l'action publique", l'abaisser "au niveau du terrain".

Son exemple fétiche, c'est celui de la maternité du Blanc, fermée définitivement par l'ARS en 2019 : "la maternité ferme parce que soi-disant il n'y avait pas assez de médecins, mais quand la direction en cherchait on leur disait 'vous ne pouvez pas en trouver'. On était entré dans un processus de fermeture, pour des raisons de sécurité mais sans doute aussi pour des raisons d'équilibre financier au niveau de la région Centre." Un processus "vertical", sans concertation ni démocratie.

En rapprochant l'action publique des territoires, le député espère démocratiser davantage les prises de décision, notamment dans les cas de ce type.
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