La Dr Fabienne Kochert et plusieurs associations de pédiatres ont signé une lettre ouverte, adressée à l'ARS et aux rectorats, alertant contre des protocoles sanitaires trop stricts à l'école, qui entraîneraient une surfréquentation des cabinets et des déscolarisations inutiles.
La société panique-t-elle un peu trop ? Des groupes et associations de pédiatres ont signé une lettre ouverte, notamment adressée à l'ARS et les rectorats, pour insister sur "l'importance pour les enfants de la reprise scolaire", et pour rappeler que les enfants de moins de 11 ans "sont moins contaminés par le SARS-CoV-2" que le reste de la population
La docteure Fabienne Kochert est pédiatre libérale à Orléans et présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire, signataire de la tribune. Pour elle, les protocoles de l'Education nationale sont "trop stricts". Le ministère demande ainsi aux parents de consulter un médecin dès qu'un élève présente des symptômes évocateurs de la Covid-19 avant de pouvoir retourner à l'école... ou de respecter un isolement de l'enfant pendant 14 jours.
"Dès qu'un enfant a plus de 38 de fièvre, on le refuse", confirme Alexandra Landreau, responsable de la crèche La cabanne enchantée, à Olivet dans le Loiret.
Les mêmes symptômes que d'autres maladies virales de l'enfant
Une absurdité pour Fabienne Kochert : "Un enfant qui a de la fièvre et le nez qui coule, la probabilité que ce soit la Covid est de moins de 1%." D'autant que la rentrée et l'arrivée de l'automne est propice à l'arrivée chez les enfants scolarisés de nombreuses maladies virales :Analyse partagée par Alexandra Landreau, qui confirme que "les enfants en crèche sont souvent malades, ont souvent de la température. Pour l'instant, on a appelé que trois ou quatre parents, mais en octobre on en aura un chaque jour".A la rentrée, ce sont les rhinovirus qui donnent le nez qui coule, les virus respiratoires en novembre, puis le virus de la gastro-entérite. Et puis après, ce sera la grippe de janvier. Et toutes ces maladies ont des symptômes peu spécifiques. Fièvre, mal de gorge, toux… Un enfant avec le SARS-CoV-2 ne dénoterait pas.
Il est donc important de rassurer parents, enseignants et éducateurs avant d'arriver à une surcharge des urgences pédiatriques d'ici quelques semaines. "Orléans est un peu un désert médical, donc on ne peut pas répondre à tout le monde", explique la médecin, dont certains confrères au CHRO lui ont rapporté "des salles d'attentes pleines d'enfants qui ont juste le nez qui coule, avec les distanciations sociales entre adultes accompagnants impossibles à respecter".
Et une surcharge des cabinets pour des faux cas de Covid-19 devient également un risque pour les enfants venus pour un problème sérieux, leur prise en charge étant ralentie. Fabienne Kochert affirme ainsi n'avoir eu dans son cabinet que trois cas positifs chez des enfants depuis le début de la crise sanitaire.
La déscolarisation, "une catastrophe"
La situation résulte d'une sur-réaction générale, selon Fabienne Kochert, le risque de transmission de la Covid par un enfant de moins de 11 ans étant "très faible", selon elle. "Presque tous les enfants positifs ont été contaminés dans leur cellule familiale, précise-t-elle. L'inverse en revanche - qu'ils l'aient attrapé à l'école et le transmettent à des adultes - n'est pas prouvé."Pour la pédiatre, le risque ultime est la déscolarisation de nombreux enfants, "qui ont déjà beaucoup souffert pendant le confinement".
Car le confinement a déjà accentué l'exclusion et le décrochage de nombreux élèves, la distance devenant un frein à la pédagogie. Selon l'Education nationale, 4% des élèves auraient décroché pendant le confinement, sans compter les acquis moins bien ancrés chez de nombreux autres.Tous les jours, des gens nous disent que l'école à la maison, ils n'en peuvent plus. Tous les jours.
Alors la priorité est, pour Fabienne Kochert, la scolarisation de tous les enfants. Et "l'exclusion pour un nez qui coule, c'est une catastrophe pour les enfants autistes ou qui ont des troubles de l'apprentissage".
Au nom des pédiatres de l'Association française de pédiatrie ambulatoire qu'elle préside, elle dit "se mettre à disposition de l'Education nationale pour rediscuter des mesures sanitaires, pour que les enfants puissent retourner à l'école sans protocole strict", en trouvant "un compromis entre la scolarisation et les précautions".