Documentaire. Elles travaillent de nuit : "c'est comme le sport, si tu te conditionnes tu y arrives"

Ces femmes travaillent la nuit dans différents secteurs d’activité. Leurs motivations sont différentes. Pour certaines, c’est un choix de vie, un compromis pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Pour d’autres, c’est un rythme de vie imposé, faute de mieux.

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Ce documentaire, Elles travaillent la nuit, de Guillaume Terver donne la parole à ces femmes qui exercent des professions qui exigent une continuité de l’activité. À l’hôpital, dans une tour de contrôle, en usine ou à leur compte, elles sont "de nuit". 

Quand le soleil fait place à la lune, elles travaillent sous les néons. Une ambiance nocturne, qui accueille davantage de silence et qui semble agrandir l’espace.

"Ce qui est difficile, c’est ce rythme où on est sans cesse, un coup, dans le rythme normal et un coup, dans le rythme de la nuit."

Pourquoi travaillent-elles la nuit ?

Il y a souvent le côté financier qui pèse dans la balance. Travailler la nuit est censé être mieux rémunéré. Et puis, il est possible de faire l’économie des frais de garde des enfants, de la cantine…

Une véritable aubaine ! Pas si sûr, car il y a toujours un prix à payer. Et ce prix-là, s’il ne se paie pas en numéraire, s’échange en heures de sommeil. Accompagner l’aîné, à son cours de sport ou de musique, prendre un rendez-vous chez le médecin pour le petit dernier... Une gestion de l’agenda familial qui grignote les heures de repos. Ces avantages financiers, que certaines revendiquent, d’autres, les remettent en question.

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Non, travailler la nuit ne rapporte pas plus. ©France télévisions

Choisir le travail de nuit pour gagner en liberté et en autonomie. "Niveau travail, la nuit, c'est beaucoup moins stressant parce qu'on n'a pas les grosses têtes au-dessus en train de nous surveiller. La journée, quand on est du matin, c'est bien jusqu'à une certaine heure. Après, il y a tout le monde qui débarque, on vous en demande un peu plus."

Se mettre en retrait de la vague du travail de jour. Une sorte de pas de côté, un autre espace-temps, un ailleurs ici même. Une bonne raison pour y trouver son compte. Une infirmière témoigne de la proximité et des rapports privilégiés, qu’elle peut s’accorder pendant ses heures de nuit.

Parce que le travail de nuit m'apporte encore cette possibilité d'être avec le patient, et non pas d'être le courant d'air qui passe vite dans la chambre déposer le traitement. J'ai encore cette possibilité de m'asseoir au bord du lit du patient et de discuter avec lui.

Une infirmière

Et puis il y a celles aussi qui n’ont pas eu d’autres choix, parce qu’il faut bien travailler ! "J’ai essayé de trouver un apprentissage, je n’ai pas trouvé. Je suis allée en usine".

À quel prix ?

Travailler de nuit, c’est vivre à contre-courant. Comment se faire des amis quand on brille par son absence lors des soirées de fête avant de disparaître tout à fait de la liste des invités. "On ne peut pas créer du lien quand on n’est pas là." La vie sociale s’amenuise et la vie familiale se complique. Une vie inversée où les conjoints se croisent et ne partagent plus le quotidien.

Une absence de l’autre qui peut créer des tensions. Un vide qu’il faut surmonter, pour que chacun ne reste pas bloqué dans sa bulle.

La santé qui n’a pas de prix est mise à rude épreuve lorsque l’on travaille de nuit. Le manque de sommeil à de lourdes conséquences. Comment récupérer quand on ne dort pas assez et que les quelques heures octroyées ne permettent pas de venir à bout de la fatigue ?

L’obscurité n’est pas complète et les bruits extérieurs s’infiltrent dans les maisons. Les enfants, même s’ils sont sages, interdisent aux mamans de dormir sur leurs deux oreilles, toujours en alerte. Cette nécessité d’être opérationnelle pour tout et pour tous, pousse la femme aux multiples casquettes à négliger ses propres besoins.

Le travail de nuit n’est pas donné à tout le monde. Ce cycle contre-nature, certaines ne l’adopteront jamais, parce qu’il est physiquement incompatible avec leurs réserves de ressources physiques.

Travailler la nuit, c'est mental, c'est comme le sport. Si tu te conditionnes, tu y arrives. Après, il y a des gens qui y arrivent et des gens qui piquent du nez vers 4 heures du matin.

Témoignage

Pour celles qui tiennent, les conséquences se gèrent au quotidien, mais elles ont, souvent, des impacts sous-jacents. Les statistiques sont glaçantes. Le travail de nuit favorise le cancer du sein. Une réalité qu’elles découvrent parfois trop tard. "On ne nous prévient pas sur les risques."

L’équilibre alimentaire est perturbé. Manger sucré, manger salé ? Les repas ne sont plus en phase avec les horaires habituels. "Il m’est arrivé de rentrer à la maison et de manger de la pizza. Ce n’est pas forcément un dîner, je prends ce qu’il y a, mais c’est plus salé que sucré parce que je vais dormir. Je ne peux pas prendre un petit-déjeuner et aller dormir." Le grignotage et les tasses de café "à tire-larigot" aident à tenir pendant la nuit. Des mauvaises habitudes et un sablier du temps à la renverse qui bousculent les corps et provoquent des nausées.

"Le travail de nuit, on le ressent, on prend une baffe, le corps, il prend une claque." Pour celles qui se déplacent en voiture, en l’absence de transports en commun en fin de nuit, les risques sont là, aussi, sur le trajet retour. La fatigue et le manque de vigilance étant des compagnons de route, bien dangereux. Lutter pour ne pas s’endormir au volant. Y arriver ou pas ! Bien sûr, il est possible de s’arrêter et de faire un somme. Mais comment faire quand les enfants attendent le retour de maman pour les préparer à partir à l’école.

Superwoman ?

Comme le dit si bien un petit garçon : "Maman, tu as mis ta cape de superwoman à l’envers." en la voyant revêtue de son tablier pour faire le ménage. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants ! "Je ne me suis pas réveillée un matin, en me disant : quand je serai salariée, je choisirai la nuit. Pas du tout. Ce n’est pas un choix. J’ai choisi de faire les nuits parce que mes enfants étaient petits. C’était compliqué de les amener à l’école. Quand j’étais de journée, je ne savais pas ce que mes enfants faisaient au niveau des devoirs. Mon mari ne s’en occupait pas. Donc, par contrainte, je me suis dit : "il faut que je change mon rythme de travail"." Être parfait en tout, est-ce possible, est-ce seulement raisonnable ? ! Certains jours, Superwoman échangerait bien son tablier contre un pyjama pour reprendre des forces.

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Témoignage de deux femmes travaillant de nuit sur leur temps de repos en journée. ©France télévisions

Elle aimerait aussi, si cela était possible, penser un peu à elle, sans se culpabiliser. Profiter de ce temps de repos, censé être libre pour flâner au clair du jour. Sortir de la spirale infernale de la course imposée. La nuit, la plupart des gens dorment et personne n’y trouve à redire. Une femme qui dort une partie de la journée, quand elle a travaillé toute la nuit, c’est souvent agaçant et mal compris.

Pour que les charges à gérer à l’intérieur de la maison s’équilibrent entre les hommes et les femmes, il y a encore du travail, de jour, comme de nuit. Néanmoins, il n’est pas interdit de penser qu’ils mettront, eux aussi, leurs capes à l’envers pour le meilleur et pour l’avenir.

► "Elles travaillent la nuit", un documentaire de Guillaume Terver, produit par Un fil à la patte et France Télévisions, à voir ce jeudi 28 septembre à 23 h 00 et à retrouver en replay sur france.tv.

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