Expérimentées depuis 2021, les maisons ATHOS accueillent les militaires blessés psychiques. L'une d'elles est installée non loin de Toulon. Ici, au calme, des hommes revenus de mission au bout du monde ou lors de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice reprennent vie.
"En juillet 2016, l'attentat de Nice. Je suis en vacances, tranquillement chez moi avec ma famille. Je reçois un appel téléphonique comme quoi, ils ont besoin de moi. 10 minutes après, je suis place Massena. Il me fallait aller au palais de la Méditerranée, c'est là-bas que commençait ma mission."
Arrivé sur le lieu de l'attentat terroriste, c'est alors le choc pour ce technicien en identification criminelle durant 38 ans dans la Gendarmerie nationale.
J'ai vu, je ne sais pas combien de corps, on ne savait pas par quoi commencer... On a fait notre travail, mais cela n'est finissait plus... On passait d'un corps à un autre sur presque trois kilomètres...
Michel, membre blessé de la maison Athos de Toulon.
Celui qui raconte cette rupture dans sa vie se souvient aussi du "vent de folie ce soir-là, et de ces conditions irréelles... Une scène de guerre."
C'est dans le documentaire si justement titré Après la guerre, de Réjane Varrod diffusé sur France 3 Provence Alpes et Côte d'Azur que Michel raconte ce qui dans sa vie a marqué un avant et un après, "je n'étais plus du tout le même après..."
C'est dans une maison dans la campagne près de Toulon que la réalisatrice l'a rencontré. Une maison Athos. En septembre 2023, la maison ATHOS de Toulon a déménagé pour s’installer dans un environnement plus proche de la nature tout en restant à proximité de Toulon, une ville militaire.
Le calme et la nature
Cette villa "La Béroudie" est située sur une propriété de 10 hectares au cœur de la nature et de reliefs montagneux.
Expérimentées depuis 2021, les maisons ATHOS reposent sur un principe fondamental : placer le militaire au centre de son parcours et de sa reconstruction. Elles accueillent les militaires blessés psychiques.
Ces maisons sont accessibles sur la base du volontariat à tous les militaires blessés psychiques, avancés dans leur parcours de soins et dans leur trajectoire vers le rétablissement, qu'ils soient encore en activité ou non. C'est donc une offre complémentaire pour permettre aux militaires blessés psychiques de se relever dans un environnement non médicalisé, combinant accompagnement psychosocial, projet de vie et reprise d'activités.
Gérée par l’Igesa (Institution de gestion sociale des armées), ce cocon de reconstruction permet une prise en charge de militaires qui de retour d'opérations vivent des syndromes post-traumatiques tels que le repli sur soi, la perte de confiance ou encore des formes dépressives diverses.
Tous les militaires présents sur cette maison souffrent de stress post-traumatique, développent ou ont développé des symptômes et se comprennent. Tout le travail que l'on mène dans cette maison, c'est de vous permettre de vous reprojeter en fait. De recréer du projet de vie.
Maximilienne Groise, directrice adjointe de la maison Athos de Toulon.
Ici, au calme, loin du tumulte de la préfecture du Var et des bruits comme les survols d'hélicoptère par exemple, chaque soldat est partie prenante d’un programme non médicalisé adapté et construit avec lui. Il vient à la villa quelques jours ou plusieurs semaines. On y cuisine, on y bricole, on y passe du temps, pour un travail sur l'estime de soi, sur la convivialité et la collaboration.
On plonge aussi en mer. Contre les traumatismes, la plongée sous-marine aurait de précieuses vertus, étudiées depuis des années par plusieurs médecins. Diminution du stress ou du rythme cardiaque, d'autres victimes d'attentats ont déjà testé cette thérapie hors norme.
"Ils sont dans un collectif qui va venir servir l'individu" précise la directrice adjointe.
"Moi, je sors de l'hôpital alors, j'ai encore peu de contact avec l'extérieur. Ici, on se sent rapidement à l'aise. C'est rassurant. Une belle découverte" raconte Ludovic un ancien infirmier de psychiatrie tandis qu'il prépare le repas en cuisine.
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391 blessés ont été pris en charge
Le but pour le personnel est de permettre aux personnes accueillies de reprendre confiance en soi, aider à se remobiliser ou accompagner vers le retour à l'emploi au sein des armées ou dans le milieu civil.
Je ne trouve pas que l'on est en reconstruction comme il est parfois dit. Je ne pense pas que cela soit le terme, car reconstruire c'est le faire à l'identique. Moi, je suis reconstruit, mais pas de la même personne. La "personne" que j'ai connue il y a 3 ans, je ne sais même pas si elle m'intéresserait maintenant...
Michel, membre de la maison.
Au 1ᵉʳ mars 2024, 391 blessés ont été pris en charge dans ces maisons Athos. Aujourd’hui, il en existe quatre maisons : à Cambes en Gironde, Auray dans le Morbihan, Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier en Savoir et Toulon.
Une cinquième sera bientôt ouverte à Villefranche-de-Lauragais, en région Occitanie. Dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, il est prévu que dix maisons voient le jour.
"Des gens qui aident des anciens militaires, je trouve que c'est très noble" reconnaît Michel, ses yeux clairs et humides rivés vers l'horizon. "Si un jour, je peux redonner ce qu'Athos m'a donné, je serai très heureux."
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>> Le documentaire sur la maison Athos est produite par France Télévisions et 10.7 productions à voir sur france.tv jusqu'au janvier 2025.
La réalisatrice Réjane Varrod signe aussi actuellement un documentaire passionnant qui donne la parole à ces mères célibataires qui élèvent seules leurs enfants.