Depuis ce lundi 20 mars, des victimes de l'attentat du 14 juillet 2016 participent à une étude organisée par des médecins du CHU de Nice. Cette expérimentation a pour objectif d'appréhender la vocation de la plongée sous-marine à soulager les symptômes du stress post-traumatique.
Plonger pour garder la tête hors de l'eau. Depuis ce lundi 20 mars, une quinzaine de victimes de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 participent à une étude clinique des effets physiologiques de la plongée sous-marine sur les troubles de stress post-traumatique (TSPT).
Ce projet est porté par l’association de médecins "Dive4Nice" du CHU de Nice. Le docteur Carl Willem, médecin du sport spécialisé dans la médecine subaquatique, en est à l'initiative. C'est également lui qui coordonne la session.
Cette idée, il l'avait en tête depuis plus de cinq ans, après s'être inspiré d'un voyage en Guadeloupe de 36 rescapés des attentats du 13 novembre 2015 pour pratiquer la plongée sous-marine. Pour trouver des participants volontaires, Carl Willem a sollicité l'association de victimes de l'attentat de Nice "Life For Nice".
Dix jours de plongée réelle... et virtuelle
Depuis lundi 20 mars et pour une dizaine de jours, de petits groupes de patients sont pris en charge par des médecins du CHU de Nice Pasteur 1. L'objectif de l'étude est de faire plonger en piscine des patients atteints de stress post-traumatique. Ces personnes vont effectuer dix plongées sous-marines à faible profondeur, avec l'aide de moniteurs expérimentés pour les aider à respirer sur un détendeur.
Ce petit groupe plonge actuellement à la piscine Jean Médecin de Nice. Un autre groupe participe à la même expérimentation, mais avec une expérience différente : celle de la réalité virtuelle. Dans un cas comme dans l'autre, cette initiation à la plongée a pour but d'être vécue comme "amusante et apaisante".
Dans cette initiative, les associations "Dive4Nice" et "Life For Nice" sont soutenues par de nombreux partenaires, à commencer par la Fédération française d'études et de sports sous-marins (FFESSM) au niveau national et départemental, mais aussi par la ville de Nice, l’école des mines de Paris, le club niçois de plongée Aigle Nautique et l’association sport-santé Sophygia.
Un effet salvateur
Certaines victimes de l'attentat de Nice ont tenté par plusieurs moyens d'échapper à la douleur lancinante de leurs souvenirs du 14 juillet 2016. Hypnose, sophrologie, intégration neuro-émotionnelle par mouvements oculaires (EMDR), consultations avec psychiatres, psychologues… Parfois, rien n'y fait.
"Quand la douleur est intérieure, on a tendance à s'enfermer dans le silence et à y rester", témoigne Patrick Prigent, vice-président de "Life For Nice". Mais il en est certain, "la plongée sous-marine peut aider à la reconstruction". "Les personnes que j'ai vues sont bluffées", poursuit-il.
Patrick Prigent tient à parler de Najate. "Elle avait une phobie de l'eau et ne savait pas nager", explique-t-il, ému, "et hier, elle a passé deux heures sous l'eau. Maintenant, c'est la première à arriver. Quand elle m'en parle, elle a les larmes aux yeux".
Une portée scientifique
Cette étude a en outre un dessein scientifique. Hormis le remplissage de grilles d'évaluation psychologique précises pour chaque participant, elle s'appuie sur la mesure de leur taux d'amylases salivaires. Ce procédé se fait à l'aide d'une machine japonaise appelée «Cocorometer».
Le taux d’amylases salivaires est en corrélation avec l’activation du système parasympathique. Celui-ci contribue à l'apaisement du stress. L'étude tentera de démontrer que respirer sur un détendeur de plongée sous-marine génère l'activation du système parasympathique du patient. En d'autres termes, "les médecins recueillent le taux de stress avant et après la plongée pour voir s'il a diminué", explique Patrick Prigent.
Un autre enjeu de l'expérimentation consiste à déterminer si l'activation du système parasympathique du participant lors de la plongée est en corrélation avec la variabilité de sa fréquence cardiaque, et plus particulièrement de la haute fréquence. Ceci est calculé avec des cardiofréquencemètres subaquatiques.
La plongée dans la durée
Convaincu des bienfaits salvateurs de la plongée sous-marine, Patrick Prigent espère organiser une prochaine session le plus rapidement possible. Il envisage aussi une autre étude, comparable mais de plus grande ampleur, avec un groupe d'apnée et un groupe de nage avec des palmes.
À terme, le vice-président de "Life For Nice" souhaite que les constats que cette étude aura fait émerger puissent inciter à la prescription de cette activité sportive. Pour les personnes meurtries par la tragédie de la Promenade des Anglais, mais aussi pour toutes celles dont la santé et le moral ont été affectés par un drame.
Car pour lui, la plongée est avant tout un moyen de rapprocher les survivants : "Dès que les jours seront meilleurs, nous ferons une grande sortie en mer. Nous partirons tous sur un bateau, et une fois dans l'eau, nous plongerons ensemble en nous tenant la main".