Procès de l'attentat de Nice. L'article à lire pour comprendre le procès historique de l'attaque terroriste du 14 juillet 2016

Trois et demi mois d'audience, plus de 2540 parties civiles... Le procès de l'attentat de Nice, six ans après l'attaque terroriste qui a provoqué la mort de 86 personnes le soir du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais, s'est achevé mardi 13 décembre.

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Mardi 13 décembre s'est achevé le procès de l'attentat de Nice. Durant trois mois et demi, la cour d'assises spécialement composée a vu défiler à la barre de la salle "grand procès" du Palais de justice de Paris des centaines de témoins. Son but : tenter de comprendre comment un homme, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, a pu foncer dans la foule sur la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet 2016 à bord d'un camion, provoquant ainsi la mort de 86 personnes et blessant des milliers d'autres physiquement et psychologiquement.

Dès le début de l'audience, qui s'est ouverte le lundi 5 septembre, ce procès est apparu comme hors du commun. En effet, ce n'est pas l'auteur de l'attentat qui est jugé dans ce procès car celui-ci a été abattu par la police le 14 juillet au soir. Les huit personnes accusées étaient soupçonnées d'être venues en aide au terroriste (pour les recherches de location du camion et la fourniture d'un pistolet notamment) sans savoir précisément quel était son projet. Le mardi 13 décembre, la cour les a condamnés à des peines allant de 2 à 18 ans de prison. Deux d'entre eux, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud, ont été reconnus coupables d'association de malfaiteurs terroriste pour l'avoir notamment "inspiré" et "soutenu moralement et matériellement". L'avocat de Mohamed Ghraieb a rapidement annoncé qu'il ferait appel de cette décision.

Contrairement aux attentats du 13 novembre 2015, il n'y a pas eu de revendication d'appartenance à Daesh avant ou pendant l'attentat. Pourtant, quelques heures après le drame, cette attaque a été qualifiée de "terroriste" par François Hollande, le président de la République de l'époque, et l'organisation terroriste Etat islamique a revendiqué cet attentat deux jours après qu'il ait eu lieu. Des fonctionnaires de la DGSI (direction générale de la Sécurité intérieure) et de la SDAT (sous-direction antiterroriste) ont témoigné durant le procès pour expliquer qu'il s'agissait là d'une revendication opportuniste de la part de l'organisation terroriste, c'est-à-dire qu'eux-mêmes n'étaient pas certains que le terroriste ait agi en leur nom même si de nombreux éléments amenaient à le penser. La cour a finalement décrété lors de son verdict qu'il s'agissait bien d'un attentat terroriste avec "dimension religieuse récente comme pour se donner une légitimé", même s’il n’y a pas eu "acte d’allégeance ni aucune parole ou geste de ralliement".

Une grande place donnée aux parties civiles

C'était un procès particulier aussi par le nombre de parties civiles constituées. Au début du procès, plus de 850 personnes s'étaient portées parties civiles. Trois mois et demi plus tard, le parquet national antiterroriste (PNAT) a recensé 2 542 personnes constituées. Elles étaient représentées par plus de 150 avocats. Pour un procès d'une telle envergure, des dispositions particulières ont été prises. La salle "Grand procès" du Palais de justice de Paris, construite spécialement pour les procès des attentats du 13-novembre et de celui de Nice, a été le lieu des débats qui étaient filmés, rediffusés à l'Acropolis à Nice et enregistrés pour les archives nationales.

La question des images et de leur enregistrement a occupé les débats dès la première semaine du procès. Le président de la cour d'assises se questionnait sur l'utilité de diffuser la vidéosurveillance de l'attaque. Etait-ce nécessaire à la manifestation de la vérité ? Comment garantir la sécurité dans l'ensemble des salles où est rediffusé le procès ? Comment empêcher que des images aussi choquantes ne soient pas capturées par des personnes mal intentionnées ? Est-ce une bonne idée de montrer cela à des victimes traumatisées ?

Après un temps de débat, au cours duquel les avocats des parties civiles ont fait savoir que la majorité de leurs clients éprouvait le besoin de voir ces images pour comprendre ce qui s'était passé, la vidéo a finalement été diffusée. En visionnant ces images, "nous avons assisté à la nuit de l'humanité", déclarait Maître Philippe Soussi, avocat de parties civiles. Ce moment redouté et difficile a finalement déçu plusieurs victimes présentes pour regarder la vidéosurveillance. Certaines portions de la Promenade des Anglais n'étant pas couverte par les caméras de la ville, elles n'ont pas pu observer le moment qui les concernaient.

Durant l'audience, un long temps a été consacré aux très nombreux témoignages des parties civiles. Pendant cinq semaines, plus de 250 victimes, ou proches de victimes, sont venues déposer à la barre le récit d'une soirée familiale devenue une scène de guerre et des années qui ont suivi, passées à tenter de surmonter un traumatisme indomptable.

Le cauchemar de la famille Borla qui a perdu Laura, 13 ans, la sœur jumelle d'Audrey, le désespoir de Caroline et Olfa Villani qui ont perdu quatre membres de leur famille ce soir-là et de Christophe Lyon, parti à sept, revenu seul, l'hommage d'Anne et Philippe Murris à leur fille Camille décédée à 27 ans... Chaque jour, ces dizaines de récits funestes ont permis à la cour de se représenter les contours de l'onde de choc créée par cette attaque terroriste.

Beaucoup de tristesse mais aussi une grande colère s'est fait entendre de la part des victimes. Une colère contre le dispositif de sécurité mis en place à Nice le soir du 14 juillet, insuffisant selon les témoins et très amoindri par rapport à celui de l'Euro 2016 qui se tenait quelques jours plus tôt dans la même ville. Cette colère s'est notamment fait entendre le jour où le maire de Nice Christian Estrosi est venu témoigner et a refusé de reconnaître une quelconque responsabilité, alors qu'il occupait la fonction de premier adjoint en charge de la sécurité à l'époque. 

Une colère aussi contre les institutions judiciaires et étatiques concernant les indemnisations des victimes pour leurs préjudices et pour assister au procès mais aussi une colère contre les institutions médico-légales. Anne Gourvès, une mère endeuillée qui a perdu sa fille Amie âgée de 12 ans, est venue exprimer cette colère pour expliquer à la cour d'assises sa situation. Deux ans après la mort de sa fille, elle apprend en lisant le dossier que ses organes ont été prélevés et mis sous scellés. "J'apprends que les organes vitaux de ma fille ont été prélevés et que personne ne nous en a informés, a-t-elle déclaré le 30 septembre à la barre. Ça a été comme une nouvelle décharge électrique. Ils lui ont prélevé le cerveau et ils ne nous ont rien dit."

Je croyais avoir dit au revoir à ma fille lors des funérailles. Je croyais que ma fille reposait en paix au cimetière mais en fait non. Ça faisait deux ans que j’allais me recueillir mais j’apprends que le cœur de ma fille est à l'institut médico-légal. Ma fille est sous scellés au CHU de Nice.

Anne Gourvès, partie civile

Le chapitre des prélèvements d'organes sur les victimes a été ouvert dès la deuxième semaine d'audience par Maître Virginie Leroy, lorsqu'elle a fait citer Gérald Quatrehomme, ancien responsable de l'institut médico-légal (IML) de Nice.

Bien que ce sujet soit très éloigné des charges retenues contre les accusés, le président de la cour d'assises, Laurent Raviot, a pris le temps d'écouter et d'aborder ce sujet qui a été quasiment ignoré depuis 6 ans. Le 24 novembre, il a pris un arrêté pour permettre à cinq familles de récupérer les organes de leurs proches. Le PNAT a aussi décider de parler de ce sujet lors de ses réquisitions et de présenter ses excuses aux familles concernées.

Evidemment que nous avons failli sur ce sujet de l’information des familles. Évidemment que les choses auraient dû se passer différemment. Personne n’a vérifié si toutes les familles avaient été informées et c’est inadmissible. Au nom de notre institution, nous sommes sincèrement désolés d’avoir mal fait sur ce sujet. Nous savons que ça a causé beaucoup de souffrance et la colère est légitime.

Alexa Dubourg, avocate générale

Ce n'est qu'à la neuvième semaine de procès, après une semaine consacrée à la personnalité du terroriste, que les débats ont été recentrés sur les huit accusés. Parmi eux, trois étaient accusés d'association de malfaiteurs terroriste : Ramzi Arefa, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb

Leurs interrogatoires, parfois flous et incohérents, ont tout de même permis d'établir plus précisément leur implication dans la vie du terroriste et leurs actions dans les mois, les semaines et les jours précédant l'attentat. 

Finalement, dans les dernières semaines du procès, ce sont les avocats qui ont pris la parole. Ceux des parties civiles d'abord, avec une plaidoirie collective organisée par une cinquantaine d'avocats, puis ceux de la défense, dont certains ont plaidé l'acquittement, pour Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb

Après 60 jours de procès, le verdict a été rendu mardi 13 décembre. Certaines parties civiles attendent déjà l'éventuel procès qui traitera de la sécurisation de la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet 2016. 

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