Procès de l'attentat de Nice. Les avocats de Chokri Chafroud demandent son acquittement : "Il n'a rien fait !"

Pour ses avocats, Chokri Chafroud est innocent et ils l'ont fait entendre à la cour d'assises spéciale ce vendredi 9 décembre lors de leur plaidoirie.

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Lors de ce troisième et dernier jour de plaidoiries de la défense au procès de l'attentat de Nice, vendredi 9 décembre, les avocats de Chokri Chafroud ont plaidé son acquittement. Entre sarcasme, colère et émotion, Maîtres Chloé Arnoux et Florian François-Jacquemin ont défendu leur client avec ferveur.

Chokri Chafroud est accusé d'association de malfaiteurs terroriste (AMT). Le parquet national-antiterroriste (PNAT) a requis 15 ans d'emprisonnement contre lui, mardi 6 décembre lors de ses réquisitions et il encourt jusque 20 ans de prison. Maître Chloé Arnoux espérait pourtant que l'acquittement soit requis pour son client, comme elle l'a admis à la barre ce vendredi. 

Florian François-Jacquemin est passé en premier à la barre pour démonter point par point les arguments de l'accusation contre son client. Comme pour Mohamed Ghraieb et Ramzi Arefa, l'association de malfaiteurs terroriste est caractérisée par trois éléments : la proximité avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (et donc la possibilité d'être au courant de sa soudaine radicalisation), la recherche d'une arme et l'aide à la location du camion.

Concernant la proximité, Maître François-Jacquemin rappelle que "ce n'est pas un critère de condamnation, ni un critère de poursuite", sinon Roger Battesti, son proche "ami, mentor et amant" serait lui aussi à la barre à devoir se défendre.

Pas de repérage dans le camion

Pour le camion, plusieurs choses mettent en cause Chokri Chafroud. Il a reçu un sms mentionnant l'agence de location Ada, il est monté à bord du camion loué par le terroriste deux jours avant l'attentat et il a, à plusieurs reprises, fait référence à des poids lourds (camion, semi-remorque, char) fonçant dans la foule ou dans des endroits où il y a habituellement du monde.

Son avocat explique à la cour que le sms mentionnant "Ada" ne devrait plus être pris en compte comme étant incriminant car le parquet a demandé à ce que la mention "terroriste" de l'association de malfaiteurs soit retirée des charges contre Ramzi Arefa, pourtant lui aussi destinataire de ce même sms. Par ailleurs, il assure que son client n'a pas compris ce sms car pour lui Ada est un prénom mais il ne connaissait pas l'existence de cette entreprise française de location de véhicule.

Son passage dans le camion le 12 juillet a d'abord été considéré comme un repérage du terroriste des lieux de l'attaque, comme il en a fait une dizaine au cours des jours et des heures qui l'ont précédée. Toutefois, les enquêteurs chargés des repérages du terroriste ont finalement conclu que les cinq minutes que Chokri Chafroud avait passé à bord du camion ne pouvaient pas être considérées comme tel. Les quelques mètres qu'ils ont parcouru ne se trouvaient pas sur les lieux de l'attaque mais de l'autre côté de la Promenade des Anglais. 

Il a été reproché à Chokri Chafroud d'avoir oublié les détails de cette rencontre, de ce qu'ils se sont dit dans le camion. En effet, l'accusé est resté flou depuis le début de la procédure en disant que lorsqu'il était monté dans le camion Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lui avait paru énervé, il tapait sur le volant et lui avait fait peur. C'est pourquoi il avait vite demandé à descendre. 

"C’est normal qu’il ne se souvienne pas exactement de ce qu’il s’est passé, argumente son avocat. Ça ne l’a pas marqué plus que ça, la mémoire fonctionne ainsi. Mais, ce qui l’a marqué c’est qu’il était énervé et qu’il a tapé sur le volant." Cette attitude, inhabituelle comme l'avait concédé Chokri Chafroud qui disait ne l'avoir jamais vu comme ça, interpelle a posteriori, quand on sait que deux jours plus tard il va utiliser ce camion pour l'attentat. Mais à ce moment-là, "personne ne sait ce qu'il se passe, personne ne devine ce qu'il va se passer", insiste Florian François-Jacquemin. "Mais on reproche à Chokri Chafroud de ne pas avoir remarqué ? Les éléments qu’on a sur le camion ne font pas une AMT, ce n’est pas sérieux", tranche-t-il.

Pas d'arme et ni d'amis impliqués

Pour l'arme, l'affaire est pliée selon son avocat : "Chokri Chafroud ne fournit pas d’arme. C’est la base." C'est la vérité, puisque c'est Ramzi Arefa qui reconnaît lui avoir vendu le pistolet retrouvé dans le camion. Mais lors de l'un de ses interrogatoires, Chokri Chafroud s'était auto-incriminé en expliquant que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lui avait demandé de lui fournir une arme en échange d'un effacement de dette et qu'il avait donc cherché cette arme, sans la trouver, au final. Il était très vite revenu sur ses déclarations - au cours de la même garde à vue, souligne son avocat - en expliquant qu'il avait "fait croire" à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qu'il allait lui trouver une arme, sans avoir l'intention de le faire.

Pourtant, ce qui a été retenu contre lui est qu'il avait bel et bien cherché cette arme et par conséquent, participé à la préparation du projet terroriste, sans en connaître la finalité. Ses avocats on insisté sur le fait que leur client avait parfois raconté des choses fausses aux policiers car il ne savait plus comment se sortir de ces interrogatoires. Cette recherche d'armes en ferait partie, selon eux.

Concernant le sms envoyé par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le 14 juillet 2016 à 22h27, quelques minutes avant son passage à l'acte, qui parlait d'une commande de cinq armes pour "Chokri et ses amis" qui seraient "prêts le mois prochain", pour Maître François-Jacquemin, la réponse est très simple : "C'est faux". Des enquêteurs, venus témoigner au procès à la demande de la défense de Chokri Chafroud, ont attesté que la piste des "amis" de Chokri, dont les coordonnées étaient inscrites sur une feuille, n'avait rien donné et qu'aucun projet d'attentat ne semblait être en place pour "le mois prochain". "Mohamed Lahouaiej-Bouhlel y croyait peut-être à son commando du mois prochain mais il y croyait tout seul", affirme Maître Chloé Arnoux. 

Vous ne devez pas réfléchir à ce qu’il y avait dans la tête de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel mais à ce que Chokri Chafroud a fait. Est-ce qu'il participé à une association de malfaiteurs terroriste ? Non !

Florian François-Jacquemin, avocat de Chokri Chafroud

"On fait comme si il n'y avait pas eu d’enquête autour de Nice, mais elle a eu lieu l’enquête ! Ils disent qu'ils n'ont rien trouvé sur rien mais ce n'est pas retenu comme un élément à décharge de mon client ?", s'emporte Florian François-Jacquemin. "Si ses amis n'existent pas pourquoi Chokri Chafroud aurait quoique ce soit à voir là-dedans ?", insiste sa consœur.

"Charge le camion de 2000 tonnes de fer et nique coupe-lui les freins et moi je regarde"

Durant le procès, plusieurs messages Facebook très violents venant de Chokri Chafroud ont été ajoutés au débat. Dans l'enquête figurait déjà un message du 4 avril 2016 qui disait "charge le camion de 2000 tonnes de fer et nique coupe-lui les freins et moi je regarde". Mais au cours du procès, plusieurs avocats de parties civiles, menés par Sabria Mosbah et Samia Maktouf, ont demandé au président de la cour de faire traduire l'ensemble des messages Facebook échangés entre les deux hommes.

Ainsi, sont apparus des messages comme "Boujaafar (un bord de mer en Tunisie ndlr), est rempli de gens, t’as qu’une envie remplir un semi-remorque de ciment qui leur rentre dans leur cul de mère à tous ! Je ferai ça et j’irai à Masséna..." ou encore "Ce putain d’El-Oued (un marché près du Nikaïa à Nice, ndlr) de mes couilles, j’y entrerai avec un char et je le nique !". Maître Mosbah avait plaidé le 25 novembre dernier que ces messages pouvaient être considérés comme des "actes préparatoires".

Cette théorie est réfutée par la défense de Chokri Chafroud. "A propos du messages sur les 2000 tonnes de fer, si on y accordait vraiment de l’importance, il serait là pour complicité, s'aventure Maître François-Jacquemin. Or, l’instruction a déjà permis de montrer qu’il n’y avait pas de complicité."

Selon lui, ces messages et toute la violence exprimée dans leurs échanges Facebook sont la preuve d'une "colère contre la Tunisie", d'une "jalousie contre de gens qui ont plein de pognon", "mais pas d'une radicalisation qui mènerait à concrètement tuer des gens"

Est-ce que les messages Facebook ont trouvé un écho dans l’esprit, que je pense malade, de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ? C’est une opinion. Je pense que c’est possible. Mais pour les délibérés, on s’en fiche de ce qui se passe dans la tête de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

Florian François-Jacquemin, avocat de Chokri Chafroud

"On ne peut pas se dire qu’il doit deviner que ça va prendre du sens dans sa tête", martèle son avocat. Par ailleurs, "le projet, il était là avant ces messages", argue Maître Arnoux, rappelant l'existence d'une photo du terroriste sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2015, un an avant les faits, et la sauvegarde dans son ordinateur d'un article de Nice-Matin parlant d'un véhicule qui avait foncé sur une terrasse à Nice en décembre 2015.

Pour Florian François-Jacquemin, "il n’y a rien dans le dossier" qui permette de condamner son client. Chloé Arnoux ose une formule encore plus directe : "Monsieur Chafroud n'a rien fait !" Elle rappelle également que lorsqu'il était sur écoute entre le 15 et le 17 juillet 2016, Chokri Chafroud a "maudit" à deux reprises l'auteur de l'attentat (sans savoir qu'il le connaissait par ailleurs). "Mais les enquêteurs n'ont pas estimé que c'était utile à l'enquête", s'agace-t-elle. Comme si seuls les éléments à charge contre son client avaient été estimés utiles mais jamais les éléments à décharge.

"L’acquittement qui vous est demandé, ce n'est pas un pied-de-nez au PNAT. C’est le triomphe de la vertu judiciaire", déclare Maître François-Jacquemin tandis que sa consœur Chloé Arnoux dit au président qu'il est "hors de question de faire de Chokri Chafroud une victime expiatoire de ce procès"

Les accusés auront la parole une dernière fois lundi 12 décembre puis la cour d'assises délibérera. Le verdict devrait être rendu mardi 13 décembre dans l'après-midi.

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