Procès de l'attentat de Nice. Quels étaient les liens entre l'accusé Chokri Chafroud et le terroriste tué le 14 juillet 2016 ?

Ce mercredi 7 septembre, une représentante de la sous-direction anti-terroriste a témoigné devant la cour d'assises spéciale. Son exposé visait à expliquer précisément comment l'enquête judiciaire a permis d'établir les liens entre les accusés du procès et Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le terroriste qui conduisait le camion le 14 juillet 2016 à Nice.

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Lundi 5 septembre, le procès de l'attentat de Nice s'est ouvert au palais de justice de Paris. Au troisième jour du procès, une représentante de la sous-direction anti-terroriste (SDAT), une unité de la police judiciaire à compétence nationale, a expliqué en détails comment l'enquête judiciaire s'était déroulée pour en arriver à l'accusation des huit personnes jugées lors de ce procès.

Grâce à des SMS, des photographies et les déclarations lors des gardes à vues, les enquêteurs ont tenté d'établir les liens qui existaient entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a causé la mort de 86 personnes sur la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016 et Chokri Chafroud, accusé d'association de malfaiteurs terroriste.

Des communications téléphoniques répétées

L'enquête a conclu que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était l'interlocuteur principal de Chokri Chafroud les mois précédant l'attentat.

Celui-ci a rapidement été identifié par plusieurs moyens.

Dans le camion, lorsque les constats ont été réalisés après la neutralisation du terroriste, un téléphone Samsung a été retrouvé, déverrouillé. Sur le fond d'écran, on pouvait voir une photographie de Chokri Chafroud, souriant et faisant un doigt d'honneur à l'objectif. Ce cliché datait de mai 2016. Dans ce téléphone, plusieurs autres photos prises au mois de juillet 2016 montraient Chokri Chafroud et le terroriste faisant des doigts d'honneur.

Par ailleurs, dans le téléphone il y avait également une photo avec une liste de noms, numéros de téléphone et adresses, parmi lesquelles figuraient les informations de Chokri Chafroud.

Dans les contacts de ce téléphone, les enquêteurs ont relié "au moins 5" numéros différents à Chokri Chafroud, enregistré sous divers noms.

Dans ce téléphone, un élément clé de l'enquête, se trouvaient également plusieurs messages audio et écrits. Entre le 1er et le 14 juillet, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a envoyé 26 messages à Chokri Chafroud. Le dernier message date du 14 juillet 2016 et a été envoyé à 20h29, soit deux heures avant les faits : "Je suis sur la Prom viens je te passe... C pour..". Ce jour-là, entre 19h33 et 20h29, il y a eu 7 communications entre la ligne du terroriste et celle de Chokri Chafroud.

91% des communications

Pour une des lignes téléphoniques utilisées par Chokri Chafroud, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel représentait 91% des communications. Les enquêteurs ont remarqué que le nombre de communications a augmenté à l'approche de la date de l'attentat passant de 3 à 6 en moyenne à partir du 10 juillet 2016. Ces texto étaient uniquement en provenance du téléphone de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Certains messages étaient composés uniquement de lettres qui se succédaient sans sens apparent. Chokri Chafroud a nié qu'il s'agissait là d'un langage codé. Il a également déclaré qu'il ne comprenait pas le sens des autres sms, en disant que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lui envoyait souvent des messages qui n'avaient pas de sens.

Les exploitations du téléphone de l'accusé permettent également de montrer que celui-ci se trouvait à proximité de la Promenade des Anglais à 19h14 et à 20h24 le 14 juillet. Il serait ensuite reparti vers le quartier Fabron puis de nouveau dans le Vieux-Nice à 20h52.

Les enquêteurs disent que le téléphone de Chokri Chafroud ne montrait aucun SMS envoyé entre le 1er juin et le 17 juillet, "de manière inexplicable". Il montre en revanche les messages reçus de la part de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

Un SMS du 5 juillet 2016 mentionnant le mot "Ada" a ensuite été rapproché de ceux reçus par deux autres accusés, Mohamed Ghraieb et Ramzi Arefa, où figurait le même mot. Les enquêteurs ont conclu que l'expéditeur parlait de l'agence de location de véhicules Ada de la gare de Nice. Toutefois, la location a eu lieu à Saint-Laurent-du-Var.

Des messages Facebook violents

Lors de l'enquête, la police a également exploité les comptes Facebook de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Plusieurs conversations ont été retrouvées avec Chokri Chafroud, à partir de janvier 2016. 

Chokri Chafroud utilisaient trois comptes Facebook que les enquêteurs ont scruté de près. Ils y découvrent des messages violents. En février 2016, l'accusé écrit "je les niquerai avec l'épée" et "je les égorgerai tous". Un mois plus tard, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et chokri Chafroud parlent des affrontements qui ont eu lieu en Tunisie entre les forces de l'ordre et des terroristes de l'Etat islamique. Chokri écrit : "il me casse les couilles daesh". Ce à quoi répond Mohamed Lahouaiej-Bouhlel : "on niquera daesh". 

En avril, Chokri Chafroud annonce à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qu'il arrive en France. Un message attire particulièrement l'attention des enquêteurs. Chokri Chafroud écrit : "charge le camion de 2000 tonnes de fer et nique, coupe lui les freins mon ami et moi je regarde".

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel répond "zzeebbiiii", une expression tunisienne utilisée selon l'interprète pour signifier son étonnement.

A bord du camion

Des empreintes de Chokri Chafroud ont également été retrouvées sur des mégots de cigarettes au domicile du terroriste et sur le camion.

En effet, des images de vidéosurveillances ont montré que Chokri Chafroud était monté à bord du camion utilisé pour l'attentat le 12 juillet 2016. Il reste cinq minutes dans le camion qui part du quai des Etats-Unis pour remonter la Promenade des Anglais.

Pour Florian François-Jacquemin, avocat de Chokri Chafroud, ce passage dans le camion ne signifie rien. "Il monte dans le camion d’une personne qu’il connait, qui est chauffeur de profession, déclarait-il à France 3 Côte d'Azur, lundi 5 septembre. Il n’y a rien de choquant à croiser un chauffeur de camion dans un camion, en tout cas le 12 juillet."

Des déclarations qui évoluent au fil de l'enquête

Interpellé le 17 juillet, Chokri Chafroud est mis en examen le 21 juillet 2016. Tout au long de l'enquête, il a contesté toute responsabilité dans l'attentat. Toutefois, il a bien reconnu connaître le terroriste. Il dit n'avoir que des relations superficielles avec lui et de ne jamais s'être rendu chez lui. Cela peut être contredit par la présence de ses empreintes génétiques sur des mégots trouvés au domicile de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. 

Dans ses premières déclarations, il dit n'avoir aucun ami commun avec lui. Le téléphone de Chokri Chafroud a pourtant révélé une communication vers celui de Ramzi Arefa, lui aussi accusé dans ce procès, datant du 7 juillet 2016. Chokri Chafroud indique qu'il a prêté son téléphone à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel pour cet appel. Il dira ensuite qu'il a vu une fois Mohamed Ghraieb. 

Après ses premières déclarations, Chokri Chafroud revient également sur l'ampleur de ses relations avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et admet qu'ils se fréquentaient régulièrement. En revanche, Chokri Chafroud nie complètement avoir avec lui une relation amoureuse.

Une question posée par les enquêteurs car le terroriste appelait parfois Chokri Chafroud par le mot "habibi" qui signifie "mon chéri" en arabe. Ce surnom et le fait que Chokri Chafroud apparaisse en fond d'écran avaient amené les enquêteurs à se poser cette question.

L'accusé a également indiqué que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait exigé qu'il lui trouve une arme, comme un service qu'il pouvait lui rendre puisque Chokri Chafroud lui devait 100 euros. Chokri Chafroud dit dans un premier temps qu'il a accepté de chercher une arme et qu'il avait trouvé un revendeur avant de revenir sur cette version.

Il a finalement déclaré qu'il voulait faire croire au terroriste qu'il lui avait trouvé une arme même si cela était faux. 

Chokri Chafroud risque 20 ans de prison.

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