A quelques jours du verdict du procès de l'attentat de Nice, une victime confie sa difficulté à se faire rembourser des milliers d'euros de frais qu'elle et son compagnon ont engagé pour se rendre au tribunal à Paris.
"Nous sommes victimes de cette tragédie et maintenant financièrement prisonniers de l’État", dénonce Nadège Renda, partie civile au procès de l'attentat du 14 juillet 2016, "exsangue" au terme de longues semaines d'audiences.
Cette sexagénaire a dû se résoudre à se rendre pour la quatrième fois au Crédit municipal de Nice pour mettre en gage ses bijoux et payer son dernier aller-retour à Paris. "C’est horrible, c’est humiliant et se dire qu’on est obligé de faire ça pour aller entendre un verdict. On n’a pas demandé ça. Mais il faut vraiment, vraiment qu’on monte", répète Nadège Renda, la voix étranglée par un sanglot. "Sinon il me manquera une partie de l’histoire." Peu importe le prix.
Son compagnon a pris six semaines de congés sans solde pour assister au procès et tenter de clore enfin ce chapitre de sa vie. Déjà 3000 euros de manque à gagner.
Un procès, 14.000 euros
À cela s’ajoutent les billets de train et les hôtels, aux montants parfois astronomiques. "Ni Airbnb, ni les appart'hôtels ne louent pour six semaines, explique Nadège Renda. Certaines nuits montaient à plus de 300 euros."
La Niçoise fait le compte devant une équipe de France 3 Côte d'Azur, face à nos reporters Eloïsa Patricio et Yannick Fournigault : 3579 euros pour le premier hôtel, 2214 pour le deuxième… La liste s’allonge au point d’approcher les 11.000 euros de frais divers. "En comptant la perte de salaire de mon compagnon, ce procès nous aura coûté 14.000 euros."
Ces frais ne sont pourtant pas supposés rester à la charge des victimes. Le greffe du tribunal de Paris réceptionne toutes les factures, vérifie leur validité et, selon plusieurs interlocuteurs contactés par France 3 Côte d’Azur, pinaille parfois pour des détails : "Les victimes ont le droit à 110 euros maximum par nuit d’hôtel par personne. Mais il faut que la facture soit à leur nom. Certaines parties civiles ont galéré parce qu’elles avaient pris une chambre à deux pour s’éviter d’avancer trop d’argent", nous confie par exemple l’assistante d’une association.
Des victimes laissées sans réponses par les autorités
Ces contraintes administratives expliqueraient-elles certains retards dont souffriraient bon nombre de parties civiles ? "Aucune des victimes que je connais n’a reçu un remboursement", précise une bénévole de l'association Promenade des Anges. "Le greffe est très réactif pour répondre aux questions d'ordre général, mais dès lors que l'on aborde les remboursements, on reste toujours en attente".
De son côté, Nadège Renda multiplie les démarches auprès du tribunal, sans réponse à ce jour. "Pensez-vous que nous n’avons pas déjà assez mené de combats depuis plus de six ans ?", demande-t-elle dans un mail adressé au greffe en charge des remboursements.
Elle qui n’avait "jamais contracté de crédit" avant l’attentat, raconte son "appauvrissement" : "Je payais 4500 euros d’impôts, je suis même plus imposable." Un déclassement qui se conjugue à la violence du traumatisme : "On a volé nos vies, on a volé nos identités", raconte, le souffle court, la sexagénaire.