Procès de l'attentat de Nice : des avocats bouleversés après avoir vu la vidéosurveillance de l'attaque terroriste, les images seront diffusées en public ce jeudi

Alors que la diffusion de cette vidéosurveillance au cours du procès a fait débat, le président de la cour a proposé aux avocats de procéder à un pré-visionnage des images de l'attaque du 14 juillet 2016 à Nice pour les avocats des parties civiles et de la défense. Il a donné aujourd'hui sa décision concernant la diffusion de cette vidéo dans le cadre du procès.

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C'est "l'horreur absolue" pour Maître Méhana Mouhou, avocat de parties civiles. Les 4 minutes 30 de la vidéosurveillance qui montrent l'attaque terroriste du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais à Nice, qui a causé la mort de 86 personnes, sont "insoutenables", confirme Maître Sophie Hebert-Marchal, elle aussi avocate de parties civiles. 

Ce mardi 13 septembre, après avoir suspendu l'audience en fin de journée, le président de la cour d'assises spéciale Laurent Raviot, a invité les avocats des parties civiles et de la défense à rester dans la salle d'audience.

Comme il l'avait annoncé en fin de semaine dernière, il a souhaité procéder à un "pré-visionnage" avec les différents partis de la vidéosurveillance de l'attaque avant de décider si cette vidéo serait montrée lors du procès ou non. Le mercredi 14 septembre en début d'après-midi, le président a finalement annoncé que la vidéo serait montrée au procès le lendemain.

Quelques jours plus tôt, vendredi 9 septembre, un témoin de sous-direction antiterroriste (SDAT) était venu donner une description détaillée de cette vidéo. Son témoignage était appuyé par quelques captures d'écran de la vidéo.

Toutefois, il semblerait que rien ne puisse réellement préparer à ce visionnage, si l'on considère la réaction des avocats des parties civiles interrogées par France 3 Côte d'Azur à la sortie de la salle.

Une vidéo qui pourra éclairer sur la sécurisation de la Promenade

Pour Maître Méhana Mouhou, qui défend un certain nombre de parties civiles, "c'est indescriptible", "ça n'a pas de nom". Encore secoué, il dit regretter d'avoir vu cette vidéo avant de se reprendre : "J'ai fait mon devoir professionnel, il fallait que je la voie pour toutes les victimes que je représente."

Malgré l'horreur de la vidéo, l'avocat a tout de même observé la sécurisation de la Promenade des Anglais ce soir-là : 

On ne voit pas de protection, on ne voit pas la police, la police était aux abonnés absents. On voit que le camion a un champ libre devant lui : il peut faire ce qu'il veut.

Maître Méhana Mouhou, avocat de parties civiles

Lorsque le président expliquait pourquoi il hésitait à diffuser cette vidéo lors du procès, il voulait que les avocats qui faisaient la demande de cette diffusion se posent les questions suivantes :

Y a-t-il un intérêt pour la compréhension du déroulé de l'attentat ?

Y a-t-il un intérêt pour fixer les responsabilités éventuelles des accusés ?

Pour Maître Mouhou, les réponses ne sont pas si claires. A la sortie de salle, il annonce : "Est-ce que c'est utile à la manifestation de la vérité ? Non. Est-ce que c'est nécessaire pour comprendre ce qui s'est passé ? Non. Ça ajoute de la souffrance à de la souffrance."

Cependant, il dit comprendre pourquoi les victimes disent en avoir besoin. Lors du débat relancé ce mercredi 14 septembre au cours de l'audience, Maître Mouhou est revenu sur ses premières paroles en disant : "Je me lève et je dis à la cour que c’est nécessaire à la manifestation de la vérité en ce qui concerne les victimes". Il mentionne notamment les victimes qui ne se souviennent pas de ce qui leur est arrivé et ont besoin de le voir.

"La détermination du terroriste est claire et nette"

Du côté de Maître Olivia Chalus-Pénochet, la vidéo a eu un effet radicalement opposé. Selon cette avocate de parties civiles, "il est impératif de voir cette vidéo". "La détermination du terroriste est claire et nette, ça saute aux yeux", détaille-t-elle. 

C'est très difficile mais c'est une manifestation de la vérité. Ça va éclairer de nombreux points dont la cour aura besoin pour statuer dans cette affaire.

Maître Olivia Chalus-Pénochet, avocate de parties civiles

Elle regrette que la neutralisation du camion et du terroriste n'apparaisse pas dans cette vidéosurveillance.

Selon les avocats des parties civiles que nous avons interrogés, diffuser cette vidéo permettrait de s'accrocher plus solidement aux faits. "C'est important de sortir de l'imaginaire et de se rendre compte de ce qu'il s'est vraiment passé", souligne Maître Yves Hartemann, avocat de parties civiles et notamment d'Anne Murris.

"Les victimes ont besoin d'un procès qui ne soit pas édulcoré", renchérit Sophie Hebert-Marchal, elle aussi avocate de parties civiles.

Maître Philippe Soussi n'hésite pas à admettre qu'il sort bouleversé de ce visionnage. "Dans cette vidéo de 4 minutes, on est confronté à la nuit de l'humanité", déclare-t-il.

Même s'il estime que ce n'est pas une "bonne solution", diffuser la vidéo au procès est, selon lui, "la seule solution".

Un débat récurrent lors des procès terroristes

Le débat de la diffusion des images d'attentat revient à chaque procès terroriste. En 2017, lors du procès Merah, aucune vidéo n'avait été diffusée car le terroriste avait volontairement filmé ses actes pour qu'ils soient regardés par la suite.

Lors du premier procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, le président de la cour avait mis son veto à la diffusion des images "de propagande", filmées par Amedy Coulibaly, de ses assassinats dans la supérette juive. Sans qu'il n'y ait de discussion, la cour avait en revanche fait projeter les images de la vidéosurveillance dans les locaux de Charlie Hebdo, ainsi que celles du meurtre du policier Ahmed Merabet par les frères Saïd et Chérif Kouachi pendant leur fuite.

Cette diffusion, sans avertissement clair sur la teneur des images, avait créé un certain émoi.

Cela pourrait expliquer les précautions prises ces deux dernières années lors des procès terroristes.

Au procès des attentats du 13-Novembre, qui s'est achevé fin juin après dix mois d'audience, il aura fallu plusieurs débats pour que la cour - qui ne voulait "pas d'images inutilement choquantes" - décide de diffuser une sélection d'images et de l'enregistrement sonore de la tuerie du Bataclan.

Une diffusion confirmée pour l'attentat de Nice

Pour le procès de l'attentat de Nice, le président de la cour a décidé que les images seraient diffusées le  jeudi 15 septembre. 

Pour le président, ce visionnage pourra "éclairer la cour" sur les faits criminels qui présente un "lien de connexité" avec les faits de mise en accusation. De plus, cela sera "susceptible d’éclairer la cour sur le nombre de victimes de ces faits". Il a toutefois mis en garde de l'extrême violence de ces images, rappelant que les personnes pourront sortir "à tout moment" de la salle.

avec AFP

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