Procès de l'attentat de Nice : deux héros témoignent à la barre pour commencer la deuxième semaine d'audience

Ce mardi 13 septembre, deux témoins particuliers étaient appelés à déposer à la barre. Franck Terrier et Alexandre ont tenté d'arrêter le camion, à bord de son scooter pour l'un et de son vélo pour l'autre, le 14 juillet 2016, lors de l'attentat de Nice.

Ils ont tous les deux reçus la Légion d'honneur pour leur acte de bravoure. Le 14 juillet 2016, alors qu'un camion fonçait délibérément dans la foule sur la Promenade des Anglais à Nice, deux hommes ont tenté d'arrêter sa course meurtrière. Alexandre et Franck Terrier ont témoigné ce mardi 13 septembre devant la cour d'assises spéciale en charge du procès de l'attentat de Nice.

Franck Terrier est le premier à venir témoigner. Visiblement stressé, l'homme commence par délivrer un témoignage très bref. En quelques phrases, il résume son acte héroïque. Le 14 juillet 2016, il voulait aller manger une glace avec son épouse dans le Vieux Nice. En passant sur la Promenade des Anglais, au niveau de l'arrêt Magnan, un camion le double par la droite. "Ma femme réagit et je décide de le prendre en chasse", raconte Franck Terrier. Il dépose sa femme et poursuit le camion.

"J'essaie de jeter mon scooter sous les roues du camion. J'arrive à accéder à la cabine et je me bats avec le terroriste." Franck Terrier termine son récit laconique.

Il a compris tout de suite qu'il assistait à une attaque terroriste, indique-t-il lors des questions posées par un avocat des parties civiles. "Il visait un maximum de personnes, il passait du trottoir à la route", complète-t-il. 

Le président le questionne sur la sécurisation de la Promenade des Anglais : "À un moment avez-vous rencontré des barrières qui vous interdisent l’accès à la Promenade des Anglais en direction du centre ?", demande le président. "Non", répond Franck Terrier. Il n’a pas vu s'il y avait des barrières. Il ne se souvient pas comment était coupée la circulation. Cette question travaille visiblement le président puisqu'il l'a déjà mentionné la semaine dernière lorsque l'enquêtrice de la sous-direction antiterroriste avait détaillé l'enquête.

Grâce aux questions, Franck Terrier parvient à donner plus de détails sur son altercation avec le terroriste : 

A partir du moment où je monte sur le marche-pied du camion côté conducteur, je me bats avec lui. Il y a des échanges de coups. Il essaye de me tirer dessus mais ça marche pas. Je me bats et je reçois un coup de crosse sur la tête. Je tombe et je me relève. Je recommence à me battre avec lui. Le camion s’arrête et les tirs commencent.

Franck Terrier

Il comprend que c'est l'intervention de la police et se met à l'abri des tirs. 

De fortes conséquences psychologiques

Franck Terrier s'en sort avec deux fractures : une vertèbre et une côte. "J’ai toujours mal dans le dos mais physiquement ça va", déclare-t-il à la barre. Mais les séquelles psychologiques ont été bien plus importantes. Il dit avoir fait un "syndrome crépusculaire" : "Je rejetais ce que j’avais fait. Pour moi, ce n'était pas moi qui avait fait ça. J'ai eu un trou."

En 2019, alors qu'il attend parler de l'attaque terroriste devant la préfecture de police de Paris du 3 octobre sur une chaîne d'infos en continu, des souvenirs douloureux remontent et il tente de mettre fin à ses jours. Il est admis en hôpital psychiatrique pendant deux mois.

Le témoin explique également avoir ressenti de la culpabilité après son acte héroïque. "J’aurais voulu intervenir avant, détaille-t-il. Les choses ont fait que j’ai pas pu, parce que j’ai dû déposer ma femme. J’ai beaucoup culpabilisé et je culpabilise encore aujourd’hui."

Aujourd'hui, il habite toujours à Nice mais "c’est toujours compliqué de prendre la Promenade des Anglais", dit-il. "Ça m’a marqué à vie je pense." 

"Il a sorti une arme et il l'a braquée sur moi"

La vie d'Alexandre est marquée pour toujours, elle aussi. Ce soir-là, après le feu d'artifice, l'homme s'apprête à rentrer chez lui à vélo. Il croise alors le "camion fou" qui arrive face à lui. 

J’ai bien vu que cet homme essayait d’écraser le maximum de personnes. J’ai posé mon vélo et j’ai profité du moment où il a ralenti quand il est passé du trottoir à la route. Je suis arrivé au niveau de sa fenêtre, j’ai tenté d’ouvrir. Il a sorti une arme et il l'a braquée sur moi. Je tiens à ma vie quand même alors j'ai lâché la poignée. Je ne voulais pas me prendre une balle dans la tête.

Alexandre

Il retient le moment où son regard a croisé celui du terroriste Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à travers le rétroviseur : "Quand je l’ai vu, il était super concentré. Il avait les yeux super grand ouverts, on aurait dit qu’il était drogué."

Il repart alors dans l'autre sens, manque de se faire renverser par Franck Terrier à bord de son scooter et récupère son vélo. Sur le chemin du retour, il voit une quarantaine de corps sur la Promenade des Anglais. "C'est horrible de vivre des choses comme ça", déclare-t-il avec une grande émotion dans la voix. Il espère simplement que son intervention a "pu le ralentir et permettre à d'autres personnes d'intervenir".

Une vie de famille "gâchée"

Si cet homme n'a pas été blessé, sa vie a été gravement affectée par cet événement. Il est retourné travailler dès la semaine suivante pour "ne pas broyer du noir en restant à la maison ou en prenant des médicaments". Toutefois, alors qu'il venait de se marier, "ça a gâché mon mariage, détaille-t-il à la barre. Je ne vois mon fils qu'une fois tous les 15 jours parce que je suis devenu imbuvable, je ne supporte quasiment rien."

Pendant les trois ans et demi qui ont suivi l'attentat, Alexandre est en proie aux crises d'angoisse. "J'avais l'impression de faire une crise cardiaque", raconte-t-il en se tenant la poitrine. Bien qu'il soit suivi par un psychologue, il décide de mettre fin à sa thérapie car il avait "besoin de ne plus y penser". Il ne voulait d'ailleurs pas vraiment venir témoigner ce mardi 13 septembre, de peur de voir revenir ces crises d'angoisse. Mais comme il a été cité à comparaitre, il risquait une amende s'il refusait de venir. 

Faisant preuve d'empathie, le président s'excuse des maladresses comme celles-ci causées par "la grosse machine" qu'est l'institution judiciaire.

Pour Alexandre, une solution pour se sentir mieux a été de déménager de Nice. Il y retourne régulièrement mais il ne pouvait pas rester dans cette ville où il a vu tant de "choses horribles". Toutefois, six ans après, il vit encore avec la peur au ventre : "J’ai peur qu’on retrouve mon adresse ou qu’on m’attaque dans la rue."

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