Mardi 13 décembre, le verdict a été rendu pour les huit accusés du procès de l'attentat de Nice. Le président de la cour a prononcé des peines allant de 2 à 18 ans d'emprisonnement. Deux d'entre eux ont été reconnus coupables d'association de malfaiteurs terroriste.
De nombreuses parties civiles ont fait le déplacement. Après trois mois et demi de procès, le jour du verdict est arrivé et beaucoup de victimes voulaient être présentes à Paris pour l'entendre. La salle "Grand procès" du palais de justice de Paris n'avait pas été aussi pleine depuis l'ouverture du procès le 5 septembre.
Laurent Raviot, le président de la cour d'assises spécialement composée pour le procès de l'attentat de Nice a prononcé le verdict ce mardi 13 décembre en début de soirée pour les huit accusés.
Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb ont été jugés coupables d'association de malfaiteurs terroriste (AMT) et ont été condamnés à 18 ans de réclusion criminelle. Chokri Chafroud est également interdit définitivement du territoire français. Les deux hommes sont inscrits sur le Fichier des auteurs d'infractions terroristes (Fijait). La cour a eu "l'intime conviction" que ces deux hommes "avaient participé à une AMT dont Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était le principal acteur, notamment en l’inspirant, en le soutenant moralement et matériellement".
Dans la salle un fort applaudissement général a retenti lorsque le président a annoncé la première peine, celle de Chokri Chafroud. Laurent Raviot a ordonné à la salle de reprendre son calme. "La justice a besoin de sérénité pas d'être applaudie", a-t-il déclaré.
Chokri Chafroud, né en Tunisie en 1979 est rapidement devenu proche du terroriste lors de son arrivée en France à Nice en 2015.
Alors qu'il est en détention provisoire depuis 2016, ses avocats avaient plaidé pour son acquittement.
Mohamed Ghraieb est arrivé à Nice en 2006. Il connaissait l'auteur de l'attentat Mohamed Lahouaiej-Bouhlel depuis le début des années 2000 car ils étaient tous deux originaires de M'saken en Tunisie où ils fréquentaient la même salle de sport.
Il a comparu libre lors de ce procès. Lors de ses interrogatoires, l'accusé avait donné des réponses floues et contradictoires. Depuis le début du procès, Mohamed Ghraieb clame son innocence. Jeudi 8 décembre, ses avocats avaient aussi plaidé l'acquittement. Ils ont annoncé quelques minutes après le rendu du verdict qu'ils feraient appel de la décision pour Mohamed Ghraieb.
Pas d'association de malfaiteurs terroriste pour Ramzi Arefa
Ramzi Arefa, troisième accusé pour association de malfaiteurs terroriste, a été condamné à 12 ans de prison. La mention "terroriste" n'a pas été retenue contre lui. Il a toutefois été reconnu coupable d'avoir acquis et détenu le pistolet qui a ensuite été vendu au terroriste le 12 juillet 2016 et d'avoir, le 13 juillet 2016, acquis, détenu et transporté (jusqu'à sa cave) une kalachnikov et son chargeur. Il lui est désormais interdit de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant 15 ans.
Cette requalification suit les réquisitions du parquet national anti-terroriste (PNAT), qui avait demandé le mardi 6 décembre que la mention "terroriste" soit retirée des charges qui pesaient contre Ramzi Arefa. La cour a justifié son choix notamment par "l'absence d'intimité" entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et Ramzi Arefa qui empêchait ce dernier d'imaginer la "dimension terroriste".
Ramzi Arefa, aujourd'hui âgé de 27 ans, a reconnu très tôt dans l'enquête avoir vendu un pistolet au terroriste. En revanche, il s'est toujours défendu de connaître les projets de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, malgré le fait qu'il ait reçu des sms incriminants de la part de ce dernier. Selon son avocate Adélaïde Jacquin, Ramzi Arefa a été victime d'un complot de la part du terroriste. La cour a précisé qu'elle n'avait pas été convaincue par cette hypothèse.
Le président a précisé que la peine restait lourde car Ramzi Arefa avait eu de la "facilité à s'impliquer dans la fourniture d’armes, notamment une arme de guerre sans se poser de question". La cour a pris compte des "nombreux antécédents judiciaires mais aussi de son jeune âge à l'époque (21 ans, ndlr), de son absence de résolution terroriste, de la singularité de son parcours de vie et de la réflexion engagée durant sa détention".
Entre 2 et 8 ans de prison pour les cinq autres accusés
Pour l'ancien couple à qui il était reproché d'avoir vendu le pistolet à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, la cour d'assises a jugé qu'ils étaient coupables d'association de malfaiteurs pour avoir vendu le pistolet à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel le 12 juillet 2016 et une kalachnikov à Ramzi Arefa le lendemain.
Artan Henaj écope de 8 ans de prison et d'une interdiction définitive de territoire français et Enkeledja Zace de 5 ans dont 2 avec sursis.
Pour les trois personnes poursuivies pour avoir aidé Artan Henaj et Enkeledja Zace à acquérir, transporter et donner les armes (le pistolet ou la kalachnikov retrouvée dans la cave de Ramzi Arefa), la cour a décidé de condamner Endri Elezi et Maksim Celaj à trois ans d'emprisonnement et à une interdiction définitive du territoire français.
Brahim Tritrou écope de 2 ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs. C'est le seul accusé absent du procès parce qu'il est détenu en Tunisie.
Ces cinq accusés ont également interdiction de porter une arme soumise à autorisation pendant 15 ans.
Mohamed Ghraieb, Artan Henaj et Endri Elezi seront directement conduits en prison à la demande de la cour d'assises.
Les accusés disposent de 10 jours pour faire appel.
La cour reconnait la dimension "terroriste" de l'acte
Concernant le terroriste, qui ne peut pas être jugé parce qu'il a été abattu le soir de l’attentat par la police, la cour a retenu qu’il avait bien commis un acte "terroriste" notamment à cause de la "préméditation" et de la "planification parfaitement maîtrisée dans le but de tuer un maximum de personnes" dans "un objectif de terreur et d’intimidation".
Bien qu’il n’avait que peu d’intérêt pour la religion plus tôt dans sa vie, il avait un intérêt "ancien pour la propagande djihadistes terroriste". De plus, la cour a reconnu une "dimension religieuse récente comme pour se donner une légitimé", même s’il n’y a pas eu "acte d’allégeance ni aucune parole ou geste de ralliement".
Par ailleurs, la cour a indiqué que, malgré des "troubles de la personnalité" et des "difficultés à maîtriser ses pulsions de violence", rien ne permettait d’objectiver qu’il "souffrait d’une maladie mentale qui aurait alterné son discernement".
Une audience civile se tiendra au début du mois de janvier 2023 pour statuer sur la recevabilité des parties civiles.