Procès de l'attentat de Nice : des avocats plaident pour que les primo-intervenants soient aussi parties civiles

Ce lundi 28 novembre, trois avocats des parties civiles ont plaidé pour les primo-intervenants. Ces personnes des forces de l'ordre et des secours sont intervenues quelques instants après l'attentat et ont du mal à faire reconnaître leur statut de victime.

Dès le premier jour de l'audience, la question des primo-intervenants est apparue dans les débats au procès de l'attentat de Nice. Au cours de son propos liminaire, le ministère public, représenté par l'avocat général Jean-Michel Bourlès, avait évoqué les conditions de recevabilité des parties civiles que le parquet entendait appliquer.

S'il n'y a "pas de débat" pour les victimes directes "se trouvant dans le périmètre de la trajectoire du camion", il n'en va pas forcément de même pour les autres.

"Les personnes intervenues ou arrivées sur les lieux après la neutralisation de l’auteur", qui ont été "témoin de scènes très choquantes" et ont réalisé des "actions indispensables pour sauver les gens", "n’ayant pas été directement et immédiatement exposées au risque d’attentat ne peuvent être reçues comme partie civile", a déclaré l'avocat général le 5 septembre dernier.

Environ 700 personnes

Ce propos a été difficile à entendre pour les nombreux primo-intervenants qui se souviennent de chaque détail de cette nuit durant laquelle ils ont tout essayé pour sauver des victimes tout en devant surmonter des images d'horreur. Des images qu'ils n'étaient pas préparés à voir malgré leur fonction de pompier, policier ou encore médecin. 

"Pourquoi, dès le premier jour, vouloir ainsi évincer tous les primo-intervenants ?", a demandé ce lundi 28 novembre Maître Robert Gastone à la barre en s'adressant au parquet. Il développe : "Ça fait du monde, environ 700 personnes : 460 pompiers, une centaine de policiers municipaux et nationaux, la Protection civile, la Croix-Rouge, les éboueurs et les épavistes qui ont nettoyé la Promenade des Anglais."

L'avocat rappelle à la cour qu'ils ont "tous été récompensés par leur administration de rattachement et reconnus pour leurs actions". Des "accidents de services" ont été établis pour ceux qui ont eu "des difficultés personnelles" après l'attentat, rapporte l'avocat. Cela signifie que leurs hiérarchies n'ont eu aucun mal à reconnaître et comprendre que ces "difficultés" étaient directement liées à l'attentat. 'Pourquoi la justice ne pourrait-elle pas faire de même ?', demande cet avocat en substance.

Des personnes "profondément imprégnés par la scène de l’attentat"

Pour Maître Vincent Ehrenfeld, lui aussi venu défendre l'intérêt des primo-intervenants devant la cour ce lundi, cette "prise de position du parquet était particulièrement prématurée". "Je retiens que vos premiers mots pour ces victimes ont été des mots pour les exclure", de façon à ce qu'ils ne soient "pas légitimes à participer à ce procès", insiste cet avocat du barreau de Nice.

Il n’est jamais facile, quand on fait partie des forces de l'ordre ou des forces de sécurité civile, d’admettre qu’on a été blessé ou meurtri dans le cadre de ses fonctions. Il y a la crainte d’être jugé, déclassé par sa hiérarchie, par ses collègues... Comme si reconnaître une blessure était un aveu de faiblesse, de vulnérabilité, d'inaptitude.

Maître Vincent Ehrenfeld, avocat de parties civiles

Il remarque d'ailleurs que ceux qui se sont portés parties civiles et qui ont témoigné devant la cour sont "plutôt des agents d’un certain âge, donc au maximum de leur grade, qui ne craignent plus leur déclassement". Malgré cette crainte de déclassement et malgré le rejet du parquet, "ces agents sont venus témoigner pour dire qu’ils se sentaient victimes".

Maître Ehrenfeld rappelle l'histoire d'un primo-intervenant, interne à l'hôpital Lenval (Nice, Alpes-Maritimes) au moment des faits, qui est sorti immédiatement sur la Promenade des Anglais pour procéder aux premiers gestes de secours. "Il a évoqué les choix qu’il a dû faire ce soir-là, quelle victime soigner en premier, avec quel type de soin, quand arrêter les soins pour qui ne pouvait pas être sauvé... Des questions que l’ensemble des secouristes se sont posées", retrace-t-il. Ces secouristes ont été "immergés et profondément imprégnés par la scène de l’attentat".

"Être écouté par la cour d’assises, ça aide à se reconstruire"

L'avocat raconte aussi la soirée d'un pompier volontaire qui a été envoyé sur la Promenade pour récupérer le matériel utilisé par les secours sur les victimes. "Pendant plus de deux heures, il a parcouru le chemin de la Promenade pour soulever un à un les linceuls" pour récupérer les objets de soins. "Sous le premier drap, il a cru qu’il n’y avait rien, détaille Maître Ehrenfeld. En fait, il y avait le corps d’un enfant complètement laminé."

"Aucun n’est resté indemne" après cette nuit, appuie-t-il.  

Ce soir-là, ils ont laissé une partie de leur conviction sur la conception positive du métier : un médecin soigne, un pompier sauve, un policier protège. Ce soir-là, les services de secours n’ont fait que leur possible.

Maître Vincent Ehrenfeld

Lors de ces plaidoiries, il a aussi été question des primo-intervenants qui n'étaient pas des professionnels. Maître Ehrenfeld parle du personnel du High Club, une boîte de nuit qui s'est "transformée en abri, puis en hôpital de campagne, puis en morgue" au cours de la nuit.

Retrouvez le témoignage du patron du High Club, diffusé sur France 3 Côte d'Azur en septembre 2022 

"Ils vous ont confié une des étapes de leur reconstruction car être écouté par sa hiérarchie ou la cour d’assises ça aide à se reconstruire", a conclu Maître Ehrenfeld.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité