PORTRAIT. "Je ne suis pas mère et je ne peux plus l'être", Nathalie Marcault s'interroge sur la maternité

Nathalie Marcault, au fil des années et des séquences intimes, s'interroge sur ces rendez-vous manqués avec la maternité dans le documentaire "La moitié du monde"

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"Je crois qu'il faut avoir des enfants. Ce n'est pas possible de ne pas avoir d'enfants, c'est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins".

Nathalie Marcault lit cette citation de Marguerite Duras à 45 ans, alors qu'elle n'a pas d'enfant. Des mots qui lui collent à la peau, qui résonnent en elle comme un mantra maléfique. Cette moitié du monde qu'elle ne connaîtra jamais, elle ne parvient pas à la concevoir. Elle part en quête de réponses en interrogeant sa mère, ses amies futures mamans et la petite fille qu'elle a été. 

La réplique de Marguerite Duras se décline sur tous les tons, se pose sur d'autres voix. Elle se modèle, se contrôle, se module au fil des interprétations pour en extraire l'essentiel, pour en comprendre l'essence, pour adoucir l'impact, mais rien n'y fait. Les mots sont implacables.

C'est quoi, cette moitié du monde ?

Nathalie Marcault cherche à savoir ce qu'il y a dans cette moitié du monde, dans cette grande partie de la vie, envolée, qu'elle ne rattrapera jamais. Ce morceau qui lui manque pour être complète, cette expérience fondamentale, si elle en croit Marguerite Duras. Quinze années de questionnements, à chercher, par procuration, ce qu'elle a soi-disant manqué. Dans la parole de sa mère et dans le comportement de ses amies, toutes deux enceintes en même temps. Mais comment se fondre dans cet univers énigmatique, qui s'accueille de l'intérieur ? Nathalie voit Aline, tardivement "changer de camp". Son alter ego jongle entre turbulettes et bodies avec bonheur. "Avec toi, c'était joyeux, la grossesse pour les nuls." Caroline, quant à elle, se métamorphose en fée du logis. 

Tu préparais le nid. Tu avais l'air si bien dans ta peau de femme enceinte. Je voyais que tu entrais dans un autre monde.

Nathalie Marcault

Un autre monde ? Une moitié du monde ? Une porte secrète dont elle n'a pas la clé. "Je crois qu'il faut avoir des enfants. Ce n'est pas possible de ne pas avoir d'enfants, c'est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins". La phrase de Marguerite Duras, omniprésente, l'obsède. Face à elle, sa maman, qui a accepté d'être filmée pour répondre aux questions, parfois déroutantes, de sa fille. Une femme qui a vécu la maternité à deux reprises et qui s'interroge sur la quête de Nathalie. Une mère qui se remet en question, aurait-elle raté quelque chose ?

Est-ce que tu as été déçue par ma façon d'être mère ?

La maman de Nathalie

Ce questionnement est une réponse en soi. La mère parfaite n'existe pas, même quand elle fait au mieux. Il en dit long aussi sur cet amour maternel, qui peut se définir en grandes lignes, mais qui se vit individuellement. Chaque enfant est unique, chaque mère l'est aussi. Toute petite, Nathalie pensait que ses parents l'avaient adoptée et qu'une maman de conte de fées viendrait la chercher. Une imagination débordante qui ne l'a pas quittée, à l'âge adulte, pour s'inventer la famille parfaite. Un idéal impossible à atteindre dans la vraie vie, où tout ne peut être programmé comme dans un roman à l'eau de rose.

durée de la vidéo : 00h01mn04s
Le regard d'une petite fille ©Images du documentaire "La moitié du monde" de Nathalie Marcault

"Je crois qu'il faut avoir des enfants. Ce n'est pas possible de ne pas avoir d'enfants, c'est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins." Autour de cette citation de Marguerite Duras, la mère et la fille font un pas de plus vers le monde de l'autre. Elles remontent ensemble le chemin du passé pour explorer ce qui ne l'avait pas été. Des mots pour balayer les silences d'autrefois, souvent imposés par la pudeur. Une réserve qui tend à s'atténuer, mais qui ne disparaît pas tout à fait. La maman de Nathalie explore sa deuxième moitié du monde et se demande pourquoi ?

Un couple sans enfant

"Je crois qu'il faut avoir des enfants. Ce n'est pas possible de ne pas avoir d'enfants, c'est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins." Nathalie n'a pas eu d'enfant avec Patrick. Ils s'aimaient, donnaient des prénoms à leurs futures progénitures. Lui, voulait une petite fille Anna et elle, un petit garçon Simon, deux enfants virtuels, mais ça ne s'est pas fait. Dix années qui ont passé très vite où ils se suffisaient à eux-mêmes. Patrick est devenu papa, avec une autre, alors qu'il était encore en couple avec Nathalie. Il est passé sans elle, du fantasme à la réalité.

Je crois que quand enfant, il y a, ça repose quand même pas mal sur le désir de la femme d'avoir l'enfant.

Patrick, l'ex-mari de Nathalie

Nathalie ne voulait pas devenir femme, elle a tout fait pour ralentir la métamorphose de ses formes. À dix-sept ans, elle rejette ce corps qu'elle cherche à faire disparaître. Elle ne mange plus, sa mère s’inquiète. Nathalie ne sent pas prête à lâcher la main de la petite fille qu'elle était pour grandir, pour devenir femme, pour donner la vie à son tour. Grandir, c'est faire tourner la roue qui mène irrémédiablement à la finitude de ceux que l'on croyait éternels, enfants.

Face à la mère

Nathalie n'a pas eu d'enfants arrivés à terme, mais elle a abrité la vie à deux reprises. Une, qu'elle a laissée partir puis une autre, qu'elle a choisi de garder, mais qui s'en est allée, elle aussi. Nathalie a vécu les grands moments de sa vie, en cachette de sa mère. Un avortement, une fausse couche, un mariage en catimini, "C'était mon monde". "Avoir un enfant m'aurait mis dans un rapport de trop grande intimité avec ma mère." Maintenant, qu'une maternité n'est plus envisageable, que la nature a repris ce qu'elle avait donné, une conversation est possible entre mère et fille, de femme à femme.

Nathalie se fait photographier avec un faux ventre et montre les photos à sa mère en lui expliquant que cela lui aurait semblé indécent de se présenter à ses parents avec un énorme ventre qui déborde. Une démarche déstabilisante pour cette maman qui ne parvient pas à comprendre le pourquoi. Une épreuve pour Nathalie, à fleur de mots, qui aurait voulu que sa mère rentre dans le jeu en lui disant tout simplement qu'elle était belle, enceinte, même pour de faux.

"Cette moitié du monde, au moins", qu'elle cherche tant à débusquer, ne serait-elle pas là, sous ses yeux, dans l'objectif de la caméra ? Dans les efforts de compréhension, dans la disponibilité, dans l'inquiétude d'avoir mal fait, dans l'amour inconditionnel que lui porte sa maman. Une mère qui, par le passé, a revêtu sa cape de maman autoritaire, pour éduquer ses enfants, pour rentrer dans son rôle, au mieux. Une maman qui n'a pas baissé la garde, qui a su dire non alors qu'il est bien plus facile de dire oui. Un monde en partage où se dessinent d'autres priorités, où le nombril du monde n'est plus celui de sa propre enfance. 

Je crois qu'il faut avoir des enfants. Ce n'est pas possible de ne pas avoir d'enfants, c'est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins.

Marguerite Duras

Une injonction sans nuances, un point de vue personnel, qui est loin d'être universel. Les femmes d'aujourd'hui veulent être libres de choisir, et nombre d'entre elles estiment que la maternité n'est pas indispensable à leur épanouissement personnel. L'avenir de la planète, le réchauffement climatique sont autant de raisons, pour elles, de ne pas contribuer égoïstement au désastre qui se dessine. Cette moitié du monde, elles préfèrent la laisser de côté. D'autres n'ont pas le choix, elles subissent ce manque d'enfant, cette inaccessible réalisation. Une absence qui occupe tout l'espace de cette moitié du monde, impossible à atteindre. Et puis, il y a celles qui comme Nathalie ont laissé le temps s'écouler sans vraiment se décider, avant que les boutons de l'arbre généalogique se fanent sans avoir donné de nouvelles fleurs.

durée de la vidéo : 00h02mn19s
Déclinaison d'interprétations ©France télévisions
Donner la vie, pour trouver sa place dans cette chaîne de femmes d'une même lignée. Un relais au fil des générations dont elle détiendrait à son tour le témoin, libre, de poursuivre ou non le chemin.

Au travers de son documentaire, Nathalie Marcault souhaite que tout un chacun puisse y loger son histoire, ses questionnements et son imaginaire pour y trouver sa place. Tout un chacun puisque les hommes aussi, sont invités à s'interroger sur cette citation de Marguerite Duras qui fait débat.

► "La moitié du Monde", un documentaire réalisé par Nathalie Marcault produit par Alter Ego Production, avec la participation de France Télévision/ France 3 Bretagne, France 3 Centre-Val de Loire, TVR, Tébéo, Tébésud et Bip TV, à voir ce jeudi 7 décembre 2023, à 23 h 00 sur France 3 Centre-Val de Loire et France 3 Bretagne, déjà disponible sur france.tv.

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