Les caméras de surveillance qui écoutent aussi la rue, c'est illégal pour la CNIL qui adresse un rappel à ses "obligations légales" à la ville d'Orléans

Pendant un an, la ville d'Orléans a testé un mécanisme de capteurs sonores liés à des caméras de surveillance. Un dispositif illégal selon la CNIL.

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La ville d'Orléans a testé, pendant un an, de mettre des oreilles à certaines de ses caméras de vidéosurveillance. La commission nationale informatique et liberté (CNIL) juge le dispositif illégal.

Depuis octobre 2021, quatre places de la ville sont équipées de capteurs sonores. Des micros sous forme de boîtes blanches, installées en dessous des caméras. Une expérimentation qui a été conclue avec l'entreprise Sensivic, start-up Orléanaise.

Coups de feu, explosions, accidents ou encore cris, autant de bruits caractéristiques qui sont détectés comme "anormaux" par le dispositif audio, et pouvaient déclencher automatiquement le déplacement des caméras là où se passait l'action.

Réponse après saisie de la CNIL

Après avoir examiné la plainte de la Quatrature du Net, une association indépendante, la CNIL répond dans un document que plusieurs médias, dont France 3 Centre-Val de Loire, ont pu consulter.

La commission estime que ce couplement de vidéo et audio surveillance touche à "un traitement de données à caractère personnel". Il serait alors possible d'identifier les personnes, et pour cela, aucune loi ne fixe de contours. Elle avait déjà rendu la même décision pour des caméras "intelligentes".

Aucune loi pour encadrer le dispositif

Dans ses conclusions, la CNIL appelle d'ailleurs à la création d'une loi "spécifique" pour ce genre de dispositifs, "adaptée aux caractéristiques techniques et aux enjeux".

Actuellement, "les dispositions applicables du code de la sécurité intérieure (...) prévoient uniquement la possibilité d'installer des systèmes de vidéoprotection sans captation du son" détaille la commission.

Procédure en cours devant le tribunal administratif

Une décision dont se félicite la Quadrature du Net. Son juriste, Bastien Le Querrec avait saisi l'organisme et porté plainte auprès du tribunal administratif : "C'est donc de bon augure pour cette autre procédure" affirme-t-il.

Globalement, c'est la convention établie avec la start-up Sensivic qui est mise en cause par l'association de "lutte contre la censure et la surveillance, que celles-ci viennent des États ou des entreprises privées" d'après la description de son site internet.

Des sons anonymisés

Dans un reportage diffusé sur France 3 Centre-Val de Loire le 15 juin 2023, Hervé Zandrowickz, directeur marketing de Sensivic expliquait le fonctionnement de ces capteurs : "Tous les sons qui sont captés par les micros sont immédiatement traduits en métadonnées, c’est-à-dire en une suite de 0 et de 1".

La CNIL note ainsi que les sons restent de manière très éphémère, une fraction de seconde. "64 millisecondes" précisément. Ils ne sont ensuite pas conservés, ni par la société, ni par la commune d'Orléans. Impossible, donc, de connaître le contenu d'une altercation verbale par exemple, poursuit Hervé Zandrowickz.

Les capteurs désolidarisés des caméras depuis un an 

Depuis octobre 2022, les capteurs sonores ne sont plus liés aux caméras à Orléans. La CNIL estime que dans ce cadre, les données personnelles ne sont plus exploitables.

Ce qui ne préjuge pas "de la licéité du dispositif même, à l'ensemble des autres dispositions légales et réglementaires en vigueur" précise l'organisme national.

En juin, Florent Montillot, adjoint à la mairie d'Orléans chargé de la sécurité réagissait à ce qu'il qualifiait de "polémique totalement dépassée, ridicule". L'élu estimait que ce dispositif allait davantage dans le sens d'une meilleure "protection des gens", grâce aux procès de la science.

Contacté avant publication, il n'a pour l'instant pas pu répondre à nos questions. Il avait expliqué à nos confrères du Monde quelques jours plus tôt : "Notre objectif n'a jamais été d'identifier des personnes, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible" expliquait-il.

Les capteurs sont désormais utilisés uniquement pour améliorer et entraîner l'algorithme développé par Sensivic.

Vers une proposition de loi ? 

De son côté, la Ville d'Orléans persiste et signe : "Le couplage de la mesure de l’intensité du
son par le dispositif SENSIVIC, à une caméra n’a pas pour vocation d’identifier tel ou tel individu, mais telle ou telle situation révélée par le niveau de son (accident, attentat, agression,….) permettant ainsi une réactivité instantanée pour mobiliser des secours et/ou protéger des personnes physiques", défend la municipalité par communiqué de presse. 

La Ville assure qu'elle va aussi "adresser au Ministre de l’Intérieur une proposition de loi pour permettre la mise en place d’un tel dispositif dès 2024". 

Cet article a été modifié le 3 octobre 23 afin d'intégrer les éléments communiqués par la mairie d'Orléans.

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