Cinq ans après la mise en place de la cellule de lutte contre la radicalisation des jeunes à Orléans, l'heure est au bilan. Les récentes attaques terroristes qui ont touché la France ont par ailleurs motivé la ville à accentuer sa stratégie de prévention.
Le 16 octobre 2020, le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty se faisait assassiner par un jeune musulman radicalisé de 18 ans pour avoir montré quelques jours auparavant, des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression.
En réponse à cette attaque terroriste, le gouvernement a présenté un projet de loi « confortant les principes républicains », destiné à combattre l’islam radical et les « séparatismes ». Un texte qui sera étudié en conseil des ministres le 9 décembre prochain, puis examiné par les députés dès janvier 2021.
A Orléans, une cellule spécialisée a quant à elle choisi la voie de la prévention pour endiguer ce genre de radicalisation chez les jeunes. Et ce, depuis 5 ans.
Patience, compréhension et empathie
Créé peu de temps après les attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, ce groupe de travail rémunéré par la mairie d’Orléans est composé de deux psychologues, deux éducateurs et d’une quinzaine d’intervenants provenant de la protection judiciaire de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la maison d’arrêt de la ville.Depuis son apparition, la cellule a accompagné à la demande de la préfecture du Loiret, une vingtaine de jeunes âgés de 17 à 24 ans. Souvent en quête d’identité, victimes de l’emprise de groupes sectaires et coupés de leurs proches, ces jeunes ont pu bénéficier de rendez-vous mensuels avec les membres de la cellule et parfois même avec leur famille.
"C’est un travail très périlleux qui demande de la patience, de la compréhension et de l’empathie. Le but étant de détourner les jeunes de cette spirale infernale en les accompagnant dans leurs projets professionnels, sportifs ou associatifs", précise Marc*, intervenant dans la cellule.
Un bilan positif pour la cellule
Un travail qui a payé pour plus de la moitié d’entre eux poursuit-il : "Certains ont trouvé des formations professionnelles, d’autres même du travail. Un cas m’a particulièrement marqué. Celui de cette jeune fille qui avait rompu tout lien avec sa famille, et qui est maintenant infirmière."Bien que les membres de ce groupe de prévention restent en alerte et continuent de surveiller certains de ces jeunes, aucune intervention spécifique n’a dû être mise en place depuis 1 an.
"Entre 2015 et 2019, il y avait beaucoup plus d’exaltation de la part des jeunes, souvent séduits par l’idée de partir à l’aventure en Syrie. C’était pour eux un moyen de se couper de tout et de s’affranchir des interdits. Il n’y a plus cette même aspiration de groupe aujourd’hui. Les auteurs des derniers attentats ayant touché la France ont majoritairement agi seuls", indique Marc*.
Multiplier les acteurs de la prévention
Pourtant, la ville d’Orléans veut renforcer encore davantage sa stratégie de prévention et de sensibilisation à ce sujet, comme l’assure Florian Montillot, adjoint au maire en charge de l’éducation : "Nous prévoyons de rapidement nommer des référents laïcité dans tous les clubs et associations de la ville bénéficiant de subventions publiques. En multipliant le nombre de personnes capables d’identifier les signes de la radicalisation, nous minimiserons ainsi les risques de passer à côté de quelque chose."Toutefois, certains acteurs se sentent encore exclus de cette lutte contre la radicalisation, à l’image de Mustapha Ettaouzani, président du Conseil départemental du culte musulman du Loiret, qui ne connaissait même pas l’existence de la cellule de prévention pour les jeunes : "C’est un problème de société qui concerne tout le monde. En tant que musulmans, nous pouvons tout autant apporter notre pierre à l’édifice en déconstruisant la vision erronée qu’ont ces jeunes de l’islam."
*Le prénom a été modifié