Empreintes, ADN, traces de sang, les agents de la police technique et scientifique sont chargés de faire parler les scènes de crime. Visite guidée de leurs locaux, à Orléans.
Pour examiner une scène de crime, il faut avant tout : "avoir une vessie de compétition", ironise la directrice adjointe de la criminalistique conventionnelle à la PTS du Centre-Val de Loire. Lorsqu'elles arrivent sur place, Cécile*, Béatrice ou encore Prescilia savent qu'elles en ont pour plusieurs heures "le plus souvent, sans pause" détaille Cécile. Quatorze heures, c'est le 'record' qu'elles ont toutes en tête.
Dans la vie, elles sont techniciennes pour la police technique et scientifique du Centre-Val de Loire, basée dans le commissariat d'Orléans.
Les premières constatations sont cruciales
De longues missions, comme dans cette maison à plusieurs étages qu'il fallait entièrement fouiller. Ou encore celle dans laquelle le "Bluestar" avait révélé de multiples traces de sang nettoyées. "Il y en avait partout". "C'est du sang humain" contextualise-t-elle tout de suite, comme pour témoigner du sentiment qui a pu être le sien, au moment de réaliser ce qu'elle avait sous les yeux.
Les heures de travail s'enchaînent, "c'est plus long qu'un épisode des Experts" sourit Béatrice. Le tout avec "une combinaison totale, un masque, des gants", pour ne surtout pas interférer avec l'environnement. Il faut tout examiner, recenser, mesurer, photographier, puis emballer dans des sachets. Les éléments récoltés deviennent des scellés.
Parfois, il faut revenir plusieurs fois "mais les premières constatations sont primordiales" affirme Béatrice, technicienne de la PTS "elles ne pourront pas être refaites plus tard".
Une équipe principalement féminine
Il faut souvent agir dans l'urgence. Plus le temps passe, moins il est possible de récolter certains indices. Les odeurs, ou traces de tir par exemple, s'estompent.
À la police technique et scientifique, la quinzaine de titulaires sont principalement des femmes. Souvent une vocation, leur métier fait partie de ceux que le grand public ne voit pas. "On sait à quelle heure on arrive, mais jamais quand on repart, ni ce que l'on va faire de la journée" raconte Cécile.
Ce moment où tu retrouves enfin ton lit, tu trouves THE position et là..
— Jessica Police Scientifique #PTS 🚔👮🏻♀️🔦🔍📸🧬 (@Jess_PTS_55) January 17, 2021
📞"Drriiiiiinnngg"
👮" L'IJ, j'ai besoin de tes services, on a un DCD avec obstacle." ☠
👮🏻♀️" J'arrive." 😭
Retour au lit, 3h après.#police #policescientifique #astreinte #VisMaVieDastreinte pic.twitter.com/vTQhfnQK2U
Lorsqu'elle fait le point sur ses années de travail, elle se souvient de sa toute première affaire. Elle pensait arriver sur un suicide, et découvre en réalité "un corps carbonisé, dans une valise. C'est là que j'ai compris qu'il pouvait se passer tout et n'importe quoi dans ce métier".
550 000 euros de travaux pour un nouveau labo
Après deux ans et 550 000 euros de travaux, le laboratoire du service régional se montre sous son plus beau jour aux services de la préfecture du Loiret, venus en visite ce jeudi 26 octobre.
En 2018, les services départementaux deviennent régionaux. En quelques mois, celui d'Orléans doit donc absorber 400 saisines par an, contre 60 jusque-là. Il fallait donc s'adapter, "on se marchait dessus" affirme l'une des techniciennes. Le service ne fonctionne que pour la Police, puisque la Gendarmerie a le sien. En plus du Centre-Val de Loire, une partie de la Normandie fait aussi appel à ses services.
Une nouvelle salle, la reprographie, s'est ainsi ajoutée au laboratoire, d'environ 20m2, déjà présent, pour pouvoir notamment photographier les traces révélées par différents procédés.
Examiner les objets un par un
C'est dans cet environnement aux murs impeccablement blancs, que les techniciennes passent des heures voire des jours entiers, porte fermée. "Parfois, on ne sait même pas quel temps il fait dehors", souligne Cécile. La clarté des peintures est importante "pour les yeux, mais aussi pour le moral".
Le plus souvent, les objets à examiner arrivent par la poste. Les techniciens de la PTS passent la majorité de leur temps sur de la "délinquance de masse". Comprendre : les cambriolages, mais aussi les affaires de stupéfiants. Les scènes de crime se font plus rares.
Une fois les objets trouvés récoltés, il faut donc les faire parler. Un processus se met en place. Si la surface est lisse, comme pour du métal, ou du verre, elle passe dans une armoire de fumigation.
Plusieurs techniques pour révéler des traces
En revanche, tout ce qui est poreux est envoyé dans une étuve. Après 20 minutes à 100 degrés, un bain de révélateur chimique appelé DFO est appliqué. Il fait ressortir les traces en une vingtaine de minutes. Il s'agit d'une technique rapide, qui peut être utile lors de résultats à obtenir dans l'urgence. "Par exemple avant la fin d'une garde à vue, ou dans le cadre d'une comparution immédiate", précise une technicienne.
D'autres techniques sont plus longues, mais permettent parfois plus de détails. Un même objet est souvent soumis à plusieurs techniques différentes. "Ensuite, on s'adapte en fonction des contraintes des enquêteurs par exemple".
Après de grosses saisies de stupéfiants "il faut tout analyser". Pour des œufs remplis de cocaïne par exemple, il faudra chercher les traces d'empreintes, ou d'ADN sur tous les emballages. Le Cellophane doit être étiré, mais pas trop, et les quantités sont parfois astronomiques.
"Non, tout n'arrive pas d'un coup, si j'ai 81 traces, je dois toutes les faire", détaille Cécile. Loin, donc, du cliché de l'empreinte unique qui est envoyé à la va-vite au laboratoire dans les séries policières.
Une fois la trace révélée, il faut l'exploiter. Une trace de paume par exemple, est d'abord exploitée une première fois par un technicien. Il le soumet ensuite au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Les empreintes génétiques de toute personne mise en cause dans une affaire, y sont consignées.
Le logiciel propose ensuite des "candidats" qui pourraient correspondre à la trace. De l'autre côté de l'écran, Béatrice, technicienne, s'apprête alors à débusquer les concordances entre le candidat qu'elle sélectionne, et la trace à identifier. Il lui faudra 12 points "caractéristiques" pour être certaine d'attribuer la trace à la bonne personne.
Une trace digitale ou palmaire est visible grâce aux marques que laissent les crêtes d'une personne, ce sont tous les petits reliefs que l'on a sur les doigts, ou les paumes. Au cours d'une vie, la forme et la disposition des crêtes ne changent pas.
Béatrice doit alors observer toutes les similitudes. Tout l'inverse du jeu des sept différences. Elle pose ainsi des petits repères verts, et avance petit à petit jusqu'à répertorier le plus de similitudes possibles.
Les téléphones parlent, eux aussi
Dans les enquêtes, les téléphones portables sont aussi souvent porteurs de beaucoup de pistes pour les policiers.
Dans un logiciel spécifique, toutes les conversations sont déchiffrées puis révélées. Journal d'appel, photos, messages sur les réseaux sociaux ou applications, les informations peuvent être nombreuses.
"On peut remonter jusqu'à plusieurs années en théorie, mais les gens changent souvent leur portable tous les deux ans" explique Emmanuel, technicien.
Cécile et Béatrice résument ainsi leur métier : "adaptation et patience". "On travaille pour les victimes, et leur apporter des réponses" poursuit la première. "Parfois, on voit des choses dures, mais on sait que ce que l'on fait est utile, ça peut permettre que l'auteur ne soit pas tranquille".
Là encore, la vocation semble parler. La même qui fait tenir les équipes, parfois des jours entiers, dans l'obscurité d'une reprographie, derrière un écran, à éplucher des empreintes digitales, ou fouiller un téléphone portable.
*Pour conserver l'anonymat des policières, chaque personne interviewée est nommée par son prénom.