Orléans : "Je veux qu'on croie les victimes de violences sexuelles, qu'on les soigne et qu'on les accompagne"

Ce jeudi 21 novembre un forum sur les violences sexistes et sexuelles était organisé à l'université d'Orléans. Pendant près de deux heures, Emmanuelle Piet, qui travaille sur ces questions, a expliqué à des professionnels comment "identifier la stratégie des agresseurs pour accompagner les publics".

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Je veux qu'on croie les victimes, qu'on les soigne et qu'on les accompagne.
- Emmanuelle Piet, médecin et présidente du collectif féministe contre le viol

Le discours d'Emmanuelle Piet, médecin et présidente du collectif féministe contre le viol est clair et son ton quelque peu alarmiste. Elle se bat depuis près de 40 ans pour faire bouger les choses. 

Ce jeudi 21 novembre, elle était l'invitée d'un forum sur le thème des violences sexistes et sexuelles organisé à l'université d'Orléans. Près d'une dizaine d'associations était aussi présente. Le but, sensibiliser les professionnels pour une meilleure prise en charge des victimes. 
Nourrie de nombreuses anecdotes personnelles et d'une touche d'ironie, l'intervention d'Emmanuelle Piet avait pour but de déconstruire les idées reçues. 

Le viol est auréolé de nombreux stéréotypes. Dans l'imaginaire collectif, un viol se produit sur un parking, la nuit et par un inconnu. Pourtant, dans 90% des viols la victime connaît son agresseur et dans 60% des cas, il se déroule au domicile de la victime ou de l'agresseur. Et il n'y a pas d'âge, pas de sexe, ni de milieu social pour être victime de viol. 
- Emmanuelle Piet, médecin et présidente du collectif féministe contre le viol

Médecins, infirmières, travailleurs sociaux, enseignants, de nombreux corps de métiers étaient présents dans le but d'"identifier la stratégie des agresseurs pour accompagner les publics". Pour mieux comprendre leur mode opératoire, Emmanuelle Piet détaille point par point leurs agissements. 

Les agresseurs ont pratiquement toujours une stratégie. Déjà, ils choisissent leur victime, puis, ils l'isolent et la terrorisent. Ensuite, ils agissent de façon a inverser la culpabilité et font en sorte que les victimes se taisent, en la menaçant de mort ou autre, pour rester en liberté.
- Emmanuelle Piet

Cette stratégie est notamment utilisée par les auteurs de violences conjugales. Pour la présidente de l'association féministe contre le viol, la prise en charge des victimes doit être améliorée. 

Il ya quelque jours, j'ai reçu une maman de quatre enfants. Son mari a été condamné à 4 mois de prison avec sursis pour lui avoir volontairement roulé dessus avec sa voiture il y a deux ans. Là, il vient de tuer leur chien devant les yeux de leurs enfants et lui a dit qu'elle était la prochaine sur la liste. J'ai donc refait un signalement en début de semaine, mais je ne sais toujours pas si elle va être protégée.

À plusieurs reprises, la médecin pointe du doigt les lenteurs ou le manque de formation, voir de compassion parfois de la justice et des services de police ou de gendarmeries.

Le problème c'est qu'avec la justice, l'auteur est toujours présumé innocent et la victime donc, souvent présumée menteuse. J'aimerais qu'elle soit plus considérée comme victime car il faut savoir que beaucoup de femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints avaient porté plainte.


Des phrases qui ne sont pas passées inaperçues auprès des policiers et gendarmes présents dans la salle. Au moment des échanges entre le public et l'intervenante, l'un d'entre eux a souhaité s'exprimer sur le sujet. 

Il faut savoir que pour nous, ces affaires sont des affaires criminelles et donc nous les traitons de la même manière d'un homicide. On accorde à ces affaires, toute l'importance qu'elles méritent. On oublie trop souvent le travail de nos services qui sont surchargés d'affaires. Nous mettons en place tout ce que nous pouvons !
- Un policier présent dans la salle

Suite à cette intervention, Emmanuelle Piet a présenté un système qu'elle souhaiterait voir se développer en France. Pour elle, l'hexagone doit prendre exemple sur son voisin Belge. À Bruxelles, les femmes victimes de viol sont accueillies dans un lieu spécialisé où une prise en charge de soin est mise en place. Des prélèvements médico-légaux sont effectués et conservés même si la victime ne porte pas plainte. 

Ensuite, si elle le désire, des policiers spécialement formés sont appelés et se déplacent jusqu'à elle. Ils prennent sa plainte et peuvent la ramener chez elle dans un véhicule banalisé pour ne pas qu'elle soit pointée du doigt. Cette façon de faire est une avancée formidable. Grâce à ce dispositif, 68% des victimes portent plainte contre moins de 10% en France.
- Emmanuelle Piet

Lors de son intervention Emmanuelle Piet n'a pas pu s'empêcher de faire "un peu de pub" comme elle s'amusait à le dire. Elle a rappelé l'existence d'un numéro de téléphone à appeler en cas de besoins. Tous les jours, de 10 heures à 19 heures, des personnes sont au standard du 0800059595 pour accompagner, écouter et diriger chaque victime. 
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