Deux ans après Cannes 1939, Orléans accueille le festival Récidive, un nouveau rendez-vous qui se veut désormais annuel. L'occasion de (re)découvrir 25 films de l'année 1940, et d'apprécier leur manière de raconter leur époque.
Après 1939, qu'est-ce qu'il y a ? 1940, bien évidemment. Voilà, peu ou prou, la logique qu'ont suivi les organisateurs du festival de Cannes 1939 lorsqu'il a fallu capitaliser sur son succès. Une suite trouvée dans Récidive 1940, des projections de 25 films de l'année en question au cinéma Les Carmes et à la Scène Nationale d'Orléans entre ce lundi 8 et dimanche 14 novembre.
Pour rappel, Orléans avait accueilli en 2019 le festival Cannes 1939, organisé par le comité Jean Zay, conçu pour projeter les films prévu pour la première édition du mythique festival finalement annulée par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. 80 ans plus tard, c'est finalement le classique de Frank Capra Mr. Smith au Sénat qui avait remporté la palme.
Les paradis perdus de l'entre-deux-guerres
L'évènement avait remporté un vrai succès populaire, avec plus de 30 000 billets vendus sur une semaine. D'où l'idée de lui offrir un digne successeur, incarné par le festival Récidive, l'occasion de revenir sur une année de cinéma. Les organisateurs ont choisi "les films qui nous paraissaient les plus intéressants, les plus évidents pour donner un bon état du monde d'alors", explique le gérant du cinéma Les Carmes Michel Ferry. L'année en question : 1940, "une année particulière", euphémise-t-il.
Au programme : 25 films donc, dont plusieurs classiques. Certains mettent "en scène directement la montée du fascisme", d'autres émanant directement de la propagande italienne ou allemande et "expliqués par des historiens", détaille Antoine de Baecque, délégué général de Récidive 1940.
Côté français, on retrouvera les Paradis perdus d'Abel Gance et La fille du puisatier de Marcel Pagnol. Deux portraits peignant avec nostalgie une France urbaine ou rurale que les cinéastes savent déjà perdue avec l'arrivée inévitable de la guerre.
Une réalité encore plus prégnante avec l'objet filmique le plus culte de la sélection, à savoir Le Dictateur. Charlie Chaplin y façonne une satire au vitriol du nazisme et de la figure même d'Adolf Hitler, dont le double grotesque est interprété par le cinéaste américain lui-même. Le film, décrié à sa sortie par des États-Unis frileux d'entrer en guerre, est depuis considéré comme l'une des œuvres les plus abouties de son auteur, et comme un avertissement plus que prophétique sur le nazisme.
Pour l'histoire
Deux classiques du cinéma font aussi office d'œuvres historiques. Le Ninotchka d'Ernst Lubitsch, bâti avec le concours de Billy Wilder, met en scène la légendaire Greta Garbo dans une fable annonçant la Guerre froide. Quant aux Raisins de la colère de John Ford, adaptés du roman de Steinbeck, ils mettent en scène le héros américain typique Henry Fonda empêtré dans la misère de la Grande dépression des années 30. Une crise économique de grande ampleur qui a causé des migrations aux États-Unis, et a accompagné la montée des fascismes en Europe.
D'autres grands noms du cinéma de l'époque se retrouvent dans la sélection, comme Howard Hawks, Max Ophüls ou encore Alfred Hitchcock (représenté par deux films, rien que ça). Pour les plus jeunes (et les autres aussi), le Fantasia des studios Disney sera également de la partie.
Orléans, future grande ville de cinéma ?
Le festival Récidive 1940 proposera également des avant-premières, comme celle du moyen-métrage Vortex de Gaspard Noé, ainsi que des séances spéciales et des rencontres avec des réalisateurs. Le prix Jean-Zay sera cette année pour la première fois attribué à un cinéaste, à savoir Costa-Gavras, qui viendra présenter son film Adult in the Room ce mercredi à 20h30 au théâtre d'Orléans. En 2020, le comité souhaitait attribuer le prix à Bertrand Tavernier, décédé depuis.
Un nouveau prix pour faire de ce rendez-vous, qui sait, un futur évènement majeur du 7e art en France. "On souhaite pérenniser un festival d'histoire et de cinéma à Orléans" tout en faisant "revenir les spectateurs" dans des salles qui souffrent depuis la crise Covid, précise Antoine de Baecque. Ce qui ne se fera pas en un claquement de doigts, il le sait bien. D'où l'idée de faire de Récidive un rendez-vous annuel, toujours axé sur une année de cinéma. L'année prochaine ? Plutôt en 2023, au printemps, une période "plus propice pour les scolaires", affirme le délégué général. Une future édition qui devrait être consacrée à 1968, pour "échapper à la fatalité de 1941, changer d'époque et voir de nouvelles têtes", plaide-t-il.
Voici le programme complet du festival, à retrouver sur le site des Carmes :
Les films de 1940
- Al difaa al watani (Défense Nationale) de David, Salomon, Herschel et Betzalel Frenkel
- Battement de coeur de Henri Decoin
- Brazza ou l'épopée du congo de Léon Poirier
- Il cavaliere di kruja de Carlo Campogalliani
- Correspondant 17 de Alfred Hitchcock
- Un crime de Anders Henriksson
- La dame du vendredi de Howard Hawks
- De Mayerling à Sarajevo de Max Ophüls
- Le dictateur de Charlie Chaplin
- Fantasia des Studios Disney
- La fille du puisatier de Marcel Pagnol
- Jeunes filles de france de Marc et Yves Allégret
- Le Juif Suss de Veit Harlan
- Lettres d'amour de Léopold Lindtberg
- Mes universités de Marc Donskoi
- Ninotchka de Ernst Lubitsch
- Paradis Perdu de Abel Gance
- Pour le maillot jaune de Jean Stelli
- Quand la chair est faible de Per Lindberg
- Les raisins de la colère de John Ford
- Rebecca de Alfred Hitchcock
- Remorques de Jean Gremillon
- Le rêve dans la hûte bergère de Teuvo Tulio
- Le signe de Zorro de Rouben Mamoulian
- Untel père et fils de Julien Duvivier
- Le voleur de Bagdad de Michael Powel, Ludwig Berger et Tim Whelan
Les documentaires
- 1940, les secrets de l'armistice de Emmanuel Amara
- Les bourreaux de Staline de Cédric Tourbe
- Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls
- Darlan, le troisième homme de Vichy de Jérôme Prieur
- Main basse sur le cinéma français de Pierre-Henri Gibert
- Le piège du Massilia de Virginie Linhart
- La seconde guerre mondiale vue par les cinéastes amateur - Programme d'archives proposé par Ciclic
- Vivre dans l'allemagne en guerre de Jérôme Prieur
Les séances spéciales - Rencontres - Hommages
Séance rencontre avec le réalisateur - 86 printemps, Jean-Luc Godard de Jean-Baptiste Thoret
Séance spéciale - La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo
Séance rencontre avec le réalisateur - De Gaulle de Gabriel Le Bomin
Séance spéciale - Une affaire de femme de Claude Chabrol
Hommage à Bertrand Tavernier - Que la fête commence de Bertrand Tavernier
Séance rencontre avec le réalisateur et l'équipe du film - La tour de Nesle de Noel Herpe
Séance rencontre avec la réalisatrice - Rêve de Gotokuji par un premier mai sans lune de Natacha Thiéry
Séance spéciale - Tre Piani de Nanni Moretti
Séance rencontre avec le réalisateur - Yitzhak Rabin, Amos Gitai, Gestes de mémoire / Haifa la rouge de Laurent Roth
Les Avant-premières
Avant-première rencontre - Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret
Avant-première rencontre - Nous disons révolution de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval
Avant-première - Où est Anne Franck ! de Ari Folman
Avant-première - Vortex de Gaspard Noé. Avant-première en présence d'Alex Lutz
Le cinéaste invité - Benoît jacquot
Tous les films suivants seront suivis d'une rencontre avec Benoît Jacquot
Les adieux à la reine de Benoît Jacquot (2012)
Elvire Jouvet 40 de Benoît Jacquot (1986)
Le journal d'une femme de chambre de Benoît Jacquot (2015)
Marguerite Duras, écrire. de Benoît Jacquot (1993)
Le prix Jean Zay 2021 - Costa-Gavras
Projection de Adults in the room de Costa-Gavras.
Rencontre avec Costa-Gavras
à la Scène Nationale d'Orléans